Pour ces derniers cependant, la prise de risque est conséquente. Alors, comment construire un modèle vertueux pour financer la Deeptech française ? Éclairage.
Près de six milliards d’euros tous dispositifs confondus, c’est le financement issu du Plan Deeptech déployé par Bpifrance depuis 2019, selon Éva Clerc, investisseuse en Deeptech chez Bpifrance. L’objectif des 500 créations de startups porté par l’Etat a presque été rempli, puisque 320 entreprises Deeptech ont vu le jour en 2022, soit deux fois plus qu’en 2019. L’écosystème se révèle très dynamique ces dernières années, avec une hausse des créations d’entreprises Deeptech et du nombre de levée de fonds.
Si bien que “71% des montants investis au premier semestre 2023 sont consacrés aux Deeptech chez Bpifrance”, révèle Éva Clerc. Pour continuer sur cette lancée, les laboratoires de recherche travaillent maintenant main dans la main avec les entreprises et les investisseurs. Et si on entrait dans une nouvelle ère pour la recherche et l’innovation ?
En avance de phase
“Les fondateurs de PSL ont voulu créer une structure de valorisation de la recherche par la création de start-up, une vision originale à l’époque, raconte Bruno Rostand, Directeur innovation et entrepreneuriat à l’université PSL. C’est pourquoi nous avons construit un fonds d’amorçage avec Elaia Partners, et le soutien de Bpifrance, et que nous sommes devenus apporteurs d’affaires pour le fonds French Tech Seed.”
L’université a ainsi créé son service PSL Valorisation pour soutenir la création d’entreprises innovantes, pour contribuer au financement de nouveaux concepts techniques et pour aider les chercheurs à protéger et à valoriser les résultats de leurs travaux.
“Il y a une richesse d’aides et de dispositifs qui rendent le démarrage de son activité difficile, explique Sophie Brac de la Perrière, CEO de Healshape. Il faut rapidement discuter avec ses pairs entrepreneurs et se rapprocher des chargés de projets de la Bpifrance pour faire de cette diversité d’aides une force.”
Et justement, la startup Healshape, spécialisée dans la médecine régénérative et la reconstruction mammaire, a su se démarquer. “Nous avons préparé le concours ILab et nous avons fait une demande de bourse auprès de French Tech Émergence, cela nous a permis de rentrer très tôt en contact avec les équipes de Bpifrance”, détaille la CEO.
La suite ? Une participation dans le fonds French Tech Seed en 2022 et une nouvelle levée de fonds début 2023.
Recherche et souveraineté
Dans le sillage du plan France Relance, 29 Pôles Universitaires d'Innovation (PUI), dont 5 en phase d’amorçage, ont été annoncés le 10 juillet par Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Ils bénéficieront ainsi de 160 millions d’euros pour rassembler l’écosystème Deeptech, améliorer l'identification des projets à fort potentiel et les accompagner vers la création de startups.
“Le label PUI va changer beaucoup de choses pour nous, précise Bruno Rostand. Les universités sélectionnées bénéficieront de 2 à 11 millions d’euros pour améliorer la performance de leurs dispositifs et avoir ainsi plus d’impact.” Afin de retrouver une souveraineté technologique dans un univers concurrentiel fort, la France entend renforcer ses aides aux entreprises Deeptech.
La Bourse French Tech Lab (BFT Lab) s'inscrit aussi dans cette dynamique en complétant le continuum de financement de l'innovation Deeptech de Bpifrance. Le dispositif récemment mis en place vise à soutenir le développement commercial des projets Deeptech. Notamment s’ils ont déjà bénéficié d'un accompagnement sur le volet technologique par un membre fondateur du Pôle Universitaire d'Innovation (SATT, OTT, incubateur, laboratoire, CHU ou autre).
« Le rôle de Bpifrance est de renforcer l’écosystème en créant de la confiance auprès des investisseurs privés, afin de leur permettre d’investir dans les projets Deeptech, explique Eva Clerc. Et c’est exactement ce que nous faisons avec la BFT Lab, dôtée de 20 M€ en 2023 pour faire émerger les projets en prématuration"
Quant à elle, l’université PSL prépare déjà la suite. “Notre premier fonds était un beau succès et nous comptons poursuivre sur cette lancée, déclare Bruno Rostand. Nous travaillons donc avec Elaia à l’élaboration d’un deuxième fonds d’amorçage Deeptech, pour lequel nous allons renforcer le volet international.” Une collaboration de long terme entre les entrepreneurs, les universités et les investisseurs, voilà peut-être le modèle vertueux dont la Deeptech française avait besoin pour faire de la France le nouveau champion technologique européen.