Souvent, elles mettent en avant les montants levés en financement dilutif, au détriment de ceux obtenus par les dispositifs “non-dilutifs”. Explications avec Charles-Antoine Crosnier, Managing Partner de III Financements et Chloé Rossignol, experte de la communication des startups.
“Il y a trois cas de figure lorsqu’une startup communique sur une levée de fonds”, explique Charles-Antoine Crosnier, de III Financements. “Soit l’entreprise annonce un montant qui regroupe à la fois les financements dilutifs et non-dilutifs, y compris des financements qui n’ont pas encore été confirmés, soit elle additionne tout ce qui est confirmé, soit elle communique uniquement sur la partie ‘equity’.” Résultat : il est souvent difficile pour les journalistes et le grand public de distinguer le montant levé auprès des investisseurs en capital-risque (l’”equity”), par rapport au montant obtenu grâce aux autres dispositifs de financement. La pluralité de ces choix de communication fausse les comparaisons et rend difficile l’évaluation de la valorisation des startups.
Une vaste gamme de financements non-dilutifs
Concrètement, le non-dilutif englobe de nombreuses modalités de financement, qui s’étendent des prêts d’honneurs aux dispositifs d’aide à l’export en passant par la dette bancaire, les subventions de Bpifrance ou de collectivité locales, ou encore les aides publiques destinées à soutenir des secteurs particuliers…
“Bpifrance a vocation à soutenir une startup à toutes les étapes de son développement, dès la phase d’amorçage. Les régions, quant à elles, proposent plutôt des dispositifs sous forme de subventions et les banques de leur côté financent plus largement du BFR, du développement commercial ou encore du marketing. A ces dispositifs, s’ajoutent également les prêts participatifs, les prêts d’honneurs, les aides à l’internationalisation, les concours et appels à projets…” détaille Charles-Antoine Crosnier.
Bref, la palette du non-dilutif est large et toutes les startups y ont recours à un moment ou un autre de leur développement. Mais, pour autant, ces acteurs clés dans le financement de l’innovation sont rarement mis en avant dans la communication des entreprises qu’ils soutiennent.
Communiquer sur ses VCs et Business Angels est plus valorisant
“Pour une startup, il sera toujours plus valorisant de dire qu’on a levé auprès de tels business angels ou de tels grands fonds d’investissements, même si la part levée en ‘equity’ est relativement faible par rapport aux autres financements”, justifie Chloé Rossignol, cofondatrice de l’agence Sources, qui compte parmi ses clients des startups comme Alma, Virgil, Bitstack ou Eversy.
Ce constat était d’autant plus vrai il y a quelques années, lorsque les startups faisaient la course aux levées de fonds et cherchaient à afficher les montants les plus importants possible : “il y a 4 ans, on mélangeait un peu tout. Il y avait une volonté de la part des startups de faire grossir leurs chiffres, de montrer qu’elles étaient plus grosses qu’elles ne l'étaient réellement. Ce qui peut finalement être assez dangereux”, reconnaît-elle.
Ne pas sous-estimer l’apport des banques
Aujourd’hui, alors que le contexte a changé, la communicante recommande aux startups d’être plus transparentes, afin d’établir une relation de confiance avec les journalistes et les parties prenantes. “Il convient de bien séparer les deux types de financement, en montrant qu’il y a d’un côté la levée de fonds en equity pour faire grossir la société et de l’autre la dette pour faire tourner l’activité” ajoute-t-elle. La distinction est d’autant plus pertinente dans des secteurs comme la fintech ou la proptech, pour lesquels la dette est nécessaire pour assurer une partie de l’activité : avancer des créances dans le cas des startups du paiement fractionné ou du “revenue-based financing” ou acquérir des biens immobiliers, par exemple.
Pour Charles-Antoine Crosnier, les startups sous-estiment encore la valeur que Bpifrance et les banques peuvent leur apporter. “Aujourd’hui, la dette bancaire est plus onéreuse que par le passé, mais même à 5 ou 6%, elle reste plus intéressante qu’une dilution pour l’entrepreneur. Avec l’évolution du marché, les modalités de financement non-dilutif sont plus attractives, avec des différés de remboursements jusqu’à 2 ou 3 ans sur certains produits. "
Et d’ajouter : " c’est un vecteur de financement indispensable, désormais parfaitement structuré pour répondre aux besoins des sociétés innovantes. Cet apport permet alors d’accélérer la croissance tout en facilitant le processus d’une levée de fonds ultérieure. Tenant compte de ces atouts, les quelques points supplémentaires d’intérêt sont franchement indolores,” estime-t-il, avant de conclure : “au regard des possibilités qu’elle ouvre, la dette bancaire devrait retrouver une place de choix dans la communication des startups”. De quoi voir le non-dilutif sous un autre jour ?