L’étau se resserre en France autour d’Amazon Web Services (AWS), Microsoft Azure et Google Cloud. Et pour cause, les trois mastodontes américains du cloud, qui s’arrogent plus des deux tiers du marché français, n’en finissent plus d’asseoir leur domination sans partage dans l’Hexagone, au détriment des acteurs européens comme OVHcloud, Scaleway ou encore 3D Outscale qui doivent se contenter des miettes laissées par les ogres étasuniens.
Dans ce contexte, l’Autorité de la concurrence s’était saisie d’office en janvier 202 pour émettre un avis sur le fonctionnement concurrentiel du cloud dans l’Hexagone. Après avoir présenté ses conclusions partielles durant l’été 2022, l’organisme vient de rendre son avis final sur le secteur. Sans surprise, le poids étouffant des trois leaders américains du cloud est mis en exergue. "Ces hyperscalers sont, par leur force de frappe financière et leurs écosystèmes de services numériques, en mesure de pouvoir entraver le développement de la concurrence", estime ainsi le gendarme de la concurrence.
Vigilance accrue pour limiter les abus de position dominante
Ce dernier pointe notamment du doigt des pratiques anti-concurrentielles mises en œuvre par les groupes américains, sans jamais les citer pour autant. De manière implicite, l’organisme fait notamment référence aux offres cloud de Microsoft couplées avec sa suite de logiciels bureautiques Microsoft 365 (ex-Office 365), ce qui a valu à la firme de Remond d’être attaquée par OVHcloud devant les autorités européennes pour abus de position dominante. Les crédits cloud, qui constituent souvent un piège pour les start-up car les rendant totalement dépendantes du fournisseur qui les lui octroie, et les frais de sortie, qui peuvent se révéler exorbitants, sont également dénoncés par l’Autorité de la concurrence. Celle-ci "examine aussi les risques liés aux freins à l’expansion des concurrents des hyperscalers".
Devant ce tableau peu reluisant, le gendarme de la concurrence assure qu’il va redoubler de vigilance pour limiter les dérives actuelles. Dans ce cadre, l’organisme n’écarte pas la possibilité de recourir à "un certain nombre d’outils efficaces et rapides pour protéger la concurrence au titre du droit de l’abus de position dominante, du droit des ententes, de l’abus de dépendance économique et du contrôle des concentrations". Il estime également que le droit des pratiques restrictives de concurrence "peut également constituer une réponse adaptée à certaines situations".
Par ailleurs, l’arrivée prochaine de nouvelles législations est perçue comme des remèdes potentiels face aux défaillances actuelles du marché. Le Data Act, texte européen dédié au contrôle des données, ainsi que le projet de loi "Sécuriser et réguler l’espace numérique", proposé par le gouvernement, pourraient ainsi impulser une nouvelle dynamique sur le marché français du cloud. C’est en tout cas ce qu’espère l’exécutif. "La concentration excessive de ce marché place les entreprises françaises dans une situation de dépendance : le projet de loi visant à réguler et sécuriser l’espace numérique concourra ainsi à l’autonomie stratégique et à la souveraineté de la France", a estimé Jean-Noël Barrot, ministre délégué au Numérique, à l’occasion de la publication de l’avis de l’Autorité de la concurrence. Reste désormais à voir si ce texte, tout comme le Data Act, sera suffisamment contraignant pour changer les pratiques des géants américains, qui n’ont pas vraiment évolué depuis l’arrivée du RGPD malgré la cascade d’amendes qui est tombée sur Meta, Google et consorts.