La French Tech s'inspire à nouveau des Etats-Unis. Le concept de " mafia " startup doit son origine à PayPal. Au début des années 2000, un groupe d'anciens employés quittent l'entreprise de paiement en ligne pour monter leurs propres startups. Parmi elles, Tesla, LinkedIn, Palantir, SpaceX, YouTube ou encore Yelp – toutes devenues aujourd'hui des mastodontes du secteur. Avec à leur tête, des personnalités de la tech comme Peter Thiel ou encore Elon Musk. Signe de la maturité de l'écosystème, l'Hexagone n'est plus en reste. BlaBlaCar est considéré comme l'entreprise ayant donné naissance à la première " mafia " de la French Tech : " Cela a démarré il y a dix ans, presque comme une blague, raconte Nicolas Brusson, PDG et cofondateur de BlaBlaCar, qui a passé son début de carrière à la Silicon Valley. Lors des premiers entretiens d'embauche, je répondais que l'entreprise serait un succès quand elle aura sa 'BlaBlaMafia' ".
Miser sur le partage de l'equity
" Nous comptons 36 startups créées par des anciens pour un montant total levé de plus de 115 millions d'euros – contre 30 startups pour 29 millions d'euros levés en 2020 ", chiffre le PDG. La principale incitation : le partage de l'equity. " Dès l'embauche des premiers employés, nous avons distribué des BSPCE. Lors des levées de fonds, les salariés – surtout les anciens – ont pu en revendre afin de toucher du cash. Aujourd'hui encore, nous ne créons aucune complexité pour empêcher la revente sur les marchés secondaires, souligne Nicolas Brusson. Cela a permis à des anciens salariés de libérer des fonds, qui parfois pouvaient représenter jusqu'à 4 ans de salaire, pour créer leur entreprise. Au final, cela est réinvesti dans l'écosystème : c'est tout l'avantage de partager le gâteau ".
Pour Alexandre Dewez, investisseur chez Eurazeo : " un parcours réussi de startup signifie que les fondateurs, les employés et les investisseurs sont tous récompensés financièrement. Ils sont également instruits sur la manière de créer et de financer des entreprises via le capital-risque ", expliquait-il dans une note de blog en 2020. Et de poursuivre : " Un cycle positif se met en place, dans lequel le capital, les talents et l'éducation sont réinvestis dans l'écosystème, ce qui raccourcit le délai entre la création et l'exit, tout en réduisant le risque d'échecs potentiels ".
Cultiver la culture entrepreneuriale
Fondé en 2011, le startup studio eFounders a vu naître récemment sa " mafia " avec 46 startups lancées par des anciens. " Du fait de notre ADN, les employés qui nous rejoignent sont des entrepreneurs dans l'âme, explique Thibaud Elzière, cofondateur d'eFounders. Notre culture interne met l'accent sur l'autonomie, le risque et l'interaction entre les jeunes pousses – de quoi donner des idées pour monter sa startup ". eFounders s'engage d'ailleurs à accorder systématiquement les ruptures conventionnelles à leurs salariés qui désirent se lancer dans une nouvelle aventure.
Ces " mafias " ne seraient-elles pas un indicateur de fuite de talents ? " C'est un phénomène sain – même si cela paraît contre-intuitif, admet le PDG de BlaBlaCar. Mais la rétention de talents, dans une prison dorée, cela ne marche qu'un temps. Lorsqu'il y a un départ, c'est une opportunité pour nous de recruter à nouveau des personnes extrêmement motivées ". Un constat partagé par Thibaut Elzières : " Quand il y a un départ, il est vrai que nous perdons l'expérience acquise par nos employés, mais cela nous permet de nous renouveler ".
Une " mafia ", c'est aussi des nouvelles perspectives d'investissements. Chez BlaBlaCar, comme chez eFounders, les fondateurs ont directement investi en tant que business angels dans plusieurs startups lancées par leurs anciens salariés. " Cela n'est pas formalisé. Mais si un ancien employé nous présente un projet auquel on croit, alors nous mettons un ticket pour soutenir le lancement ", détaille Thibaut Elzières. " En tant que fondateur, notre réseau nous permet aussi de faire des mises en relation avec des fonds dédiés à l'amorçage ", complète Nicolas Brusson. Car c'est l'ambition des " parrains " de l'écosystème : favoriser l'émergence d'un réseau alumni. Si pour l'instant il s'agit plutôt de réseaux d'anciens informels, BlaBlaCar et eFounders réfléchissent à s'impliquer davantage pour faciliter les mises en relation.