En préparant l’interview, j’ai découvert comment vous vous étiez lancés. Animés par la passion de la sneaker, c'est un side project au départ qui vous a amenés à créer ce qu’est devenu WetheNew. En quelques mots pouvez-vous vous présenter pour partager vos débuts et comment est née cette passion pour la sneaker ?
David Benhaim : J’ai 28 ans, j’ai grandi en région parisienne à Suresnes. Mon papa était entrepreneur et commerçant. J’ai fait une école de commerce, l’Essec. J’ai découvert le basketball très tôt ce qui m’a amené sur les baskets. Je revendais pas mal de baskets à 17 ans. On s’est rencontrés en prépa avec Mike. On se connait depuis plus de 10 ans maintenant on avait la même passion des sneakers avec Mike. C’était un peu comme une évidence de lancer un projet et s’associer ensemble.
Michael Holzmann : J’ai 28 ans aussi. C’est ma grand-mère qui habitait aux États-Unis qui me rapportait mes premières paires de basket. Très tôt dans mon adolescence j’ai été happé par la culture américaine : le basketball, les sneakers, la culture hip hop, le sport, les vêtements…. J’ai fait une école de commerce à Nantes, Audencia. J’ai commencé à bosser en stage en startup et en M&A, qui m’a fait rencontrer pas mal d'entrepreneurs. Ce qui m’a donné envie de le devenir et de monter une boîte. C’est au moment du stage de fin d’études de David et pour moi la fin du diplôme que l’on s’est dit que l’on devait faire quelque chose ensemble. On s’était donné tout cet été là pour réfléchir à notre projet sur la sneaker qui est devenu Wethenew aujourd’hui après 4-5 mois de travail.
Qu’est ce qui a fait que vous vous êtes dit que c’était la bonne idée et le moment ou jamais de se lancer ?
D.B: On avait à l’époque une bonne connaissance de l’achat et revente de la sneaker. Avec Mike on partageait la même frustration d’aller camper devant un magasin ou camper virtuellement sur un site internet pendant des heures et des heures et repartir sans sa paire parce que certaines personnes qui s’y connaissaient mieux que nous ou qui avaient les épaules un peu plus larges que nous, pouvaient passer dans la queue avant nous. Cette expérience de revendeurs de sneakers est extrêmement frustrante. L’idée de Wethenew était d’éliminer cette frustration pour les revendeurs à leur compte mais aussi pour le client, fan de basket.
M.H : On le faisait depuis un certain nombre d’années. On voyait apparaître les premières formes de sites ou de plateformes qui se professionnalisaient essentiellement aux US. On connaissait les conditions de marché en Europe et en France particulièrement, on voyait ce phénomène qui se passait aux US. On avait le sentiment de pouvoir créer de la valeur avec une solution et un service que les gens ne pouvaient pas trouver à l’époque. Une nouvelle expérience 2.0 soit une solution en 2 clics où vous pouviez trouver vos baskets en édition limitée, certifiées authentiques, avec possibilité d’échanges et de retour, et un service client à qui vous pouvez poser toutes vos questions si jamais il y avait le moindre problème. En 2017, ce métier là on le faisait déjà à notre niveau, il y avait une vraie valeur ajoutée par rapport à comment ça fonctionnait à l’époque, à savoir sur le Boncoin ou même au coin de la rue.
Quels conseils donnerais-tu à un jeune entrepreneur qui se lance ?
M.H: Le plus gros frein qu’il y a chez beaucoup de gens c’est le fait d’essayer et de se lancer. C’est une grosse barrière que l’on se met, c’est de se dire que je n’en suis pas capable. Juste se lancer et tester, c’est la chose la plus importante. Après il ne faut pas foncer en se lançant tête baissée et construire un produit de A à Z, il faut avoir une approche “customer first” parce que c’est ça qui va permettre de faire évoluer la manière dont une boîte avance et se construit. Le 3eme point qui est propre à nous dès le départ, on ne s'est pas dit on va monter une startup mais un produit ou un service sur lequel on va gagner de l’argent dès que l’on fait une transaction. Ce qui est fondamental c’est de réfléchir dès le début au sens économique que l’on va donner à sa boîte. C’est important aussi de rencontrer des gens qui sont passés par cette étape pour récupérer pas mal de feedback et enfin se faire confiance aussi car l’intuition joue un rôle assez important.
D.B: Je rajouterai qu’il y a énormément de contenus disponibles “gratuitement”, pas mal de ressources notamment des vidéos sur YouTube. Entre 2017 et 2018 j’ai regardé toutes les videos de Koudetat de The Family sur l'entrepreneuriat dans le train pour aller à l'Essec à Cergy. On a appris comment utiliser Shopify, les Facebook ads, les websites builders etc sur YouTube… Prendre aussi le risque le plus tôt possible car ce n’est pas vraiment encore un risque lorsque l’on est étudiant. Pas de contraintes financières ou autres, on a peu de choses qui nous empêchent de le faire. Je me suis dit si ça fonctionne et bien j’aurai fondé mon entreprise et à contrario si ça ne marche pas j’aurai appris tout plein de choses et vécu des expériences.
Pouvez-vous préciser quelle est la répartition des rôles entre vous ?
D.B: Mike et moi on est co-CEO, on codirige la boîte et on prend tous les 2 les décisions stratégiques de la boîte. Ensuite on a une complémentarité qui est très cool et qui s’est développée très tôt. Mike va être plus sur les sujets RH, Finances, business. Et moi je suis plus sur les sujets Brand, Product et Supply.
Pouvez-vous me pitcher le modèle de Wethenew comme vous l’avez fait en 2021 lors du tour de table qui vous a permis de lever plus de 10 millions d’euros ?
M.H: Wethenew est une plateforme sur laquelle les gens peuvent acheter et vendre du streetwear et des sneakers neufs, authentiques et limités sans défaut de fabrication. On est tiers de confiance sur l’ensemble des transactions c'est-à-dire que le produit va du vendeur vers chez nous, puis de chez nous vers l’acheteur après réception et contrôle.
D.B: Wethenew propose la meilleure expérience pour acheter et vendre du streetwear que l’on soit vendeur ou client. Pour le vendeur on est la plateforme qui paie le plus rapidement, pour le client c’est le paiement en plusieurs fois ou le retour et les échanges possibles, ce sont des services qui n’existaient pas sur le marché de la sneaker. Cette vision que l’on a eue était de créer la meilleure expérience avec tout le contenu et la qualité de service. Cela nous a permis d’ouvrir plus largement le marché plus seulement à des passionnés mais aussi auprès du grand public, à des gens qui voient juste le produit sur Instagram.
Depuis votre création en 2018 comment se comporte votre business en termes de développement ?
M.H: On fait plus de x2 chaque année depuis deux ans malgré le contexte morose et incertain on arrive à avoir de bons chiffres en termes de croissance. On ne communique pas trop sur le chiffre d'affaires pour vous donner l'ordre de grandeur, c’est plusieurs dizaines de millions d’euros. Cette année par exemple, on sera à un demi million de commandes annuelles en 2022.
D.B: Pour expliquer le business model, Wethenew vend les produits aux revendeurs et ensuite on achète donc on ne possède pas de stocks, ou très peu car il y a une très forte rotation. On réalise la vente avant et ensuite on source le produit avec les équipes achats.
Quel est votre Northstar metric et les principaux OKR que vous pilotez ?
M.H: On va traquer notre “gross transaction value” et sa croissance et aussi les grandes masses en particulier les conditions que l’on a auprès des vendeurs, notre marge, les coûts de transport, les dépenses brand & influence. Par exemple depuis une semaine on est en pleine campagne OOH dans le métro. Cette année on a aussi fait l’acquisition de notre propre entrepôt logistique qui nous permettra de faire x4 par rapport aux volumes actuels de Wethenew. Pour le client son expérience va être encore meilleure puisque cela pourra permettre de réexpédier le produit en 48h en comparaison à 4-8 jours aujourd’hui. Cela sera possible pour Noël dès cette année.
D.B: Ce type de grands projets comme cet entrepôt nous permettra de faire du “consignment” et proposer au vendeur pas uniquement de lister leur produit de manière digitale mais aussi de les entreposer et gérer le stock pour eux. Ils pourront ainsi nous confier leur stock comme un dépôt-vente.
Vous êtes en train de préparer une levée de fonds. Avec la perte de confiance des investisseurs en ce moment, comment ça se prépare? Ne craignez-vous pas pour votre développement futur à court ou moyen terme ?
M.H: Pas de craintes à court ou moyen terme. Il faut juste jouer les nouvelles règles. Pendant 10 ans les investisseurs voulaient des boîtes qui grandissent très très vite même si elles perdaient de l’argent. Aujourd’hui ils sont plus frileux et veulent équilibrer leur portefeuille d’investissements pour se protéger d’une quelconque éventualité. Avec ce gros changement il est préférable d’avoir une croissance plus modérée, des metrics économiques plus maîtrisés et des pertes beaucoup plus faibles. On a opéré ce travail depuis mars et qui porte complètement ses fruits depuis la rentrée. Ce qui fait que l’on est très confiant pour notre prochaine levée d’argent. D’autant plus que depuis notre première levée en série A et notre création, on a construit de vrais assets : toute la tech de A à Z, la solution back office, les solutions de paiement et logistiques. On se positionne en vrai leader côté tech sur notre marché européen. Et aussi côté marque et communauté. On est la plus grande communauté en Europe avec plus d’1 millions de followers sur Insta pour notre plateforme. On a réussi aussi à recruter de très bons profils sur la partie E-com et acquisition. On est à une phase de structuration que ce soit sur la tech, chiffres, people, on est parmi les meilleurs. Cette levée est planifiée pour début 2023.
Quels sont les grands enjeux de l’industrie de la sneaker ? Quelle est votre vision pour cette industrie ?
D.B: Il y a un premier enjeu sur la créativité et sur l’intérêt des collaborations des marques et plus largement sur les produits qui sortent. Il faut qu’il y ait aussi un environnement plus concurrentiel et compétitif qui s'enrichisse et qui ne soit plus uniquement Nike ou Jordan “driven”, qui prend la part belle de la collaboration en tant que leader de l’industrie de la sneaker et “l’apparel” en général. Quand on voit ce qu’a réussi à faire New Balance avec Teddy Santis, le fondateur du label Aimé Leon Dore en directeur créatif, qui revisite les modèles historiques avec de nouveaux coloris mais aussi de nouveaux schémas de distribution. C’est ce type d’initiative que l’on aime voir dans la sneaker. La créativité autour du produit pas uniquement sur les baskets mais plus largement de “l’apparel” permet aussi une démocratisation de cette culture urbaine, qui était au départ restreinte aux passionnés hardcore, vers le grand public et de nouvelles collab avec le luxe par exemple.
M.H: Je compléterai aussi que Nike et Jordan ont des stratégies gagnantes aujourd’hui pour deux raisons principales : 1- l’historique et l’authenticité culturelle des modèles ils sont indémodables. 2- ils ont un don pour réussir les choix sur les collaborations avec des artistes par exemple mais aussi parce que c’est le leader. Dans quelle mesure les autres seront capables d’aller chercher ce type de collaboration et travailler avec les bonnes personnes. Et oui, ce que fait New Balance est le meilleur exemple. Ces 2 dernières années NB représentait chez nous 1 à 2 % des transactions aujourd’hui NB est 3eme derrière Nike et Jordan !
Et les marques dans tout ça… Avez-vous des contacts avec elles ? Des partenariats ? Comment décririez-vous vos relations avec elles ?
D.B: On a des relations qui sont en train de se développer avec beaucoup de marques car on n’est pas qu’une plateforme transactionnelle et on a notre rôle dans la sublimation des produits car le contenu que l’on crée fait probablement parti des meilleurs contenus que l’on peut trouver sur leurs produits. On peut déployer maintenant avec nos moyens des campagnes produits qui sont regardées de manière positive du côté des marques. Il y a encore un peu de chemin à faire avec Nike et Jordan tout de même puisqu’ils entretiennent une relation ambiguë avec les plateformes de resell, elles créent cette rareté du produit en limitant la distribution ce qui donne lieu à des prix extrêmes de revente. On retrouve quasiment autant de produits sur les plateformes de revente que de produits mis dans le circuit retail et il y a toujours plus de demande que d'offres. Et en même temps, il n'y a pas de relation officielle entre Nike et ces plateformes. Ils préfèrent nous garder à distance contrairement à d’autres marques pour qui on est une destination, on commence à avoir des dialogues avec elles pour référencer plus de modèles de leur catalogue sur notre plateforme.
M.H: Les choses vont certainement se préciser et changer car en termes d’audience sur Wethenew par exemple 60 % de notre communauté ce sont les 18-24 ans avec un certain pouvoir d’achat, que les marques peuvent toucher facilement avec Wethenew.
Alors si on demande à vos 130 salariés comment décriraient-ils l’ambiance et environnement de travail et même la culture d’entreprise Wethenew que vous essayez de construire, ils diraient quoi ?
M.H: On a toujours eu à cœur de recruter des gens qui avaient l’ADN Wethenew en priorité. Ca nous est arrivé de refuser des gens qui avaient les hard skills mais ne collaient pas à nos valeurs. Ça va de l’écoute, à un attrait pour l’univers dans lequel on évolue, à de l’ambition, et de l’envie de construire quelque chose, d’être disponible et bienveillant les uns envers les autres. Entre nous on va créer des liens plus approfondis que juste des liens de collègue à collègue. Mais il faudrait leur demander pour le savoir.
À deux on a pu gérer jusqu’à 40 personnes en direct et puis on a commencé à recruter des personnes un peu plus expérimentées ou des gens du début que l’on a fait évoluer pour manager les pôles les plus importants. Celui qui gère les opérations par exemple c’est le deuxième employé de la boîte, il gère jusqu’à 50 personnes. Notre responsable logistique vient de chez Vestiaire collective ou encore notre CTO lui vient de chez Pixmania avec une grosse expérience de management d’équipe.
Aujourd’hui on délégue toute une partie de la gestion de la boîte à des personnes de confiance aux compétences fortes. Si la boîte est un succès c’est grâce au travail de tout le monde dans la boîte. On a beaucoup de chance d’avoir les gens qui travaillent chez Wethenew aujourd’hui.
La data et la tech ont une place prédominante aujourd’hui et en particulier pour les plateformes de revente. Pouvez-vous me dire comment la data et la tech font grandir votre business model ?
D.B: C’est clairement central pour nous. Pour passer de quelques centaines à plusieurs milliers de commandes, c'est vital que notre tech progresse en même temps que nous nous développons en volume. Un exemple concret pour illustrer simplement on va dire que la data nous aide sur le pricing car les prix évoluent sur un marché semaine par semaine quasiment, notre algorithme que nous avons construit pour cette partie prix est très important. Autre exemple aussi sur le sourcing de nos produits la tech est importante on a une plateforme dédiée aux vendeurs le “seller space” qui a vu le jour en novembre 2021, qui nous permet de communiquer et sourcer avec des milliers de vendeurs. Notre tech nous permet d’automatiser beaucoup de tâches de notre relation commerciale avec les vendeurs. Tout ce maillage technique le client ne le voit pas, ils ne voient que les améliorations visuelles du site mais c’est complètement nécessaire à leur expérience client comme la sélection des produits expédiés en express 48h.
Avec la transition écologique et même une prise de conscience ou du moins une sensibilisation pour la sobriété et donc quelque part moins de consommation et plus d'éco responsabilité et d'éthique aussi dans les affaires comment pensez-vous que va évoluer le business de la sneaker ?
D.B: Je pense qu’il le faut. On n’a pas le choix, cette transition doit se faire, c’est une question de vie ou de mort pour nous les humains. Que ce soit dans la constitution de nouveaux matériaux ou dans les produits de seconde main ou encore privilégier du transport routier plutôt que de l’aérien on a une responsabilité d’autant plus que l’on devient plus gros. On fait partie soit du problème soit de la solution, on a de plus en plus envie de s'investir et essayer de limiter les impacts car on a beaucoup d’impact lié au transport. En plus de l’objectif de satisfaire le client, toute entreprise doit avoir aujourd’hui une mission de se dire comment on peut continuer à faire ce que l’on fait en préservant la planète sur laquelle on vit.
Pour finir Si vous aviez les moyens au niveau budget marketing avec quelle personnalité vivante ou non, souhaiteriez-vous faire une collab' pour Wethenew? Et pourquoi ?
M.H: On est beaucoup à avoir ce rêve là ! Ca serait faire une collab' avec Michael Jordan. La Jordan One ça serait extraordinaire mais le vrai rêve ça serait de construire une superbe boîte et pérenne pour les gens qui bossent avec nous. Et lorsqu'ils nous "back” 10-15 ans après qu’ils se disent que c’était le meilleur moment dans leur vie.
D.B: Moi je suis fan de Kobe Bryan depuis tout petit. Je suis très ému en disant ça. C’est une personne qui m'a appris beaucoup de valeurs et influencé ma mentalité et ma détermination. J’ai regardé non seulement toutes ses vidéos de basket mais aussi toutes ces interventions et interviews. Si il était encore là ça serait avec lui que je ferai une collab, ça serait un honneur, j’ai énormément de respect pour cette personne.