Maddyness : Pourquoi avoir lancé Dastore, un fonds de " corporate venture " ?
Nicolas Safis : Dastore est une brique additionnelle dans notre stratégie d'innovation, qui nous permet de nous connecter davantage avec l'écosystème des startups et des entrepreneurs, en France, mais pas seulement, puisque Carrefour est un groupe mondial. L’idée est d’investir en early-stage et début de Serie A, car plus on arrive à s’approcher tôt des startups, plus on peut arriver à se saisir des tendances rapidement.
La création du fonds a été annoncée en novembre 2021, à l’occasion du “Digital Day” de Carrefour, où était présentée la stratégie numérique du groupe à horizon 2026. Il a ensuite été formellement lancé en avril 2022, avec une dotation de 80 millions d’euros.
M : Vous vous appuyez sur Daphni pour le déploiement du fonds : comment sont répartis les rôles ?
N.S : Ce partenariat inédit dans le secteur de la distribution nous permet de combiner notre expertise métier avec le savoir-faire de Daphni dans l'analyse des startups, le sourcing et le venture capital en général. Ensemble, nous avons constitué une équipe pluri-disciplinaire, qui nous permet d’analyser conjointement les startups du deal flow.
Pour identifier les startups, nous participons à de nombreux événements de l’écosystème et pouvons nous appuyer sur des partenariats, avec France Digitale, par exemple. Notre collaboration avec Daphni nous permet également de mettre en commun nos réseaux puissants. Par ailleurs, Carrefour jouit d'une bonne réputation dans le monde entrepreneurial, ce qui nous permet parfois d'être contactés directement par des entrepreneurs. Nous sommes ensuite en mesure d’accompagner les startups dans leur croissance, en leur faisant bénéficier de la force de frappe du groupe, comme des tarifs négociés avec nos fournisseurs, du mentorat ou la possibilité de mener des tests ou de nouer des partenariats plus formels.
M : Un an après, où en êtes-vous dans le déploiement du fonds ?
N.S : Nous avons identifié quatre verticales cibles, qui font toutes parties du “digital retail” :
- le futur du e-commerce
- la technologie, la data et le digital appliqués à nos opérations
- le digital pour les services financiers
- le digital au service de la RSE et de l’impact
En un an, nous avons rencontré 1 750 startups et investi dans cinq d’entre elles, en France et à l'international. Notre portefeuille est aujourd’hui constitué de Waysia (plateforme e-commerce de produits asiatiques), Underdog (seconde main et reconditionnement), Captain Cause (marketing for good), Emperia (showrooms immersifs) et Stockly (solution anti-rupture de stock pour les marketplaces).
Nous avons également mis en place plusieurs collaborations opérationnelles, comme avec Stockly, qui a été intégré dans nos marketplaces françaises et espagnoles un mois seulement après notre investissement. En amont, nous essayons de créer des connexions avec les équipes opérationnelles, pour que chaque investissement soit appuyé par un sponsor métier.
M : Comment se présente pour vous l’année 2023, alors la période est plus complexe pour les levées de fonds ?
N.S : Le marché a clairement changé. Il est encore un peu tôt pour en tirer des conclusions, mais après des mois de janvier et février assez calmes, le deal flow semble maintenant repartir. La recherche de rentabilité, qui avait été délaissée au profit de la croissance, redevient un élément important dans les dossiers que nous voyons passer. Finalement, nous voyons cette situation plutôt comme une opportunité, car cela permet d'obtenir des valorisations plus raisonnables, notamment dans l'early-stage.