" Il n’y a pas de bon moment pour créer son entreprise ! ", assène Emilie Legoff avec assurance.
La fondatrice de Troops est bien placée pour le savoir. En effet, elle a lancé sa première entreprise après la naissance de son premier enfant et qu’elle était enceinte du deuxième. Pour corser le tout, elle était également en plein divorce et devait gérer un déménagement.
" Je me suis dit, quitte à ce que ce soit vraiment le bordel, je vais créer ma boîte maintenant ", plaisante-t-elle.
Du " petit groupe d’intérim " à la startup
Emilie Legoff a toujours su qu’elle voulait créer son entreprise. Après tout, elle vient d’une famille d’entrepreneurs. C’est donc en 2009 qu’elle va poser les bases d’ un " petit groupe d’intérim ". C’est du moins de cette manière qu’elle a longtemps présenté D2L, un groupe gérant 70 agences et générant 400 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Les affaires tournaient bien. Emilie Legoff s’est pourtant laissée séduire par l’idée de lancer une autre entreprise. Cela avait commencé très simplement : elle souhaitait un logiciel pour digitaliser les process de son groupe d’intérim. Quand elle se retrouve face à celui-ci, elle comprend le potentiel qu’il y aurait à le vendre à d’autres groupes d’intérim. Elle entrait alors dans le monde des startups qu’elle ne connaissait pas :
" Ma première entreprise était une boîte classique, je la gérais en bonne mère de famille et elle se développait bien tranquillement avec de la rentabilité. Avec Troops, cela a été la découverte du modèle des startups. Lever des fonds, c’était pas trop dans mon état d’esprit ". Elle n’en avait d’ailleurs absolument pas besoin
Une société d’investissement vient pourtant sonner à sa porte pour montrer une marque d’intérêt. Elle refuse une première fois, puis une seconde, avant d’accepter d’entrer dans les discussions. Celles-ci dureront de longs mois. Après tout, Emilie Legoff n’était absolument pas pressée de réaliser cette augmentation de capital. La seule et unique raison qui explique sa décision d’en faire une, c’était dans l’objectif de rassurer leurs futurs clients.
" La raison pour laquelle j’ai choisi de me lancer avec Eurazeo (un des plus gros fonds européens), c'était une réassurance. Je n’étais plus une petite startup provinciale. Avec Eurazeo qui conduit les audits juridiques et techniques, ils prouvaient notre solidité financière ".
Mais en absence de besoin financier, Emilie Legoff aborde ce deal sans la moindre pression.
Elle regarde le montant des levées d’amorçage qui se font à cette époque. Cela tourne autour de 700.000 euros et elle décide donc de demander dix fois plus : 7 millions d’euros. À ce stade de l’histoire, Troops doit encore réécrire l’intégralité de son logiciel. Eurazeo considère que cela valoriserait la startup à un montant qui découragerait de nombreux acheteurs potentiels. Le fonds fait une contre-proposition à 3 millions d’euros qu’Emilie Legoff accepte immédiatement.
Objectif revente
" J’ai levé 3 millions et je ne vais pas lever à nouveau, tranche-t-elle. Je veux reprendre un mode d’entreprise plus classique, rentable, mais qui se développe rapidement. J’admire les gens qui lèvent des sommes énormes… mais j’aurais peur de ne pas réussir à revendre derrière ou de ne plus avoir la main ".
Eurazeo connaît la position de la fondatrice depuis le début et n’a jamais essayé de lui forcer la main pour lancer une nouvelle levée.
" L’objectif pour eux, explique-t-elle. Il est de faire la plus grosse bascule possible… mais ce sera via une revente ".
Contrairement à d’autres entrepreneurs, elle assume totalement son objectif final de revendre Troops.
" Je pense que ça n’existe plus en 2023, ou de manière exceptionnelle, les aventures qui vont se transformer en entreprises familiales. Les choix de vie évoluent rapidement de génération en génération, et je ne pense pas que ce soit l’objectif de beaucoup d’enfants de reprendre l’entreprise de maman ou de papa. La durée de la plupart des entreprises aujourd’hui, sera entre 5 et 10 ans… parfois 15 ".
Emilie Legoff est d’ailleurs déjà en train de regarder très sérieusement le prochain projet qui pourra occuper la décennie qui suivra la revente de Troops. Un projet dans le monde de la santé qu’elle pense très prometteur. Emilie n’est pourtant pas pressée. Elle avance sur cette idée quelques heures par semaine et parfois le week-end pour préparer doucement le terrain.
C’est de cette manière qu’elle avait également lancé Troops. En effet, la startup est restée un side project pendant plusieurs années. " De 2016 à 2019, j’ai vraiment abordé Troops en dilettante ", admet-elle. La suite de l’aventure n’est pourtant pas écrite et elle prendra les décisions le moment venu.
Ce qu’elle sait avec certitude, c’est qu’elle ne redeviendra jamais salariée. Elle a connu deux expériences de trois ans de salariat chacune au sortir de ses études : des postes qu’elle avait acceptés pour se former sur le terrain et se préparer à l’entrepreneuriat.
" Je ne suis pas faite pour être salariée, lâche-t-elle en souriant. Je suis un peu une adolescente permanente… si on me dit que c’est interdit, je vais forcément le faire ".