8 novembre 2022
8 novembre 2022
Temps de lecture : 4 minutes
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En France, un inventeur de brevet sur six est une inventrice

Les résultats de l’étude publiée par l'Office européen des brevets sont éloquents quant à la parité en matière de dépôt de brevets en Europe, alors même qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour la compétitivité et l’innovation.
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Quel est le point commun entre le premier programme informatique, le premier logiciel et les bases de la technologie WiFi ? Toutes ces innovations majeures ont été inventées par des femmes. Ada Lovelace, pionnière du langage informatique, Margaret Hamilton, à la tête d’une équipe d’ingénieurs qui a développé le logiciel embarqué de la mission Apollo 11 vers la Lune, Hedy Lamarr, à l’origine de l’ancêtre des systèmes de communication WiFi et Bluetooth. Pourtant, le pourcentage de femmes inventrices en Europe n’est que de 13,2 %, selon la toute première étude consacrée à ce sujet publiée aujourd'hui par l'Office européen des brevets (OEB) sur la base des demandes de brevet entre 1978 et 2019.

En progrès mais peut faire beaucoup mieux

Cette étude publiée ce jour, " apporte un nouvel éclairage sur les lacunes à combler pour exploiter pleinement le potentiel des femmes inventrices en Europe. Promouvoir les femmes dans les sciences et l'innovation reste un défi majeur pour l'Europe, alors même qu’il s’agit d’un élément clé de sa durabilité et de sa compétitivité futures ", souligne António Campinos, le Président de l’OEB. En effet, si le taux de femmes parmi les chercheurs ayant déposé une demande de brevets en Europe a progressé depuis une cinquantaine d’années, passant de 2 % à la fin des années 1970 à 13,2 %, un écart flagrant subsiste entre les sexes. Certes, ce taux est supérieur à celui du Japon (9,5 %), mais inférieur à celui des États-Unis (15 %), de la Chine (26,8 %) et de la Corée du Sud (28,3 %).

La France que 13e au rang européen

Et la France dans tout ça ? Le pays se situe au-dessus de la moyenne européenne, avec 16,6 % de ses demandes de brevets comprenant une femme dans l'équipe inventrice, mais ne se classe que 13e au rang européen. Autre point significatif : le taux est nettement plus flatteur pour les chercheuses étrangères travaillant en France avec 22,8 %. En revanche, le pays suit la tendance européenne sur la différence entre les mondes académique et privé. Alors que les universités françaises sont des viviers de femmes inventrices (19,6 %), les entreprises privées françaises sont encore à la traîne (13 %). Une disparité qui s’explique selon Claude Grison, par un système plus hiérarchisé dans lequel il est plus difficile de faire sa place et par une injonction plus forte de résultats qui laisse moins de place à la prise de risque.

Être moins curieux des personnes que des idées

L’éco-chimiste et entrepreneuse montpelliéraine Claude Grison incarne les tendances de cette étude. Directrice de recherche au CNRS au sein du laboratoire interdisciplinaire Chimie Bio-Inspirée et Innovations Écologiques (ChimEco) et fondatrice de startups comme BioInspir, elle a déposé plus de 40 brevets et a été désignée lauréate du Prix de l’inventeur européen 2022 organisé par l’OEB. Pourtant elle reconnaît avoir rencontré de nombreuses difficultés à avancer dans un monde très masculin, par exemple lors d’une mission avec un partenaire au Japon pour lequel " on m’a dit que je n’y arriverai pas parce que j’étais une femme ". Pour autant, elle n’a jamais lâché, malgré les doutes, le manque de soutien et de confiance parfois. " Le fil conducteur de ma carrière pourrait se résumer à une phrase de Marie Curie : Pensez à être moins curieux des personnes que de leurs idées. Il faut outrepasser toutes ces remarques sexistes, rester concentrer sur ses convictions et son envie d’avancer. Entraînée à la difficulté, ça devient au final également une force ".

Des exemples pour déconstruire les préjugés

Cette étude a donc le mérite de mettre sous les feux des projecteurs un sujet d’importance grâce à un travail précis et objectif. " Pour déconstruire les préjugés, il est important d’en parler " estime Claude Grison. Selon elle, il faut montrer des contre-exemples comme Katalin Karikó, une biochimiste hongroise qui mène depuis nombreuses années des recherches pionnières sur l’ARN messager dont l’apport a été capital pour les nouvelles stratégies vaccinales développées dans le cadre de la Covid-19. " Elle a réussi à s’imposer en tant que femme alors que bien souvent on lui demandait pour quel homme elle travaillait... Autant de modèles sur lesquels il faut communiquer pour redonner confiance aux femmes qui veulent inventer, innover pour leur épanouissement personnel mais aussi le bien de tous ", conclut-elle.

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Claude Grison (FR) - Crédits : Office européen des brevets