Charles Christory, 37 ans, est déjà entrepreneur depuis une quinzaine d’années. Sa plus grande réussite est la société de marketing digital Adictiz, qu’il a revendu en 2018 au groupe Webedia pour un montant compris entre 10 et 20 millions d’euros.
Adictiz s’était notamment illustré en 2009 avec le lancement de Paf le Chien, un jeu accessible sur Facebook, qui avait atteint le million d’utilisateurs en moins d’une semaine. Deux ans plus tard, le jeu avait séduit un tiers des Français.
Après cette aventure, Charles Christory ressent le besoin de s’orienter vers un projet à impact positif : " La planète va dans une direction qui n’est pas très favorable à l’humanité… et le fait d’avoir trois enfants a accéléré ma prise de conscience et mon envie de passer à l’action. ".
La création du Fourgon
Depuis Lille, c’est autour d’une bière qu’il partage son idée avec des amis. Charles ouvre la bouteille, la vide dans trois verres de 25 centilitres, avant de la jeter. " Tu utilises la bouteille quelques secondes avant de mettre ce produit neuf à la poubelle. Je me suis dit que c’était d’une grande débilité. C’était comme de demander à tous les Français de mettre leur assiette en céramique dans la poubelle à la fin de chaque repas. ".
L’argument du recyclage ne fait pas mouche, il rappelle que seulement 26 % du contenu de nos poubelles est réellement recyclé. L’emballage représente ainsi 2 % des émissions de CO2 en France. " Avec mes associés Maxime Tharin (un ami d’enfance) et Stéphane Dessein (ancien CTO d’Adictiz), nous avons relancé la tournée du laitier ou du brasseur. ". Le Fourgon est né début 2021.
Si le principe de la consigne n’est pas nouveau, il aurait été inventé en 1799, Charles Christory et son équipe pensent pourtant être idéalement positionnés pour apporter leur pierre à l’édifice. En effet, de leur ancienne vie dans l’édition de logiciel, ils apportent une importante structure numérique à ce secteur.
L’hyper-croissance de la tournée du laitier
Le Fourgon se lance tout d’abord à Lille en avril 2021, depuis un entrepôt de 250 mètres carrés. Cinq mois plus tard, en septembre 2021, les 3 associés sont forcés d’ouvrir un second entrepôt, de 2600 mètres carrés, pour répondre à la demande croissante. Encouragés par cette réussite initiale, ils se lancent bientôt sur d’autres villes pour atteindre aujourd’hui 12 zones couvertes, dans toute la France, dont les métropoles de Nantes, Lyon, Angers ou Dunkerque.
Pour s’implanter dans une zone, le process reste le même. Ils commencent toujours par la recherche d’un entrepôt, puis le sourcing des produits locaux. L’objectif ? Aider les petits producteurs à passer à la consigne, en venant utiliser des bouteilles standardisées, suffisamment épaisses pour ne pas casser dans les laveuses, et en utilisant une étiquette soluble.
En parallèle, ils se mettent en contact avec des acteurs du réemploi local (des acteurs principalement associatifs qui ont souvent développé une activité économique face à l’attrait du retour de la consigne pour les consommateurs). Presque deux ans après son lancement, Le Fourgon est fier d’avoir récupéré 430.000 bouteilles sur le seul mois de décembre dernier.
" C’est parfois le chiffre annuel que font certains acteurs du réemploi installés depuis six ans dans une région, explique le PDG de l’entreprise. Ce n’est pas pour dire que l’on est meilleur, mais que l’on a réussi à imposer un modèle qui permet d’industrialiser la récupération de bouteilles. ".
Le Fourgon a aussi référencé 1.000 produits en moins de vingt mois et embauche 130 personnes avec une moyenne de 20 recrutements par mois. " On ne sauvera pas la planète avec les boissons, reconnaît Charles Christory. Mais on cherche à contribuer à changer les mentalités.".