2012. Geoffrey Kretz est un ingénieur-informaticien qui voulait travailler dans le développement d'applications mobiles. En parallèle, ses filles de 9 et 6 ans le suppliaient d’arrêter de fumer. Il fait le tour de l’App Store pour tenter de découvrir une application qui lui permettrait de l’accompagner dans son sevrage, en vain.
Il décide de fusionner ses deux quêtes en une seule : créer une application pour arrêter de fumer. Geoffrey lance donc Kwit tout seul, y consacrant ses soirs et week-ends.
Il se fixe un premier défi : réussir à rembourser le prix de son abonnement au programme développeur d’Apple avec cette application. Ce montant (99 dollars), il l’atteindra en quinze jours : " J’avais presque trop de traction, explique-t-il. D’autant plus que je ne savais pas trop comment la monétiser ".
Jusqu'en 2015, deux applications cohabitaient sur le store pour la même promesse, l’une gratuite et l’autre payante. La première redirigeait vers l’achat de la seconde via un pop-up. Petit à petit, il arrive à rassembler une base utilisateur suffisante pour générer un joli complément de salaire : en moyenne 1.500 à 2.000 euros par mois.
Il implémente l’in-app purchase (achat directement depuis l’application) en 2015 pour voir son chiffre d’affaires multiplié par quatre du jour au lendemain. En une journée, il avait réussi à dépasser son salaire mensuel. L’histoire de Kwit est parsemée de ces moments d’adrénaline pure, comme ce jour où son application a été mise en avant par AppGratis et qu’il a obtenu temporairement plus de téléchargements qu’Instagram.
Il ne se jette pourtant pas à l’eau tout de suite et garde la sécurité de son CDI encore deux ans.
Il déposera finalement les statuts officiels le 1er avril 2016 avant de s’y consacrer à plein temps à partir de 2017. Deux amis le rejoignent en tant que “cofondateurs” même si le projet existe déjà depuis cinq ans. Il va également recruter une psychologue qui se spécialise en thérapies comportementales et cognitives.
" Notre première mission en 2017 a été de renforcer la partie scientifique. On voulait montrer à ce monde scientifique que, ce l’on faisait était sérieux et que cela avait une vraie efficacité ".
Un leader mondial mal récompensé
Geoffrey Kretz est fier de présenter Kwit comme étant le leader mondial sur cette problématique, aussi bien par le nombre de téléchargements que les revenus. " Pourtant, aujourd’hui on ne fait pas tout à fait un million d’euros d’ARR (Revenu Annuel Récurrent). On a mal choisi le secteur où être leader mondial, plaisante-t-il. Je trouve que c’est plutôt mal payé ".
Depuis quelque temps, l’idée lui trotte dans la tête de se lancer sur une autre verticale : ce qui n’est pas seulement du bon sens business. " Je crois que l’on a fait le tour de la cigarette. L’histoire du tabac, elle me fatigue à titre personnel ". De plus, Geoffrey Kretz retrouve à nouveau un lien avec sa vie privée. Comme de nombreuses personnes, la période COVID a eu un impact sur sa consommation d’alcool. Il ressent le besoin de reprendre le contrôle sur cette nouvelle addiction.
En parallèle, ses équipes découvrent l’histoire de Reframe, une application américaine passée de zéro à un million d’ARR en seulement quinze mois.
Bien loin de les dissuader de se lancer, cela les motive. Ils ont enfin un concurrent à rattraper. Ils commencent le développement de leur application fin 2021, douze mois plus tard, ils sont prêts à se lancer.
Sobero : faire le choix de la sobriété
" L’objectif, ce n’est pas de demander aux gens d’arrêter de boire, explique Geoffrey Kretz. On veut éduquer sur la question de la sobriété… qui ne veut pas dire arrêter de boire, mais boire moins. Tout comme quand on parle de sobriété énergétique, on ne te demande pas de couper le chauffage… juste de le baisser. On cherche la modération ".
Lancée à quelques semaines du “dry january" (décrété “mois sans alcool” par la campagne de santé publique), Sobero va reprendre l’ensemble des leçons apprises par Kwit au cours de la dernière décennie. La volonté n’est pourtant pas de copier-coller leur application liée à la cigarette, mais de repartir d’une page blanche… ou presque. " On a pu récupérer 50 % de l’application, lâche Geoffrey Kretz. Mais de nombreuses dimensions n’étaient pas adaptées. La gamification par exemple était vraiment spécifique à la cigarette et il a fallu imaginer un nouveau process pour l’alcool ". Geoffrey Kretz ne lancera pas cette application seul cette fois, mais avec une équipe d’une vingtaine de personnes.
Quand il regarde le chemin parcouru, il revoit toutes les erreurs qu’il a pu commettre. Il reconnaît avoir parfois suivi des schémas entrepreneuriaux qui ne lui ressemblaient pas : se laisser embarquer par des fonds qui lui faisaient miroiter une belle levée alors qu’il n’en avait pas besoin dans l’immédiat. La levée ne s’est finalement pas faite et il s’est épuisé au passage. Geoffrey Kretz a pourtant beaucoup appris. Il a avancé à son rythme. Mettant dix ans avant de lancer une deuxième verticale. Il précise aussi que l’architecture de cette nouvelle application a été pensée pour leur permettre de lancer une nouvelle verticale en deux mois.
" En deux mois, on pourrait imaginer sortir une nouvelle application pour réduire sa consommation de sucre. Ou bien sur les troubles alimentaires ou du sommeil ". L’avenir n’est donc pas encore clairement défini. Ils vont d’abord lancer Sobero et voir comment les choses se présentent. " Dans tous les cas, je suis vraiment fier de l’impact que nous avons pu avoir avec Kwit. On n’a pas fait une cinquantième startup SaaS BtoB à la con… on a vraiment rendu service à des centaines de milliers de personnes ".