Après avoir multiplié par cinq son chiffre d’affaires sur les trois dernières années, ce spécialiste de l’analyse de risques cyber ambitionne maintenant de le multiplier par dix pour atteindre les 50 millions d’euros d’ici à quatre ans.
Le secteur de la cybersécurité ne connaît pas la crise. Au contraire, le nombre de cyberattaques ne cesse de croître de manière exponentielle ces dernières années. Mais, comme pour venir concourir avec cette croissance, la startup EGERIE se donne les moyens pour aider les entreprises à mesurer leur exposition aux risques cybersécurité.
EGERIE propose une plateforme SaaS qui permet aux dirigeants d’entreprises de comprendre et évaluer les risques liés à la cybersécurité pesant sur leur activité. Une fois armée de cette cartographie des risques, l’entreprise peut développer une stratégie concrète grâce aux recommandations de la plateforme. Avec cette récente levée de 30 millions d’euros, la scale up recrute 90 personnes pour venir doubler ses effectifs d’ici à la fin de l’année et souhaite se déployer rapidement dans toute l’Europe et notamment en Allemagne, Autriche, Suisse, Pays-Bas, Espagne, Italie et Royaume-Uni.
Quand une faiblesse est aussi une force
Avant de se lancer dans l’aventure EGERIE, Pierre Oger et Jean Larroumets ont fondé en 2002 un cabinet de conseil spécialisé en cybersécurité. Ils consacrent quinze ans à cette activité avant de sauter le pas et lancer une startup tech.
Après autant d’années passées au bord de la route à observer l’ensemble des acteurs du secteur, Pierre Oger et Jean Larroumets n’ont pas résisté à la tentation de venir apporter leur pierre à l’édifice en venant proposer des solutions technologiques aux problématiques qu’ils connaissent bien pour les avoir si longtemps traitées avec leur casquette de consultant.
S’il pourrait sembler que travailler plus d’une décennie dans un cabinet de conseil sur un secteur serait la meilleure école pour se préparer à lancer une startup, ce n’est pourtant pas l’avis de Pierre Oger :
" On a eu l’impression de recommencer de zéro, de changer complètement de métier. "
Cela n’a donc pas exactement été une suite logique, une transition douce, les deux hommes ont dû se faire violence pour quitter le mindset consultant et adopter l’état d’esprit entrepreneurial.
Début de trajectoire pour EGERIE
Le projet d’EGERIE va d’ailleurs naître en 2016, en parallèle du cabinet de conseil. Ils comprennent pourtant très vite que, pour lui donner pleinement sa chance, les 2 fondateurs vont devoir s’y consacrer à plein temps.
Pierre Oger compare son départ du consulting à un divorce : " Il a fallu réussir à passer au-delà de l’affect pour se donner la liberté de ce que l’on avait envie d’être. Il y a eu une sorte de divorce et de renaissance sur un nouveau projet qui nous correspondait davantage ".
Cette renaissance a lieu en 2019 et elle est accompagnée d’une première levée de 4 millions d’euros auprès d’Ace Capital Partners (devenue Tikehau Capital).
" On avait compris que la vitesse de croissance était un facteur fort dans la réussite d’un éditeur en mode SaaS ".
Ils passent donc les trois années suivantes à structurer l’entreprise en même temps que la technologie, tout en cherchant à démontrer leur capacité d’hypercroissance pour aller chercher la levée suivante.
Mi-2022, la croissance est au rendez-vous et la levée est en préparation, mais leur niveau de cash disponible commence à descendre. En directeur financier avisé, Arnaud Biasse alerte les fondateurs d’EGERIE sur la nécessité de maîtriser le calendrier. Pierre Oger et Jean Larroumets décident pourtant de faire entièrement confiance en leur projet : ils accélèrent encore tout en demandant à leur DAF d’aller chercher de la dette en attendant.
La conviction des deux hommes va payer fin 2022 quand ils vont clôturer un tour de 30 millions d’euros auprès d’acteurs comme Tikehau Capital (son actionnaire historique), Open CNP, la Banque des Territoires, TIIN Capital, mais aussi la Business Unit Tech de la Banque de Financement et d’Investissement de La Banque Postale.
Le financement non dilutif : une solution au contexte actuel
Dans le contexte du marché actuel, les niveaux de valorisation sont généralement moins favorables et de nombreuses startups préfèrent différer leur augmentation de capital pour éviter une dilution trop forte pour les fondateurs.
Un questionnement qui n’a pas freiné EGERIE qui a choisi de réaliser cette levée avec une importante part de financement non-dilutif.
" Il y a un timing ultra-favorable pour le non-dilutif, nous explique Nizar Dahmane, directeur de la Business Unit Tech de la Banque de Financement et d’Investissement de La Banque Postale. On a ainsi beaucoup d’entreprises qui nous sollicitent en ce moment, notamment des start-up qui veulent différer leur levée de fonds. Parce que l’on peut intervenir en même temps qu’une augmentation de capital, comme c’est le cas pour EGERIE, on peut intervenir un peu avant, ou même après l’augmentation du capital. Nous sommes vraiment là pour adapter notre métier de banquier aux spécificités du secteur de la tech ".
Un positionnement confirmé par Pierre Oger. " On a contactés la BU Tech de la Banque Postale en octobre 2022, on a fait un premier rendez-vous en novembre et on avait déjà leur validation en décembre. Cela s’est vraiment passé très vite. Et je pense que c’est lié à leur compréhension de notre business. Je me rappelle la discussion avec une autre banque où l’on devait expliquer pourquoi on était en train de creuser notre EBITDA et comment fonctionnait le financement des startups. Ce n’était pas le cas avec la BU Tech qui avait tout de suite compris nos métiers et nos besoins ".
La rapidité de réponse de la BU Tech, Nizar Dahmane l’attribue aussi à un modèle de scoring propriétaire qui vient accompagner l’étape de due diligence pour identifier l’ensemble des éléments favorables d’un dossier.
" Nous ne sommes pas une structure d’innovation, insiste-t-il. Il s’agit vraiment d’un positionnement industriel stratégique que la Banque Postale développe pour accompagner les sociétés qui ont vocation à devenir les futures PME en lien avec les nombreux actifs du Groupe La Poste ".
Cette BU Tech placée au cœur de la banque de Financement et d’Investissement de la Banque Postale ambitionne donc de financer une vingtaine de startups tech par an par de la dette. Sa cible, des entreprises réalisant plus de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, qui font preuve de robustesse et disposant d’importantes barrière à l’entrée. Une partie importante des diligences sont également consacrée à la compréhension stratégique du marché, de l’équipe, du modèle d'affaires et de la qualité/du track record des actionnaires.
EGERIE venait d’atteindre les 5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Grâce à ce financement, elle vise 50 millions de CA pour 2027.