Pas moins de 10.000 personnes, contre 7.000 l’an passé, se sont inscrites au deuxième Sommet de l’inclusion économique, qui a lieu mardi 29 novembre au ministère de l’Economie et des Finances. De nombreux dirigeants de grandes entreprises ont répondu présents, comme les patrons de Deloitte, Adidas, JPMorgan ou encore Sanofi. L’événement, organisé par la fondation Mozaïk, un cabinet de recrutement devenu une fondation pour faciliter l’inclusion économique de talents issus de la diversité, réunit aussi une vingtaine d’associations ainsi qu’un public jeune, notamment des quartiers défavorisés.
Fier de ce succès, Saïd Hammouche, le fondateur de Mozaïk, a accepté de livrer à Maddyness sa vision de la tech et de la diversité. Sa fondation revendique 15.000 candidats recrutés grâce à elle depuis 2008 dans l’économie française.
À quoi doit ressembler une jeune entreprise technologique selon vous?
La tech est un secteur en croissance, avec des levées de fonds tous les jours, donc de l’argent injecté quotidiennement dans cette nouvelle économie. Une entreprise en croissance doit forcément être inclusive, même si c’est une startup. Nous pensons que si l’entreprise et l’économie n’incluent pas les talents issus de la diversité, nous fabriquons mécaniquement une société qui exclut.
Il faut partir du besoin des entreprises pour détecter des talents et adopter une vision de la réussite par le travail. Dans les quartiers et territoires pauvres, cette vision permet de monter des programmes qui peuvent aider les jeunes travailleurs, mais aussi des entrepreneurs à régler par exemple le problème des métiers en tension.
Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs ?
Pour l’entrepreneur, il est important de travailler avec des gens qu’il connaît lorsqu’il se lance. C’est une force au début mais ce peut être une limite et un frein à moyen terme. Dès lors que vous allez vouloir élargir votre marché et chercher de nouveaux segments, si vous ne connaissez pas les populations visées, vous allez mettre plus de temps à analyser et comprendre les habitudes et besoins de ces consommateurs potentiels. En enrichissant votre équipe de personnes provenant de divers horizons, vous accentuez mécaniquement la compréhension de ces marchés.
Que peut apporter la diversité parmi les dirigeants d’entreprises ?
La société a besoin aujourd’hui de s’ouvrir à tous les étages de son organisation. Le top management est un sujet clé, pour ne pas passer à côté de certains marchés notamment. Plus on intégrera de femmes, plus on aura de nouvelles idées. Avec plus de seniors dans la tech, peut-être que de nouveaux services se développeront aussi. Les seniors représentent la catégorie la plus discriminée en France sur le marché du travail.
Je pense qu’il faut faire de la diversification de son recrutement un objectif stratégique et peut-être même se fixer des objectifs concrets, comme un taux de 10% de recrutement inclusif.
Quels conseils donneriez-vous pour parvenir à un recrutement plus diversifié ?
Pour diversifier son vivier de candidatures, je conseille par exemple de se connecter à la base Mozaïk Talents. Il est en outre nécessaire de former ses collaborateurs, notamment au sujet des biais cognitifs. La maîtrise des techniques d’entretien, alors que beaucoup de managers ne sont pas formés à cet exercice, est aussi importante, pour que les évaluations subjectives - et parfois négatives - ne prennent pas le dessus sur les appréciations objectives.
Il faut encore travailler sur la capacité des entreprises à se montrer plus inclusives. Mais aussi sur l’auto-censure de jeunes qui portent l’héritage de dysfonctionnements et ont parfois l’impression que candidater ne servira à rien au regard de la faible diversité de beaucoup d’entreprises.
Avez-vous déjà mis en place des projets spécifiques pour le secteur de la tech ?
Nous avons notamment beaucoup travaillé avec Diversidays (association œuvrant en faveur de l’égalité des chances et de l’inclusion numérique, ndlr), cofondée par Anthony Babkine, qui avait fait appel à Mozaïk à la fin de ses études.
Nous avons créé ensemble le programme Tech Your Place pour fédérer des startups qui ont envie de s’engager sur les questions liées au recrutement inclusif. Nous accompagnons ces entreprises pendant un an à travers des formations, des jobs dating, de nouvelles techniques pour pouvoir trouver des candidats et évaluer leurs compétences. Nous travaillons beaucoup sur le recrutement en accordant de l’importance au potentiel et aux aptitudes professionnelles des jeunes, pour ne pas se focaliser uniquement sur leurs diplômes et leur CV.
En octobre, nous avons en plus obtenu l’engagement de 12 fonds d’investissement (Alter Equity, Daphni, Eurazeo, Isai, Raise, RingCapital, Serena, Educapital, 360Capital, Galion.exe, Sagard, Parquest, ndlr), qui ont rejoint l’initiative Tech Your Place pour favoriser l’inclusion. Les startups qui sollicitent ces fonds devront notamment mettre en place une politique de diversité.
Avez-vous observé une évolution en termes de diversité dans le secteur de la tech ces dernières années?
Dans la tech, il y a encore peu d’évolution. Mais je suis bluffé par ce que peuvent faire certaines entreprises comme OpenClassroom, qui a fait un diagnostic avec nous sur l’état de la diversité au sein de son organisation, pour dérouler derrière un mode opératoire de très bonne qualité afin de diversifier ses équipes.