Caractérisée par l’émergence des technologies de l’information et de la communication (Internet des objets, big data, 5G et IA), cette “4ème RI” participe aujourd’hui à l’avènement d’une économie basée sur les données, qui transforme notre société en profondeur. Et qui dit transformation de la société, dit aussi transformation de certains métiers, voire disparition… Mais spoiler : certains humains ne seront jamais remplacés par des robots.
Certains métiers de la santé sont soumis à de profondes mutations
Laissons de côté les prédictions hasardeuses, qui estiment le taux de survie des métiers et listent ceux qui seront toujours là dans 30, 50, 70 ans. Regardons plutôt les grandes tendances actuelles, que l’Office européen des brevets (OEB) a rassemblées dans une étude en décembre 2020 : précédemment les mutations technologiques ont fait évoluer ou disparaître les métiers les plus pénibles, répétitifs, physiques, aidant ainsi les humains à se concentrer sur des tâches plus épanouissantes, intellectuelles, créatives, “plus humaines” en somme ; aujourd’hui, avec la 4ème Révolution Industrielle, ces tâches “plus humaines” sont elles-mêmes en passe d’être remplacées.
Comptables, employés de banque, secrétaires, journalistes, bibliothécaires, traducteurs, écrivains… ces métiers qui jusqu’à il y a encore vingt ans, nécessitaient une intelligence et une sensibilité proprement humaines, peuvent désormais être effectués en partie par des robots ou des programmes informatiques.
Venons-en maintenant au domaine de la santé. Quel interne en radiologie n’a pas entendu : “Tu n’as pas peur d’être remplacé par l’IA?” ? Après tout, un radiologue analyse des images pour établir un diagnostic, et dans les faits, cette spécialité entretient déjà d’étroites relations avec l’IA. En 2021, le projet RAID a rassemblé les radiologues du CHU de Lille et des spécialistes de l’IA de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) afin de mettre au point un algorithme d’aide à la décision en radiologie. Verdict : gros succès au labo, les deux algorithmes élaborés affichent une précision de plus de 90 %.
Autre axe majeur de développement des nouvelles technologies dans la santé : l’amélioration du contrôle et du suivi patient. En dermatologie par exemple, le contrôle des grains de beauté réalisé par un algorithme se révèle très performant : une étude a montré qu’un programme était capable d’identifier 95 % des mélanomes (quand 58 dermatologues n’en reconnaissaient que 87 %) et permettait de réduire le nombre de “faux positifs”, évitant ainsi un excès d’actes chirurgicaux inutiles pour éliminer des tumeurs à titre préventif. En cardiologie, la surveillance à distance des pacemakers et défibrillateurs automatiques implantables permet d’envoyer au médecin les données collectées par l’appareil via un site internet sécurisé, soulageant ainsi les engorgements des cabinets de spécialistes de moins en moins nombreux, et permettant un diagnostic plus précoce d’anomalies.
Le domaine de la santé n’est donc pas épargné par les mutations technologiques. Ces dernières peuvent améliorer les voies de guérison et soulager les professionnels de certaines tâches remplaçables. Mais les machines ne remplaceront pas l’humain, car d’autres aspects ne seront pas pris en charge par des robots.
Pourquoi les infirmier(e)s ne seront pas remplacé(e)s
Quels sont ces autres aspects non automatisables-robotisables ? Ils relèvent en grande partie du soin. Soigner, c’est s’occuper du bien-être et du contentement de quelqu’un faire preuve d’attention, de sollicitude et de prévenance. Un robot ou un algorithme, aussi performants soient-ils, sont-ils capables de souci, de préoccupation, de sollicitude ou de prévenance ? Ont-ils cette notion de bien-être ou de contentement ? Non. Si les machines peuvent manipuler des mots, des images, des idées, à force de les stocker et de les comprendre, elles n’ont et n’auront jamais une sensibilité et un vécu, leur permettant d’établir une relation de dignité avec un patient.
Cette empathie nécessaire au bon déroulé d’un traitement thérapeutique, révèle ainsi les limites de l’avancée technologique. L’empathie permet de s’occuper “non seulement de la maladie du sujet mais aussi du sujet de la maladie”. Elle participe au bien-être des patients et au bon déroulé des traitements “par l’intermédiaire de l’échange d’informations, de l’expertise reconnue, de la confiance interpersonnelle et d’un partenariat”, améliorant ainsi la santé des patients, et réduisant les coûts de prise en charge. CQFD.
Prenons une autre situation : lorsqu’il faut annoncer une aggravation ou un décès à la famille d’un patient, peut-on seulement imaginer ces annonces faites par une machine ? Cela paraît impensable. L’écoute, l’empathie, la pédagogie, le soutien et l’accompagnement dans la souffrance sont indispensables dans une telle situation. Ce sont des qualités auxquelles sont d’ailleurs formés les étudiants en soins infirmiers pendant leurs études.
Pour revenir à la question initiale, la technologie peut (et doit !) soulager les soignants dans des tâches techniques, car elle sera progressivement meilleure qu’eux dans ces domaines. Mais le cœur du métier, fondé sur les capacités relationnelles, reste fondamentalement humain et irremplaçable.. De surcroît, avec des besoins prévisionnels croissants auprès des populations vieillissantes, et une augmentation des maladies chroniques, les infirmiers et aide-soignants auront plus que jamais besoin de déployer toutes leurs capacités d’accompagnement, leur sensibilité, leur pédagogie et leur empathie, pour redonner au soin sa juste valeur.