Beaucoup d’entrepreneurs se posent la question du "full-remote". Je vais vous partager les bonnes pratiques et les questions à se poser pour définir sa politique full-remote.
Attention, ici je ne parle pas de travail hybride, ni de jour de télétravail. Je parle uniquement de créer une entreprise "full-remote" qui n’a pas de lieu de travail défini où tous les employés sont amenés à travailler là où ils vivent.
"Comment es-tu sûr que tes employés travaillent vraiment s’ils ne viennent jamais au bureau ?"
Depuis qu’on a lancé Magma en full-remote, c’est la question qui revient le plus souvent. Quand on est habitué à travailler avec son équipe dans un bureau, c’est normal de se poser des questions sur le fonctionnement et l’efficacité du full-remote par rapport au travail en présentiel.
Je vais vous partager les questions à vous poser et les règles à suivre si vous souhaitez mettre en place votre propre organisation distribuée. Évidement, celles-ci sont basées sur mon expérience, et donc adaptées à notre entreprise, notre équipe, notre culture et nos habitudes. Si vous souhaitez l’utiliser, je vous recommande de l’adapter.
1️) Demandez-vous si vous êtes full-remote compatible
Le full-remote ne s’adresse pas à toutes les entreprises, ni à tous les employés.
Si sur le papier cela paraît intéressant, c’est un véritable défi pour votre organisation à titre individuel, ainsi que pour votre entreprise. Productivité, suivi des projets, collaboration, environnement de travail, il va falloir tout revoir, parfois même réapprendre.
Si vous êtes en train de créer votre entreprise, prenez votre décision maintenant car le changement sera plus dur quand vous aurez déjà un rythme, une organisation, une équipe. Si votre société est déjà en route et que vous souhaitez switcher vers un mode full-remote, la tâche sera bien plus difficile.
2️) Fixez les règles, définissez les limites
Le full-remote c’est avant tout un cadre et des règles. Pas de politique de remote sans règles claires. Comme des règles de vie au bureau, vous allez avoir besoin d’un cadre dans lequel vos équipes pourront travailler et s’épanouir.
C’est le travail des fondateurs de définir le périmètre : ce que vous voulez, ce que vous ne voulez pas. A distance, vous n’avez une vue sur rien ni personne, ce cadre va vous permettre de donner de l’autonomie à tout le monde (voir la règle n°7 sur l’ownership).
Quelques points sont importants à définir dans votre politique, comme la localisation. Cela peut sembler contre-intuitif, mais c’est le point de base. Une société où les collaborateurs sont dans toute la France, ou une autre où ils sont entre Tokyo, Sydney et Paris n’aura pas les mêmes contraintes.
Il est essentiel également de définir les horaires de travail. En full-remote, la frontière entre le perso et le pro est plus complexe à gérer. Il faut aussi cadrer les déplacements. Quand des gens rejoignent une entreprise en full-remote, il est clé de leur expliquer s’ils vont avoir besoin de se déplacer ou non, et comment ça s’organise. Chez Magma, nous demandons à tout le monde de se déplacer si besoin.
Enfin, ces règles doivent être fermes, mais elles ne peuvent pas pour autant être figées dans le marbre. Comme pour une entreprise avec des bureaux, les règles doivent évoluer en fonction des changements de l’entreprise.
3️) Encouragez vos équipes à voir des gens quotidiennement
Recréez un environnement de socialisation pour vos employés.
On ne doit pas mentir sur ce point : vous pouvez créer toutes les animations ou rituels en ligne que vous voulez, rien ne remplace un contact physique humain. En full-remote, il est impossible de réinventer cet esprit de bureau à distance.
En tant que dirigeant, il faut absolument veiller à ce que chacun puisse avoir un environnement social qui lui correspond, là où il est, en fonction de ses contraintes personnelles.
Il existe plein de solutions à cette problématique, mais n’oubliez pas qu’une des raisons principales du décrochage en full-remote est la solitude. Si vous voulez une équipe soudée, impliquée sur le long terme, c’est important que l’équilibre soit réuni.
Chez Magma, chaque personne a un budget remote qui permet à chacun de travailler dans le meilleur environnement. J’incite tout le monde à avoir un bureau, dans un espace avec d’autres gens, car je sais combien c’est important pour moi.
4️) Imposez des rituels
Pour engager votre équipe, créez des rituels.
Beaucoup se plaignent du manque d’engagement des employés en full-remote. Pour moi, le secret, ce sont les rituels qui vont rythmer votre quotidien. Des rendez-vous qui permettent à chacun d’avoir des échéances claires et des moments avec son équipe ou tout le monde.
Chez Magma nous avons pensé ces rituels par temporalité : quotidiens, hebdomadaires, mensuels et trimestriels.
Par exemple, une fois dans le trimestre, une personne est en charge d’organiser un moment avec l’équipe en visio. On bloque 1h-1h30 pour faire un jeu en ligne, faire intervenir une personne inspirante ou encore faire une session de yoga. C’est parfois compliqué, mais ça nous forge quelques souvenirs sympas tous ensemble.
Tous les trimestres, nous bloquons également une semaine pour se voir tous ensemble. Une sorte de séminaire pour passer du temps et travailler avec ses collègues !
5️) Privilégiez le travail de façon asynchrone
Réduisez au maximum le nombre de meetings, privilégiez le travail et les échanges asynchrones. De mon point de vue, c’est la règle qui change tout.
Au bureau, on peut facilement se prendre cinq minutes quand on voit son collègue disponible, venir taper sur l’épaule pour avoir une réponse à sa question, etc. Ce n’est plus possible en remote.
En distanciel, tout le monde va organiser son temps de travail individuellement. Certes, chaque équipe a ses meetings récurrents, mais entre ces temps fixés, il faut avoir du temps pour produire. Le travail asynchrone va changer la donne, en réduisant le nombre de meetings et d’interruptions, tout en permettant d’avancer sans dépendre des uns et des autres.
Partez toujours du principe que la personne que vous sollicitez n’est pas disponible et ne le sera pas avant quelques heures. Armez-vous de patience et documentez votre besoin. Dans ce cadre, des outils comme Notion, pour structurer les notes, ou Loom pour s’enregistrer en vidéo et screencast, permettent en quelques minutes de documenter très précisément une requête à un autre collègue. Slack est également au cœur des échanges et du travail asynchrone.
Mais la véritable clé pour bien s’organiser en tant qu’équipe est un agenda partagé avec tout le monde à jour. Pour offrir de la visibilité à chacun, il faut être transparent et la temporalité est un point crucial. Fixez toujours des échéances quand vous sollicitez quelqu’un. Pour cela, utilisez son agenda pour ajuster la demande en fonction de sa disponibilité. Cela facilitera le rendu.
6️) Documentez tout, tout le temps
La base du full-remote est de tout documenter. Et d’organiser cette documentation pour qu’elle soit accessible à long terme.
Le présentiel induit la simplicité de partager une information, d’interagir quand on se pose une question. Là, vous n’avez plus cette fluidité. Très vite, vous pouvez être perdu sur un projet.
La documentation est donc clé pour que tout le monde soit intégré, épanoui et opérationnel. La documentation, c’est un peu comme le code de votre système de fonctionnement interne : pour que ça marche, il doit être à jour et fonctionnel.
Par conséquent, documentez vos projets comme si vous alliez perdre la mémoire dans 24h, commencez à documenter le plus tôt possible dans votre entreprise et soyez synthétique. Plus vous attendez, plus dure sera la tâche de tout faire. Et bien évidemment, cette documentation doit être mise à jour en continu. Votre société va évoluer, votre documentation doit suivre également.
7️) Créez une culture de l’ownership
Créez une culture de l’ownership forte avec vos collaborateurs. Mais attention, tout le monde veut avoir des responsabilités et malheureusement tout le monde n’en est pas capable.
A distance, vous ne pouvez pas être derrière le dos de tout le monde. Si vous voulez que les choses avancent, recrutez des personnes talentueuses (règle n°10), faites leur confiance (règle n°9), donnez leur une destination claire (règle n°8), et donnez leur les clés du camion (règle n°7). S’ils ont les épaules, ils trouveront leur chemin sans souci et vous appelleront à l’arrivée pour vous raconter leur parcours !
8️) Définissez des objectifs clairs
Pour donner de l’autonomie aux équipes, il faut définir des objectifs clairs. Il existe beaucoup d’outils et de méthodes pour les définir : SMART, OKR, GROW, etc. Peu importe l’outil que vous allez utiliser, le plus important est de vous y tenir !
Fixer des objectifs est un exercice toujours plus compliqué qu’il n’y paraît. Mais c’est le seul moyen pour donner de la vision aux équipes et les rendre autonomes. Cela vous donnera énormément de flexibilité et vous saurez rapidement si la personne que vous avez recrutée répond à vos attentes.
9️) Ayez confiance dès le premier jour
N’attendez pas pour donner votre confiance : ayez confiance dès le premier jour.
Il s’agit probablement de la règle la plus complexe. Normalement, dans un cadre "normal" de bureau, un employé va petit à petit gagner la confiance de l’équipe et des dirigeants.
En distanciel, cela ne marche pas. Impossible de ne pas faire confiance, de se demander ce que la personne fait quand elle ne répond pas, si elle avance bien sur ses tâches, si elle va être dans les temps. Avoir des doutes, notamment au début de la collaboration, ne fera que créer des tensions et développer un environnement toxique.
Plutôt que d’attendre que quelqu’un gagne votre confiance, respirez un grand coup et faites lui confiance par défaut. Si vous avez recruté cette personne, c’est parce que vous étiez sûr qu’elle était faite pour cette mission. Reposez-vous sur elle, laissez-la prendre en main son périmètre d’ownership et restez disponible. Les outils et méthodes expliquées au-dessus (documentation, ownership, objectifs…) vous permettront d’accorder cette confiance les yeux fermés.
10) Recrutez des talents full-remote compatibles
Recrutez uniquement des talents compatibles avec cette organisation. Comme expliqué au début, le full-remote n’est pas fait pour tout le monde et n’a rien à voir avec travailler deux jours par semaine depuis chez soi. Si vous voulez construire une entreprise avec cette culture, il faut absolument des talents qui correspondent avec ces pratiques.
Une personne ayant déjà l’expérience du full-remote sera plus facilement à l’aise avec ce fonctionnement et pourra apporter son expérience à l’équipe. Les freelances sont également des bons profils (quand ils souhaitent rejoindre une équipe). En revanche, un junior (premier job, alternance, stage…) ne me semble pas compatible avec les règles énoncées précédemment. Pour éviter les mauvaises surprises, il est important de tester l’aptitude des candidats en conditions réelles durant le parcours de recrutement.