"La plupart des incubateurs de startups ont pour modèle économique de prendre des participations dans des startups, de pousser celles-ci à une croissance exponentielle et d’en sortir", rappelle Melanie Rieback, en dénonçant un manque d’alignement des intérêts avec les startups. "C’est la même chose dans les écoles de commerce : elles reçoivent des dons de ceux qui ne veulent pas nécessairement que le statu quo évolue.".
L’entreprise, la forme d'activisme la plus puissante ?
Avec Nonprofit Ventures, elle souhaite proposer un modèle alternatif, inspiré de sa propre aventure entrepreneuriale : depuis 2014, elle dirige en effet Radically Open Security, qui se présente comme "la première startup de cybersécurité à but non lucratif". "C’est une entreprise de 50 personnes qui a travaillé, entre autres, pour Google, la Commission européenne, le réseau énergétique néerlandais. Nous avons testé des applications COVID pour la Commission européenne et pour des États. Mais en même temps, nous proposons des services au prix coûtant, sans marge, pour des organisations à but non lucratif, des ONG et des organisations de la société civile", raconte-t-elle.
Pour cette entrepreneuse d’origine américaine installée aux Pays-Bas, il n’était pas question de créer une association en marge de l’économie classique, car "l’entreprise est la forme d'activisme la plus puissante" qui peut "devenir un moteur de changement positif". Mais cela, à une condition : "éliminer l'extraction financière du monde des affaires".
Un Post Growth Entrepreneur Ship Incubator
Chaque année, au sein du Post Growth Entrepreneurship Incubator qu’elle a créé, Melanie Rieback accompagne ainsi une quinzaine d’entreprises pendant 8 semaines pour les aider à adopter les principes de la “post-croissance”. Parmi ses conseils aux entrepreneurs : "restez à l'écart des VC, parce que leur carried interest de 20 % est extractif et incite à la croissance exponentielle des startups.".
À ses yeux, même les fonds à impact montrent leurs limites : "dans l’ESG, la Gouvernance est mise sous le tapis. Presque aucun fonds ESG ne prête attention aux structures de gouvernance qui permettraient de sortir de l'extraction financière, ou même tout simplement cherche à appliquer les principes de ‘steward ownership’ [le fait, notamment, que les profits ne soient pas considérés comme une fin en soi, mais un moyen au service de la mission de l’entreprise] aussi bien aux entreprises de son portefeuille, qu’à sa structure elle-même.".
Vers des fonds d’investissement “non-extractifs”
Reste que pour se financer, les alternatives aux fonds VC classiques sont encore peu nombreuses… "Nous avons besoin de courageux gestionnaires de fonds pour créer des véhicules d'investissement non extractifs. Pour cela, nous avons besoin des LPs, des investisseurs institutionnels, des fonds de pension, mais aussi des family offices, des ONG, etc., car ce sont eux qui décident quels sont les fonds qu’ils soutiennent.".
Le modèle en la matière ? Snowball Impact Management, un fonds londonien labellisé Bcorp et détenu par des fondations, dont la structure de frais a été repensée, pour ne prendre en compte que les coûts opérationnels, sans bonus de performance ou de carried interest, mais avec des objectifs de 6 à 7 % de retour sur investissement annuel. "Cela bénéficie aux entreprises à impact, plutôt que de permettre l'enrichissement des gestionnaires de fonds", explique-t-elle, en appelant davantage de fonds à suivre ce modèle permettant une plus juste répartition de la valeur.