Le sujet de la liquidation judiciaire n’est pas le plus médiatisé. Candice Cohen-Louyot, CEO et co-fondatrice de Mes Acquisitions, le reconnaît volontiers. Elle a pourtant la conviction qu’il gagne à être plus visible. En effet, l’avocate devenue chef d’entreprise souhaite donner plus facilement accès à un marché souvent réservé à des initiés.
D’un appartement à un entrepôt, en passant par un brevet, un restaurant, un hôtel, un ordinateur, un téléphone, un tracteur ou les fours d’une boulangerie, les actifs disponibles sont très divers et permettent une autre forme d’économie circulaire : quand la fin d’une entreprise peut permettre à d’autres de se lancer.
La genèse d’une idée
La reconversion à l’entrepreneuriat semble être une histoire de famille. Si Candice Cohen-Louyot est une avocate devenue entrepreneur, son père était un médecin devenu entrepreneur. En 2013, il annonce être en redressement judiciaire à sa fille. " J’ai vu mon père s’écrouler, avec l’impression d’avoir tout perdu ".
Elle réalise alors que, malgré des centaines d’heures de cours sur la fiscalité, elle n’a quasiment jamais entendu parler de la réalité du redressement ou de la liquidation judiciaire. Elle décide alors de quitter sa robe d’avocate pour se spécialiser sur la question en travaillant en tant que mandataire judiciaire.
" Pendant cinq ans, je recevais une dizaine de dirigeants en difficulté chaque semaine, à écouter leurs histoires ".
Elle découvre aussi la réalité du terrain et les raisons qui mettent ces chefs d’entreprise dans la difficile posture du redressement judiciaire.
Candice Cohen-Louyot comprend ô combien ce sujet peut être tabou. Les cours se multiplient dans les écoles pour apprendre à lancer une entreprise, mais jamais comment gérer la fermeture de celle-ci. Ces entrepreneurs font face à une situation stressante et inconnue, souvent vécue comme un échec honteux.
Ces années forgent une conviction qu’il devient nécessaire de créer un écosystème autour de la reprise, de dédramatiser une réalité pour démocratiser les opportunités associées. Candice Cohen-Louyot croise fin 2019, le chemin de Yankel Bensoussan, un autre avocat qui s’est spécialisé sur la restructuration d’entreprise, mais aussi celui de Julien Epin, le profil le plus entrepreneurial du trio.
Le lancement de Mes Acquisitions
Candice Cohen-Louyot fait son entrée dans un monde qu’elle connaît de très loin, apprenant les termes et usages du monde des startups au fur et à mesure qu’elle avance. En juin 2020, Mes Acquisitions remporte le premier prix des startups du droit remis par l’Incubateur du barreau de Paris et se retrouve incubé au cœur de la maison des avocats du nouveau Palais de Justice de la capitale.
" Monter un business plan, écrire une stratégie marketing ou faire du commercial, je me suis mis à apprendre toutes ces choses que je n’avais jamais rencontrées à la fac ou pendant mon expérience d’avocate ", explique Candice en souriant.
L’élève adopte vite les codes de la startup et lève 850 000 euros en juin 2021 (600 000 euros auprès de deux investisseurs et 250 000 de subvention de Bpifrance).
L’expérience l’a pourtant rendue prudente : " Des trois co-fondateurs, je suis madame Picsou. Je fais très attention à la trésorerie. J’ai vu beaucoup trop de startups déposer le bilan à cause d’une levée de fonds qui ne se fait pas ou d’un problème entre associés ".
Les signaux sont pourtant aux verts pour Mes Acquisitions qui a atteint les objectifs de chiffre d’affaires 2022, initialement fixés dans leur business plan. Ils viennent aussi de recruter une huitième personne.
Évangéliser les bienfaits du redressement judiciaire
Dans une période économique difficile, il est parfois difficile de prêcher les bienfaits du redressement judiciaire, mais le propre de l’entrepreneur n’est-il pas de transformer une contrainte en opportunité ? Candice Cohen-Louyot et ses deux cofondateurs tentent donc d’apporter de la pédagogie autour de ce sujet si peu connu.
S’il est difficile de se réjouir de la liquidation d’une entreprise, Candice Cohen-Louyot est convaincue que l’on peut y trouver du positif. En cette période économiquement troublée, des millions de Français sont à la recherche de bonnes affaires pour payer moins cher, que ce soit dans l’immobilier ou pour du matériel informatique.
Le marché de la liquidation judiciaire apporte une autre réponse à cette quête. L’impact d’une telle plateforme pourrait être pourtant beaucoup plus important d’après Constance Cohen-Louyot :
" Chaque année, nous avons 200 000 entreprises qui sont susceptibles d’être vendues en France. Cela peut être pour une multiplicité de raisons : départ à la retraite, épuisement, difficultés financières, envie de faire autre chose. Il n’y a pourtant que 25% d’entre elles qui trouvent un repreneur. On a 150 000 entreprises qui n’en trouvent pas ".
En parallèle, la CEO de Mes Acquisitions met en avant le fait que 28% des Français cherchent à lancer leur entreprise.
" Mais pourquoi partir de zéro ?, ajoute-t-elle. Il y a de bonnes affaires à faire pour racheter du matériel de production par exemple, et le réinjecter dans le circuit économique ".
Pour Candice Cohen-Louyot, c’est aussi ça l’économie circulaire : une économie qui vient recycler les actifs d’entreprises pour en créer de nouvelles.