Loïc Soubeyrand a le sourire. Et pour cause, Swile (ex-Lunchr), l’entreprise qui s’est attaquée au marché des titres-restaurants en 2018, est en passe d’atteindre la rentabilité en France. "Les licornes rentables, ça existe !", lance-t-il avec ironie. En effet, le fondateur et CEO de Swile assure que la société montpelliéraine sera profitable dans l’Hexagone dès le prochain trimestre. Après un résultat net négatif de 72 millions d’euros à l’issue de l’année 2022 (contre 40 millions en 2021), la startup française vise ainsi un Ebitda de 30 millions d’euros en 2024, avant de le doubler un an plus tard.
En passant ce palier, Swile change définitivement de dimension après une année 2022 particulièrement intense, qui a vu l’entreprise s’offrir Bimpli, filiale du groupe BPCE spécialisée dans les avantages à destination des salariés (titres-restaurants, titres-cadeaux, services CSE…). Dans le même temps, le groupe bancaire a pris une participation à hauteur de 22 % au sein du capital de la société de Loïc Soubeyrand.
Ce rapprochement a permis à Swile de muscler davantage son offre pour devenir un poids lourd des titres-restaurants, qui revendique désormais 5,5 millions d’utilisateurs dans 85 000 entreprises clientes, à l’image de Carrefour, Spotify, Airbnb, Red Bull ou encore Back Market. En France, la société assure traiter plus de trois milliards d’euros de volume de titres-restaurants et détenir 34 % de part de marché face aux mastodontes du secteur que sont Edenred, Sodexo ou encore le groupe Up.
Okarito, porte d’entrée dans les voyages d’affaires
Dans ce contexte, la licorne s’est mue en centaure, qui a engrangé 138 millions d’euros de revenus annuels récurrents en 2022, mais cela ne suffit pas à rassasier l’appétit de Loïc Soubeyrand. "Les titres-restaurants et les titres-cadeaux n’étaient que la porte d’entrée d’une ambition beaucoup plus large : devenir un leader mondial de la worktech. Dans ce sens, l’étape suivante est logique : les voyages d’affaires. Nous voulons les révolutionner comme nous avons révolutionné les titres-restaurants", indique le patron de Swile. "Il y a un point commun évident entre les deux : chacun donne autant d’insatisfaction chez l’employé que chez l’employeur", ajoute-t-il.
C’est donc pour changer la donne dans ce nouveau champ d’action que Swile a racheté l’an passé Okarito, une société spécialisée dans la gestion des déplacements professionnels. La marque issue de cette dernière laisse peu à peu la place à la dénomination Swile Travel pour marquer l’avènement de l’entreprise montpelliéraine sur ce segment d’activité où l’on retrouve notamment la startup espagnole TravelPerk. Cette nouvelle offre est d’ores et déjà proposée aux sociétés comptant entre 20 et 200 collaborateurs, et un déploiement plus large est prévu dans les prochains mois.
"Il y a encore beaucoup d’industries à dépoussiérer dans la worktech"
Cette nouvelle corde à l’arc de Swile permet à la licorne française de se positionner un peu plus comme l’application tout-en-un de référence pour les salariés, d’autant plus que les voyages d’affaires constituent une passerelle idéale vers la gestion des notes de frais dans leur ensemble. "Il y a encore beaucoup d’industries à dépoussiérer dans la worktech", se réjouit Loïc Soubeyrand, qui peut aussi compter sur le Brésil pour alimenter la croissance de son entreprise. "Là-bas, nous sommes proches des 500 000 employés qui ont une carte Swile. Le démarrage sur le marché brésilien s’est mieux passé qu’en France et nous sommes à mi-chemin au niveau de la profitabilité", précise le patron de Swile. Au Brésil, la société tricolore a notamment mis la main sur Vee Beneficios, un spécialiste des avantages salariaux.
Cinq ans après sa création, tous les voyants sont donc au vert pour Swile, mais Loïc Soubeyrand estime qu’il avait de bonnes raisons d’être confiant dès le départ. "Nous sommes juste là pour dépoussiérer un marché robuste. Par conséquent, nous arrivons plus facilement à atteindre la rentabilité, tout en maintenant notre croissance", analyse-t-il. Cela tombe bien, car un nouveau paradigme est en train de s’installer dans l’écosystème technologique. "Il y a eu un changement de règles du jeu, quasiment du jour au lendemain. Là où nous étions concentrés sur la croissance et le volume, il faut désormais se concentrer sur la rentabilité", note le fondateur de Swile. Bonne nouvelle donc, celle-ci devrait être au rendez-vous sur le marché français au prochain trimestre.