Dans le sillage des structures d’accompagnement qui n’ont cessé de fleurir dans l’Hexagone au cours de la décennie écoulée, de nouveaux métiers ont émergé pour épauler au mieux les entrepreneurs. Parmi eux, il y a le rôle de Startup Manager. Derrière cette fonction, se cache des personnes qui ne comptent pas leur temps et leur énergie pour soutenir les dirigeants de startups et ainsi adresser l’ensemble de leurs problématiques.
Il y a bien sûr l’accompagnement opérationnel pour les aider dans les démarches administratives, la construction de leur modèle économique, le déploiement de leur stratégie marketing, les levées de fonds ou encore la mise en place de partenariats pour accroître le rayonnement de leur entreprise. Et comme cette dernière est leur bébé qu’il faut cajoler, le Startup Manager est aussi là pour les rassurer.
"Comme un jardinier qui va arroser ses plantes"
Et pour cause, la vie d’un entrepreneur est remplie de doutes et d’angoisses à surmonter, et plus encore ces derniers temps avec la pandémie de Covid-19 et le contexte économique actuel. Dans ce cadre, le Startup Manager se retrouve en première ligne pour entretenir la flamme entrepreneuriale de ceux qu’ils accompagnent. D’une certaine manière, c’est un entrepreneur au service des entrepreneurs.
"Il y a une âme entrepreneuriale dans ce métier", assure ainsi Clémence Boxberger, directrice générale de La Boussole des Entrepreneurs, une association qui vise à rassembler les différentes structures d’accompagnement de l’écosystème (incubateurs, accélérateurs…). Elle préfère cependant parler d’accompagnateur plutôt que de Startup Manager. "C’est une personne qui va aider l’entrepreneur à grandir. L’objectif n’est pas de faire les choses à sa place, mais de l’aiguiller pour l’aider à se poser les bonnes questions et ainsi faire grandir sa structure. C’est un peu comme un jardinier qui va arroser ses plantes", résume-t-elle.
"Le Startup Manager doit devenir un peu le confident des entrepreneurs"
Pour que ce jardin donne naissance à de belles jeunes pousses, le Startup Manager doit pouvoir s’appuyer sur une palette de qualités pour jongler avec la variété de caractères et de besoins des entrepreneurs. "Il faut être patient, organisé, actif, réactif, collectif et fédérateur, avoir une grande capacité d’écoute et disposer d’une fibre sociale", énumèrent Audrey Vandersteen et Joana Dias, respectivement Head of Startup Programs et Startup Manager au Village by CA Paris. "Certains entrepreneurs vont avoir besoin d’être maternés, d’autres vont nous interroger deux fois par an. Je n’ai pas le sentiment d’être le même Startup Manager avec tous les entrepreneurs", ajoute Audrey. De son côté, Joana estime qu’il faut parfois prendre du recul pour préserver sa santé mentale au vu de l’engagement que demande ce métier. "Il faut faire attention à ne pas prendre les choses trop personnellement", préconise-t-elle.
Comme le Startup Manager côtoie au quotidien les entrepreneurs accompagnés par sa structure, un lien très fort se crée avec eux. Néanmoins, c’est une relation qu’il faut construire et entretenir au fil du temps. "Le Startup Manager doit devenir un peu le confident des entrepreneurs, mais il y a toujours un jeu de rapport de force. Il faut gagner sa confiance en tant que véritable apport de valeur pour son entreprise. La sagesse d’un Startup Manager, c’est d’accepter que l’exécution entrepreneuriale d’un entrepreneur prenne du temps", explique Mathieu Le Gac, fondateur et CEO de Startup Palace, structure qui opère des programmes d'accélération pour des grandes entreprises avec des startups. "Il y a plusieurs moments où il va falloir aider les entrepreneurs pour faire de la mise en relation, apporter un soutien psychologique, créer des synergies avec les autres ou encore les aiguiller dans des périodes de questionnement. Un entrepreneur va se poser plus de questions que la moyenne", complète Clémence Boxberger.
Un tiers de confiance pour aider les entrepreneurs à prendre les bonnes décisions
Au-delà de lui apporter de la quiétude dans les moments clés de la vie d’un entrepreneur, le Startup Manager doit parfois s’imposer pour l’enjoindre à prendre les bonnes décisions, à la manière d’un coach. "Il y a clairement un rôle de coaching. C’est un tiers de confiance, qui voit plein de startups. Il va donc pouvoir apporter des éclairages au travers de ce qu’il a pu voir ailleurs. Il y a un côté Operating Partner, mais cela va dépendre de la maturité du Startup Manager", développe Mathieu Le Gac. "Le Startup manager était formateur il y a quelques années, mais il n’est plus prof désormais, dans la mesure où la science de l’entrepreneuriat est devenue une matière assez disponible. La force de ce rôle, c’est d'arriver à mettre le doigt là où ça fait mal. Il doit identifier les trous dans la raquette de l’exécution", ajoute-t-il.
Tout dépend aussi de la manière dont sont perçus les conseils du Startup Manager par les entrepreneurs. "L’une de leurs premières qualités d’un entrepreneur, c’est l’écoute. S’il ne l’a pas, il ne sera pas coachable. Ma recommandation, c’est de ne pas perdre du temps avec ces entrepreneurs qui ne sont pas coachables. Par exemple, cela ne fonctionnera pas dans sa collaboration avec les grands groupes. Dans ces cas-là, il faut trouver des ressorts pour dire les choses avec la plus grande bienveillance possible. S’il échoue en ayant ignorer les conseils donnés, le Startup Manager va alors pouvoir lui faire comprendre qu’il peut l’aider", explique le patron de Startup Palace.
"Il n’y a pas de guide pour être Startup Manager"
Dans un métier où les semaines ne se ressemblent jamais, le quotidien d’un Startup Manager est rythmé par l’accueil des nouvelles promotions de startups, les comités de sélection, les sessions de pitch, les points de suivi de chaque projet, les mises en relation avec de potentiels partenaires, des grands groupes, des experts et des investisseurs, et bien sûr toutes les situations urgentes ou inattendues qui ajoutent un peu de piment à des journées bien chargées. Mais si ce programme qui évolue en permanence est particulièrement, il n’y a pas de parcours universitaire prédéfini qui mène à ce poste. "Il n’y a pas de guide pour être Startup Manager", confirme Joana Dias. Avant d’ajouter : "Je n’étais du tout prédestinée à faire ce genre de métier. J’ai fait un stage au Village by CA, et c’est là que j’ai découvert cette structure et ce poste."
Dans ce contexte, il n’est pas forcément facile de se sentir immédiatement à l’aise dans le costume de Startup Manager. "Au début, il y a le syndrome de l’imposteur et la peur de manquer de légitimité", se souvient Audrey Vandersteen. "On peut être amené toucher à tout, mais on ne peut pas remplacer un expert. Néanmoins, on s’aperçoit rapidement, en échangeant avec l’entrepreneur, qu’on lui permet de prendre de la hauteur", ajoute-t-elle. "Au fur et à mesure, on fait grandir nos connaissances", complète Joana Dias.
A défaut d’y accéder au travers de formations dédiées dans le parcours universitaire, la fonction de Startup Manager s’impose désormais comme un métier indispensable dans l’écosystème d’accompagnement de startups en France. "C’est un métier assez récent qui se professionnalise, mais c’est surtout un métier qui s’apprend en faisant", estime Clémence Boxberger. "Dans l’accompagnement, les profils sont jeunes. Il y a un vrai sujet autour des salaires qui ne sont pas en adéquation avec l’énergie dépensée. Il est nécessaire d’avoir un soutien des métropoles, de l’État et de l’Europe pour faire monter en gamme l’accompagnement. L’accompagnateur est un peu l’oublié de la chaîne de valeur de l’entrepreneuriat. Pourtant, il joue un rôle clé. Il n’y a pas que les fonds d’investissement", ajoute-t-elle.
A bon entendeur…