La moitié des entreprises françaises échouent au bout de 5 ans, selon les chiffres de l’Insee. "Malheureusement, commente l’auteur, les entrepreneurs n'envisagent jamais l'échec. Or l'échec est un peu le parallèle de la création d'entreprises". Apprendre à perdre, s’adapter aux changements, trouver sa vision… Le chemin de l’entrepreneuriat est semé d’embûches que Thierry Mauvernay entend contourner grâce à sa méthode de management basée sur :
- une vision,
- l’application de principes (tels que le sens de l’urgence et la conscience du risque).
- la valorisation de l’échec
"Toute réussite qui semble survenir du jour au lendemain exige souvent 10 ans de travail"
Les success stories des grands entrepreneurs jouent un rôle important dans l’inspiration et la motivation des jeunes chefs d’entreprise, mais l’auteur déplore l’absence d’histoires et de retours d’expériences dans les médias, à propos des échecs… source inspirante également pour les entrepreneurs et leurs pairs.
La notion d’échec, qui occupe une place prépondérante dans ce livre, fait partie intégrante du processus d’apprentissage de la création d’entreprise. "Le succès est souvent tellement près de l’échec qu’il ne faut ni trop encenser l’un, ni trop blâmer l’autre". Pour Thierry Mauvernay, il paraît essentiel d’apprendre à perdre. Aux États-Unis, certaines sociétés de Venture Capital ont pris l’habitude d’organiser des réunions post-mortem avec les startups de leur portefeuille qui n’ont pas réussi à apprendre de leurs erreurs. Une source prodigieuse d’informations malheureusement peu développée en Europe. Analyser les causes de l’échec permet de prendre de meilleures décisions par la suite.
Thomas Edison, Walt Disney, Henry Ford ont commencé par faire faillite, rappelle l’auteur. Le fondateur d’Alibaba a créé sa société car il n’arrivait même pas à décrocher un job de vendeur de fast-food.
La peur de l’échec, un syndrome européen ?
Alors que la Silicon Valley a tendance à valoriser l’échec, Thierry Mauvernay observe qu’en Europe, la peur de l’échec paralyse peut-être de nombreux entrepreneurs "qui se battent pour leur startup comme si c’était une question de vie ou de mort". Les Européens ont beaucoup plus de difficultés que leurs homologues américains à intégrer le concept du “fail fast”, échouer rapidement pour rebondir aussitôt. Plutôt que de tourner la page, ils s’évertuent à maintenir en vie artificiellement un projet voué à l’échec. L’échec est stigmatisé culturellement en Europe, ce qui ne devrait pas être le cas car de l’échec naissent l’expérience et la prudence...
Entreprendre, un équilibre subtil entre la prise de risques et le principe de précaution. La précaution peut aussi vouloir dire abandonner rapidement un projet sans avenir. L’auteur livre une multitude de conseils pratiques pour prendre un maximum de précautions, comme la stratégie dite pré-mortem du psychologue américain Gary Klein, "qui consiste à imaginer que votre projet est déjà mort pour analyser ce qui a mal tourné". 30 % des causes d’échecs peuvent être identifiées en imaginant par avance le fiasco d’une entreprise.
Développer une vision à long terme et la faire évoluer
Pour l’auteur, la vision de l’entreprise est plus importante que l’idée même. Pour illustrer ce propos, l’auteur rappelle que Mark Zuckerberg n’a pas inventé les réseaux sociaux (Myspace et Friendster existaient déjà). Mais il a compris avant tout le monde, le désir de reconnaissance et de narcissisme des internautes, le besoin d’appartenir à une communauté.
Une vision guide l’entrepreneur sur le long terme, mais doit aussi être capable d’évoluer selon le marché et les innovations. Une étude du BCG Henderson Institute révèle que seules 2 % des grandes entreprises parviennent à équilibrer l’exploitation d’un produit à court terme et l’exploration simultanée de nouvelles idées à long terme. "Trop de l’un ou de l’autre les tue". Certains grands groupes, et en particulier dans le secteur de la pharmacie, ont tendance à racheter des startups pour l’innovation disruptive et pratiquent en interne l’innovation incrémentale.
Être à l’écoute du marché pour devenir leader
Règle absolue de la méthode Mauvernay : ne jamais oublier son client et le marché. "Vous pouvez avoir une idée géniale, il faut un marché qui soit prêt à l’adopter". Et pour cela, le timing devient l’un des premiers facteurs de succès. "Lancez-vous trop tard et vous aurez trop de compétiteurs. Mais si vous arrivez trop tôt, vous devrez éduquer le consommateur, ce qui a aussi un coût".
Pourquoi ? À cause du sens de l’urgence : il faut répondre aujourd’hui très vite à un besoin, même si le produit n’est pas encore parfait. Il est primordial d’occuper le marché en premier, sinon la concurrence prendra votre place.
Connaître son marché avant son produit peut aussi être une clé du succès : Mélanie Perkins, la fondatrice de Canva, n’avait aucune compétences techniques de programmation et elle est pourtant aujourd’hui à la tête d’une entreprise de 1.600 salariés, valorisée à 3 milliards de dollars. Elle avait observé son marché et constaté que les étudiants peinaient à utiliser Photoshop ou Illustrator. La jeune Australienne a fait appel au mentoring du fondateur de Google Maps, qui l’a aidée à recruter les experts nécessaires au développement de sa solution.
Tout au long de la lecture, chaque démonstration s’appuie sur des cas concrets d’entreprises, success stories ou histoires d’effondrement. Le livre de Thierry Mauvernay puise chez Steve Jobs comme chez Nietzsche, cite Elon Musk aux côtés de Churchill ou Paul Valéry. Une démonstration intelligente et cultivée, qui utilise tout ce que notre culture contemporaine a à nous apporter d’expérience et de savoir pour entreprendre avec succès.
Écouter & oser pour entreprendre, de Thierry Mauvernay, Le Cherche Midi Éditions, 192 p., 18€.