Déclic

" Je suis ingénieur de formation, se présente Yasmine Dahmane, cofondatrice de BIBAK. J’ai été diplômée en 2012 à CentraleSupélec et c’est important d’avoir en tête le contexte de l’époque : ce n’était pas la mode d’aller bosser dans une startup et nous n’avions pas ce gros mouvement actuel pour donner du sens à son travail. J’ai suivi le mouvement en choisissant de faire carrière dans des grands groupes. Les questions d’impact ne me traversaient même pas l’esprit pour être honnête. En revanche, l’idée de travailler à la Défense me donnait des boutons… j’étais en quête d’aventure. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans le secteur pétrolier. "

Yasmine Dahmane part alors pendant deux ans sur une plateforme pétrolière au Turkménistan. Elle analysait les différentes zones d’intérêt pour identifier les gisements d’hydrocarbures. Une fois ces zones identifiées, des explosifs étaient placés dans le puits pour dépressuriser le pétrole et le récupérer. " C’est là que j’ai eu mon déclic écologique, explique l’entrepreneur. Pour savoir de quoi on parle, il n’y a rien de mieux que d’avoir vraiment été acteur de cette pollution. Ce moment où l’explosion venait permettre au pétrole de remonter à la surface, c’était tellement concret, ça m’a choquée ! Je comprenais que ce que l’on faisait était irréversible. À la fin je n’en pouvais plus ! ".

Yasmine Dahmane ne se sentait pourtant pas encore prête à passer le pas de l’entrepreneuriat. Elle passe les deux années suivantes au sein du cabinet en stratégie McKinsey, avant de se sentir prête à faire le grand saut. La jeune femme identifie un point commun entre l’entrepreneuriat et son passé sur une plateforme pétrolière : elle est irrémédiablement attirée par les challenges. " J’étais loin d’être dans ma zone de confort dans le secteur pétrolier. J’apprenais énormément, j’étais stimulée intellectuellement et j’avais beaucoup de responsabilités. C’était aussi un environnement très masculin. J’aime être à contre-courant. Je retrouve la même chose dans le monde des startups où il y a des challenges tous les jours. ".

Une levée in extremis

Yasmine Dahmane lance alors BIBAK en août 2018 (alors connu sous le nom de la Consigne GreenGo). La mission est simple : engager un large mouvement sociétal pour passer du tout jetable au réutilisable, en allant accompagner des clients tels que Leclerc, Sodexo ou Burger King.

La belle histoire de la levée de 6 millions d’euros annoncée en février dernier aurait pourtant pu se terminer tout autrement. " Cette levée de fonds a été très compliquée, admet Yasmine Dahmane en toute transparence. Ce n’est pas parce que tu es une belle startup en croissance que c’est facile pendant cette période de crise. Cela a été une lutte pour prouver que l’on avait les bons KPI. Mais on a continué à recruter. On savait que l’on n'avait plus beaucoup de cash… mais on s’est dit que l’on avait plus rien à perdre. On a recruté ces talents en se disant que cela nous permettrait d’être prêts pour le jour où on allait lever. Et, au pire, on aurait tout essayé. ".

Leur détermination va finalement payer et la levée se signera in extremis pour réinjecter le cash nécessaire pour que l’entreprise puisse continuer sa route. La levée est toutefois plus modeste que prévu : " On visait presque le double, lâche Yasmine Dahmane. À la base, on cherchait 10 millions d’euros. ".  La cofondatrice de BIBAK se montre pourtant philosophe : " On va essayer d’en faire autant, mais mieux. On cherche l’hypercroissance, mais le gros challenge est de rester raisonné dans cette croissance. Cela peut sembler antinomique… mais on a envie de grossir vite, sans perdre notre ADN, notre culture d’entreprise. On veut croître de manière rationnelle et sécurisée. C’est aussi l’une des raisons pour laquelle nous avons toujours valorisé les dépenses liées au bien-être au travail. Dans une période de réduction généralisée des coûts, même chez les grands groupes, on garde ces dépenses parce que c’est qui fait la différence pour attirer et garder les talents. ".

À la conquête de l’Europe

Mais ce n’est pas parce que Yasmine Dahmane prône une hypercroissance raisonnée qu’elle en est moins ambitieuse. La récente loi AGEC (acronyme pour “Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire”) a considérablement accéléré le secteur du réemploi. " Les industriels cherchent des solutions dans l’urgence, mais robuste. Cette loi a boosté la croissance de BIBAK, même si de nombreuses entreprises n’ont pas attendu la loi AGEC pour supprimer l’usage unique. On accompagne plus de 200 entreprises depuis 5 ans comme Sodexo, Compass ou Elior. " .

Dans un même temps, la cofondatrice de BIBAK évoque déjà la levée de fonds suivante : celle qui leur permettra de commencer leur internationalisation. " On a réussi à faire une année incroyable, partage-t-elle. Mais nous avons indéniablement un enjeu de vitesse si nous voulons préempter l’Europe. Cet été, on va se faire la main sur de petits pays frontaliers francophones, comme le Benelux ou la Suisse. Mais ce n’est qu’une première étape avant de pouvoir être plus agressif et d’attaquer de plus gros pays. ".