Tout a commencé par la lecture d’une biographie romancée de Robert Capa. Chez Vera Kempf, le monde de la photographie n’est jamais bien loin. Un laboratoire dans une chambre, un père amateur de photos…Et la rencontre avec les photos de Robert Capa grâce à un ouvrage présenté par son père. Fille de deux parents professeurs de langue, Véra Kempf est envahie très tôt par le goût de la découverte des autres cultures. Elle passe une année au lycée français de Berlin à l’âge de 16 ans puis choisit une spécialité Europe centrale et orientale avant de se diriger vers l’Afrique lors de ses études à Sciences Po Dijon.
Au Congo-Brazzaville, en 2013, elle effectue son premier stage en tant que consultante pour la Chambre de Commerce de Pointe-Noire. “J’ai alors découvert que l’on pouvait se faire rabrouer par son chef ou malmener par son assistante ou encore que je pouvais recevoir des remarques sur ma tenue. En bref, qu’il était possible d’être jugée sur autre chose que mes compétences et mon impact”, se souvient Véra Kempf. Les horaires de bureau l’exaspèrent. Elle, qui avait vocation à travailler dans le public, découvre finalement qu’elle cache en elle le besoin d’être dans la stratégie.
Au Congo, elle côtoie des entrepreneurs passionnés. Le déclic intervient. À son retour en France, un an plus tard, elle fait la rencontre d’un entrepreneur lors d’un entretien d'embauche. “Je savais que j’avais trouvé ma voie et j’étais angoissée à l’idée de chercher un travail en tant que salariée.” Durant une année et demie, tous deux tentent de construire un projet dans la pâtisserie. Une idée qui se soldera par un échec. “Je me disais que j’avais tout raté. Je sortais de formation, je n’avais pas réussi ce projet. A l’époque, on ne parlait pas du fait de valoriser une expérience qui n’avait pas marché”, raconte-t-elle. Alors indécise et déçue, Véra Kempf recroise Denis Fayolle, rencontré quelque temps auparavant, lors d’un Startup Weekend. Ce serial entrepreneur n’a pour seul leitmotiv : se relever après avoir chuté. Il lui apporte une aide précieuse, la rassure et l’aide à dédramatiser la situation. D’avril à septembre 2016 Vera Kempf effectue des missions pour les différentes startup de Denis Fayolle. Elle en profite pour approfondir son apprentissage : “J’ai rencontré ses anciennes associées, j’ai pu voir des projets à différents stades de maturité, les différentes formes d’associations. C’était inspirant et instructif.”
Durant ces cinq mois, Vera Kempf rebondit, apprend en regardant les autres, repère les pièges dans lesquels il ne faut pas tomber et réalise qu’il est possible d’avoir un leadership qui ressemble à sa personnalité. “Pendant tout ce temps, Denis nous avait interdit de parler de notre futur business. Ce qui pouvait parfois être très frustrant”, se souvient-elle amusée. À la place, Vera Kempf et Denis Fayolle apprennent à se connaître sans toutefois perdre leur objectif de vue. “Pour la première fois, je suis parvenue à parler de mes occupations parallèles, à savoir la création d’un club de lecture pour adolescents dans les banlieues et Denis a apprécié que je sois fidèle à mes valeurs. Jusqu’alors, je n’osais pas en parler car j’évoluais dans un milieu où l’on ne parlait pas business, politique ou engagements.”
L’aventure Singulart
La frustration de Vera Kempf prend fin en septembre 2016. Place au brainstorming. Les deux entrepreneurs tentent de trouver un domaine regroupant les critères importants de Vera Kempf : avoir de l’impact et s’étendre à l’international. Denis Fayolle est attentif et repère la reproduction des nénuphars de Monet sur son bureau. “C’est Denis qui a proposé le marché de l’art en pensant que cela pourrait m’intéresser.” Et cela ne pouvait pas mieux tomber, le marché de l’art remplissant tous ses critères. “C’est là que l’histoire de Robert Capa a été éclairante car ce qui en a fait que Robert Capa est Robert Capa, est relié à l’impact que sa femme a eu sur lui… Cela a résonné en moi. J’ai commencé à rencontrer des spécialistes, à comprendre comment cela fonctionnait”, explique Vera Kempf. Rapidement, elle réalise que le marché est organisé de telle sorte qu’il est compliqué pour un artiste d’envisager une carrière à l’étranger.
C’est ainsi qu’est né Singulart, une marketplace à l’instar d’une galerie d’art dématérialisée exposant des artistes de tous horizons, vivant déjà de leur travail. “Cela signifie qu’il y a des collectionneurs, que ces artistes ont déjà une audience et que l’on a déjà validé leur prix”, justifie-t-elle. La centaine d’employés d’une vingtaine de nationalités différentes, se charge de sélectionner les articles, de fixer le prix de leurs œuvres et de les vendre à l’international. Et si le monde de l’art a plutôt tendance à attirer une certaine élite, Singulart est là pour s’adresser également à ceux qui n’auraient jamais osé pousser la porte d’une galerie. Aidée par son associé Brice Lecompte, Vera Kempf a fondé, l’année dernière, Balthasart afin de donner leur chance à tous les artistes ne vivant pas encore de leurs œuvres. Désormais Vera Kempf n’a qu’un seul objectif : continuer à faire la même chose l’année prochaine. “J’ai trouvé un domaine qui fonctionne et où je peux réaliser ma mission.”