Nous n’avons plus le luxe de pouvoir nous battre sur tous les fronts : nous devons choisir nos combats et concentrer nos efforts et nos ressources là où c’est utile et des places sont encore à prendre.
Dans le numérique nous dépendons fortement des américains et des asiatiques
La situation de dépendance numérique dans laquelle nous sommes est désormais connue. Que ce soit dans l’hébergement de données avec AWS, Google Cloud et Microsoft Azure qui détiennent 70 % du marché français ou avec l’hégémonie chinoise dans le raffinage du cuivre, du cobalt et des métaux rares, tous indispensables au secteur du numérique, nous semblons hors-jeu.
Si cette situation est incontestable, elle n’est pas non plus permanente : la souveraineté est un combat. De Gaulle disait que "le destin d’une nation se gagne chaque jour contre les causes internes et externes de destruction". Charge à nous de savoir quelles batailles nous devons mener pour remporter la victoire.
On ne battra pas les géants américains sur les marchés où ils sont déjà leaders
L’histoire récente nous a montré que déloger un géant du numérique sur son marché d’origine est quasi-mission impossible. IBM par exemple, bien que sa puissance se soit vue éclipsée par l’avènement du PC et de son champion, Microsoft, n’a jamais cessé d’être le leader du marché du mainframe. Et ce qu’a vécu IBM, Microsoft l’a vécu plus tard avec l’avènement du smartphone, au profit cette fois-ci d’Apple et de Google.
L’enjeu n’est donc pas de vouloir, à tout prix, faire émerger des champions sur des marchés conquis. Les Gafam ne sont pas les trous noirs de l’innovation mais ces batailles sont perdues d’avance et, bien qu’il puisse y avoir du beau dans l’inutile, l’inutile ne fait pas une politique. On gagne plus à soutenir Sorare que Qwant.
Concentrer nos efforts sur les technologies émergentes
Ce principe ne condamne pas l’espoir de créer de nouveaux géants. Au contraire, au gré de ruptures technologiques ou d’usages, de nouveaux marchés s’ouvrent et laissent la place à des acteurs nouveaux. L’avènement de la blockchain par exemple, a conduit la création de nouveaux marchés et acteurs comme Ethereum et le français Sorare. De la même manière, Israël a démontré qu’il était possible de créer un leadership dans la cybersécurité puisqu’elle recueillait en 2021 près de 40 % des investissements mondiaux et hébergeait un tiers des champions du secteur.
Aujourd’hui, plusieurs technologies n’ont pas encore livré leurs champions. Le quantique en fait partie. Et si le récent prix Nobel d’Alain Aspect a rappelé au monde que nous avons les compétences en France, il nous manque en revanche davantage de moyens financiers pour soutenir nos entreprises du secteur.
Concentrer nos ressources vers des modèles soutenables pour réduire notre dépendance et s’aligner avec nos ambitions climatiques
Pour ces technologies numériques gourmandes en métaux et en énergie, le principal enjeu sera de réduire notre approvisionnement extérieur. Vouloir relocaliser tout ou partie de la chaîne de valeur de certaines industries ou filières technologiques sera insuffisant. L’explosion de la consommation de métaux par des véhicules – électriques ou non – confirme l’idée que les politiques devront aller jusqu’à favoriser certains produits et services qui engagent la société vers une sobriété véritable. Les métaux et l’énergie nécessaires au fonctionnement sont des ressources rares qu’il faudra concentrer au plus utile.
Concentrer nos ressources vers des modèles soutenables va bien au-delà. Il faudra une forte volonté politique bien sûr pour contraindre par le prix ou par la simple interdiction des produits et des services qui vont à l’encontre de nos devoirs climatiques et de nos ambitions politiques. Mais il faudra aussi de la part de l’État et de nos responsables politiques reposer la question de la finalité avant celles des moyens et accepter qu’un choix technologique est aussi un choix de société : il implique de nouveaux usages et influence sur d’autres activités.
Au fond, vouloir être souverain n’exige rien d’autre que cela : reconnaître ses propres limites qu’elles soient physiques, environnementales, ou encore financière, pour allouer au mieux ses ressources et préserver, demain, l’essentiel de nos libertés.