Ces dernières années, de nombreuses startups offrant de nouvelles formes d’accès à l’investissement immobilier ont vu le jour. Si elles ont toutes en commun l’idée de démocratiser l’accès à ce type d’investissement en faisant se rencontrer le monde du digital et celui de la pierre, elles reposent sur des mécanismes distincts. Maddyness s’est intéressé à une catégorie particulière, celle du crowdfunding immobilier.
Financer les promoteurs immobiliers et les marchands de biens
L’idée du crowdfunding immobilier est simple : faire appel à une “communauté” (foule) d’investisseurs particuliers pour financer des promoteurs immobiliers ou des marchands de biens qui ont des besoins en fonds propres pour développer des projets. Cette couche de financement, habituellement obtenue auprès d’investisseurs professionnels spécialisés, mais exigeants en rendement, vient s’ajouter aux prêts bancaires.
"C’est un modèle intéressant, à la fois pour les investisseurs et pour les marchands de biens ou promoteurs immobiliers. Ces derniers se financent à moindres coûts et les investisseurs particuliers peuvent en tirer une rentabilité intéressante comparée à d’autres produits financiers classiques", déclare Mathias Flattin, Managing Director Proptech & Contech funds chez Axeleo Capital.
Un investissement court terme et accessible
Les plateformes de crowdfunding immobilier comme Baltis ou La Première Brique proposent des investissements à court terme. En moyenne, selon les dernières données du baromètre du crowdfunding immobilier, cette durée a atteint 21,2 mois en 2021. En 2022, le rendement moyen était de 9,49%, selon Hello crowdfunding.
Le ticket minimum varie selon les plateformes, mais vise à permettre au plus grand nombre d’investir. Baltis propose par exemple d’investir à partir de 1.000 euros et affiche un ticket moyen autour de 5.000 euros. Thomas Danset, fondateur de La Première Brique est allé un cran plus loin dans la démocratisation : "Je trouvais le concept du crowdfunding très intéressant, mais il n’était pas poussé jusqu’au bout. Nous avons voulu respecter littéralement le concept de crowdfunding en rendant l’investissement accessible dès un euro. Certes, quand les mises de départ sont faibles, les gains sont faibles aussi, mais c’est la démarche d’investissement qui compte.".
La Première Brique a même choisi de limiter les montants d’investissement à 2.000 euros par projet : "Nous ne voulons pas que de gros investisseurs aient la priorité ou l’exclusivité, tous nos investisseurs sont sur un pied d’égalité.". Tout ceci semble fonctionner, puisque d’après le baromètre du crowdfunding immobilier, en 2021, il y avait en moyenne 313 investisseurs par collecte, soit une progression de 77 % par rapport à 2020.
Un marché jeune et dynamique
"Le crowdfunding immobilier est un marché assez jeune et extrêmement dynamique", partage Alexandre Toussaint, président fondateur de la plateforme de crowdfunding immobilier Baltis. "Le nombre de projets est croissant, et aujourd’hui, même de grands groupes cotés voient l’intérêt de ce mode de financement", ajoute Thomas Danset. L’activité a vraiment décollé pendant le Covid et en France, le marché compte aujourd’hui plusieurs dizaines de plateformes, dont la plus importante, Clubfunding. Toutes plateformes confondues, 4.360 projets ont été financés depuis 2012, dont 1.286 en 2022, toujours selon Hello crowdfunding.
Interrogé sur la concurrence, Alexandre Toussaint commente : "Il y a de la place pour tout le monde aujourd’hui. Nous ne sommes pas en concurrence directe avec les autres plateformes, et nous travaillons même avec certaines d’entre elles, l’ambiance est plutôt saine.". Mathias Flattin abonde dans ce sens : "Ce n’est pas un marché de “Winner takes all”, tous les acteurs sérieux peuvent se faire une place".
À chacun de choisir son positionnement. Baltis et La Première Brique se développent plutôt en région quand d’autres plateformes visent l’Europe. Certaines comme Baltis proposent également des avantages fiscaux, comme l’éligibilité au PEA/PME.
“Tout investissement comporte des risques”
Le risque pour les investisseurs est que le promoteur ou le marchand de bien fasse défaut. "Sur les 4.000 projets financés sur l’ensemble des plateformes françaises depuis le début du crowdfunding immobilier, seuls quatre ont fait défaut. Il arrive en revanche qu’il y ait du retard sur les remboursements", admet Alexandre Toussaint. Pour éviter ce risque, les plateformes sélectionnent les projets avec soin : "Nous travaillons avec des promoteurs qui ont un historique et des références sérieuses et nous demandons des garanties sur projet", partage Alexandre Toussaint.
Pour l’instant, Baltis et La Première Brique affichent un taux de défaut de 0 %, mais Thomas Danset reste pragmatique : "Compte tenu du contexte de marché et des dynamiques des dernières années, en 2023, des taux de défaut plus normés devraient apparaître, de l’ordre de 1 % à 2 %, c’est structurellement normal et tout à fait acceptable avec la conjoncture immobilière".
"C’est pour cela que nous rappelons toujours aux investisseurs qu’il y a un risque et qu’il faut diversifier. Limiter le montant maximum d’investissement les y oblige", poursuit Thomas Danset. Mathias Flatin nuance : "Là où un fonds investit dans vingt sociétés, l’investisseur mise ici sur un seul projet. Certes, l’investisseur peut lui-même faire son allocation, et investir de plus petits tickets sur divers projets, mais on a parfois l’impression qu’il y a peu d’opérations en cours et qu’un effet d’urgence est créé.".
La mise en garde de l’AMF ne concerne pas le crowdfunding immobilier transactionnel
L’Autorité des Marchés Financiers a récemment publié un communiqué mettant en garde les investisseurs contre : "certaines plateformes proposant de se constituer un patrimoine immobilier, et/ou de percevoir un rendement locatif en participant à des levées de fonds sur Internet pour financer l’acquisition de biens, notamment immobiliers".
Dans le viseur ? Les plateformes proposant d’investir dans l’immobilier sous forme de “royalties”, comme Bricks.co. Ces plateformes proposent à leurs investisseurs un versement d’une partie des revenus générés par la location d’un bien. "Cette attention portée par l'AMF est une bonne nouvelle qui va inciter les acteurs en place à apporter plus de transparence et de sérieux juridique à leur proposition de valeur", commente Mathias Flattin, Managing Director Proptech & Contech funds chez Axeleo Capital.
"En fait, le problème ne vient pas du modèle des royalties, qui est un moyen intéressant pour amorcer le marché, mais plutôt de la manière dont les entreprises le présentent. Les acteurs critiqués annoncent des rendements qui ne se réalisent pas toujours. C'est ce défaut de communication qui pêche", analyse Mathias Flattin. "Axeleo Capital a, par exemple, choisi d’investir chez BRXS aux Pays Bas, une plateforme qui utilise ce modèle de royalties tout en répondant à un certain niveau d’exigence en termes de transparence et de professionnalisme", ajoute-t-il.
Quoi qu’il en soit, cette activité est à distinguer du crowdfunding immobilier transactionnel. Si dans les deux cas, l’enjeu pour les plateformes est d’apporter une information de qualité, il s’agit de métiers et d’investissements bien différents. Quand des sociétés comme Bricks.co ou BRXS vendent des parts d'un investissement locatif long-terme, les plateformes de crowdfunding immobilier comme Anaxago, Baltis, La Première Brique ou Clubfunding vendent des parts pour financer un projet transactionnel à court terme.