Créé en 2021 par le ministère des Armées, à l’initiative de l'Agence de l'Innovation de Défense et géré par Bpifrance, le Fonds innovation défense soutient la croissance et le développement d'entreprises innovantes dont les technologies présentent un intérêt particulier pour le secteur de la défense. Doté de 200 millions d'euros, le fonds contribue à l'émergence de nouveaux acteurs de taille critique au niveau français et européen. Maddyness a interviewé Patrick Aufort, le directeur de l’Agence de l’Innovation Défense.
Financer l’innovation dans la défense et la deeptech
La création du Fonds innovation défense repose sur un double constat : "Tout d’abord, nous observions une frilosité de la part des investisseurs sur les sujets liés à la défense et la deeptech. Les sujets sont techniques, les besoins d’investissement lourds, et les retours sur investissement plus lointains que la moyenne. Les financements sont donc difficiles à trouver. Par ailleurs, nous avions la volonté de soutenir l’innovation et d’accompagner, par une participation capitalistique, de jeunes pousses, dont les technologies de rupture duales, pas suffisamment matures aujourd’hui, pourraient nous être utiles à l’avenir", explique Patrick Aufort.
Une fois son projet précisé, l’Agence de l'Innovation de Défense est partie à la recherche d’un opérateur. "Bpifrance, qui a une mission d’intérêt général, est naturellement apparu comme le meilleur opérateur. Bien sûr, nous cherchons des sociétés qui vont performer, mais l’objectif premier est surtout de trouver des entreprises pérennes et innovantes dans les domaines qui nous intéressent", commente Patrick Aufort.
L’Agence de l'Innovation de Défense a donc renouvelé sa confiance à Bpifrance, qui a déjà opéré Definvest, un fonds qui accompagne des entreprises stratégiques de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Cette base regroupe les 9 grands industriels qui contribuent à la réalisation des équipements des forces armées et leur chaîne de sous-traitance, soit plus de 4.000 startups et PME.
Le Fonds innovation défense vise une taille cible de 400 millions d’euros. Un premier closing à 200 millions d’euros a été réalisé auprès du ministère des Armées. Un second closing est prévu à l’automne avec l’arrivée d’autres partenaires, et Bpifrance s’est engagé à contribuer à hauteur de 10 % de la taille du fonds.
Miser sur des technologies duales
Ce nouveau fonds d’investissement vise au soutien en fonds propres et quasi-fonds propres d’entreprises innovantes, dont les technologies duales, c'est-à-dire qu’elles peuvent avoir des applications civiles comme militaires, sont pertinentes pour le secteur de la défense.
Contrairement à son grand-frère, le fonds Definvest, cette fois-ci les acteurs visés ne figurent pas encore dans la base industrielle de défense. Le fonds investira dans des secteurs tels que l’énergie, le quantique, les technologies de l’information, dont l’intelligence artificielle, l’électronique et les composants, les matériaux, la santé, l’humain et le spatial.
Le Fonds innovation défense ne prend que des participations minoritaires, jusqu’à 30 % maximum. Il cible en priorité des levées à partir de la série B et peut exceptionnellement investir en série A. "Nous voulons que les entreprises aient déjà un marché primaire hors défense. Ainsi, elles ne dépendent pas que du marché défense, qui est extrêmement exigeant et qui a des constantes de temps long", partage Patrick Aufort. "L’objectif final est de concrétiser une commande ou de faire un projet avec la startup. En parallèle, nous pouvons aussi les mettre en relation avec des accélérateurs et faciliter des partenariats", ajoute-t-il.
6 investissements réalisés depuis 2021
Les 2 premiers investissements ont eu lieu en 2021, dans des entreprises du quantique français, Pascal et Quandela. "Ils utilisent deux technologies différentes. Aujourd’hui, personne ne sait dire quelle solution va émerger et nous avons la conviction qu’il y a plusieurs solutions technologiques possibles", commente Patrick Aufort.
En 2022, le fonds a investi dans Outsight, une technologie d’exploitation des données issues des lidars, des systèmes de mesure à distance par laser, et Dust Mobile, qui propose des solutions de communication sécurisées. Début 2023, il a investi dans Exotrail, une société du newspace, qui offre une solution de logistique et de propulsion spatiale, permettant de déplacer des objets dans l’espace. "Exotrail est le parfait exemple d’une technologie duale. Côté civil, on peut par exemple l’utiliser pour nettoyer un orbite ou récupérer un satellite en fin de vie. Côté défense, on peut l’utiliser pour déplacer un satellite pour se protéger d’une menace potentielle", commente Patrick Aufort.
Le dernier investissement a eu lieu en mars et il s’agissait de XXII, une société de vision par ordinateur à base d’intelligence artificielle, référencée dans le French Tech 2030.
De prochains investissements devraient être annoncés prochainement. "Nous avons un dealflow régulier, avec en permanence une dizaine de dossiers à l’étude. Les trois dossiers les plus avancés sont dans les domaines des matériaux, des drones et du newspace", conclut Patrick Aufort. À ce jour, le fonds n’a investi que dans des entreprises françaises, mais il ne s’interdit pas d’investir dans une entreprise étrangère si la technologie n’existe pas en France.