La promesse du no code est simple : créer des applications, des sites internet et bien d’autres solutions numériques sans écrire la moindre ligne de code. Logiciels et plateformes no code s’appuient sur des interfaces visuelles simplifiées. En bref, l’utilisateur n’a plus qu’à saisir sa souris, glisser-déposer ou relier des " briques " no code entre elles pour créer une campagne de mails, un site d’e-commerce, une plateforme de mise en relation, etc.
Dans un contexte où les développeurs sont devenus une denrée rare (0,3 % de la population) et le développement d’applications exponentiel (500 millions d’ici à 2025), le " no code " commence sérieusement à faire recette. " Les acteurs du no code ont levé plus de 4 milliards d’euros sur la seule année 2021, rapporte Pierre Launay, CEO de l’agence de design et de développement no code Cube et membre fondateur du jeune Syndicat français des professionnels du no code (SFPN). D’ailleurs, l’organisation a réuni, fin septembre à Paris, plus de 1 300 personnes pour un No Code Summit - premier événement du genre organisé en Europe.
Agilité et capacité d’innovation préservée : le tout à moindre coût ! Le no code ouvre un champ des possibles, mais jusqu’où peut-on aller ?
Quels besoins ?
" Aujourd’hui, des dizaines de solutions existent, et la difficulté ne réside plus dans l'exécution technique mais dans la capacité à choisir le bon outil pour le bon besoin, analyse le CEO de Cube. Ces technologies permettent aux startups ou grandes entreprises de lancer des projets et ce, sans avoir besoin de lever de fonds pour financer une équipe technique et de longs mois de développement. Le rapport au délai de commercialisation est beaucoup plus court qu’avant. "
Il poursuit : " Un business purement web type Airbnb ou Facebook n’a plus forcément besoin de se doter d’un CTO pour développer une première version de son produit. " Pour une entreprise qui est sur un secteur très tech, l’approche sera différente et le no code peut-être moins pertinent. "
Le choix de l’outil vient répondre aux besoins du business plan et de sa vision. " Il faut pouvoir jauger la capacité de la solution à monter en charge, souligne Frédéric Durand, CEO de Diabolocom, fournisseur de centre de contact en Saas de qui a fait du no code sa philosophie tant dans les produits qu’il vend depuis 2008, que dans les solutions développées en interne. Réputation de l’éditeur, engagement, retour d’expérience client peuvent être de bons indicateurs. "
Google, Microsoft, Salesforce… Les géants de l’informatique intègrent, depuis plusieurs années maintenant, des fonctionnalités no code/low code (avec peu de code) à leur logiciel.
Innover, automatiser : quelles possibilités ?
Les cas d’usages du no code sont multiples. Il peut, entre autres, être un puissant levier d’innovation. " ll faut voir le no code comme une force de production, estime Thibaut Watrigant, head of product & No code chez GoJob, plateforme de recrutement en intérim. La scale-up qui a récemment levé 23 millions d’euros, l’utilise notamment pour " tester rapidement et valider ou non des hypothèses avant de le remplacer, une fois la preuve de concept faite par une solution en code, explique Thibaut Watrigant. C’est l’option que nous avons choisie avant de lancer notre plateforme aux Etats-Unis. En deux semaines, nous avons pu lancer via Airtable et Make un produit fonctionnel qui nous a permis de tester, d’apprendre, d’itérer très vite et de laisser le temps aux développeurs de concevoir la plateforme finale. Le code reste la force de production privilégiée sur du cœur de métier. Il offrait une meilleure scalabilité sur ce cas d’usage. "
" L’entreprise peut faire évoluer ses solutions en prenant peu de risques notamment sur le plan financier, estime Frédéric Durand, CEO de Diabolocom. Le déploiement est rapide et mobilise moins de ressources humaines. Il supprime le risque d’aléa informatique qui peut intervenir après plusieurs mois de développement et d’importantes sommes engagées. Avec un abonnement à une plateforme no code, pas besoin de grosses mises de départ ! "
Le no code, c’est aussi l’outil de l’automatisation des processus internes via des éditeurs comme Zapier ou Make. En " aspirant " des données pour les réinjecter automatiquement dans une autre base de données, il délègue aux machines des tâches répétitives et fait gagner un temps précieux aux équipes.
Quel impact sur l’organisation de l’entreprise ?
Opter pour le no code n’empêche pas de se poser la question de la ressource en interne. Car no code ne veut pas dire no expertise. A l’entrée dans le no code, les barrières sont faibles et l’on peut rapidement aboutir à une solution basique puis stagner… " Toute personne à l’aise avec le web et un ordinateur peut utiliser le no code. Mais pour aller plus loin, il faudra un certain vernis technique et se familiariser avec des concepts d’API, d’interface, etc. "
Gojob a fini par intégrer des no codeurs à son équipe produit. Des profils hybrides pas forcément issus de la tech mais qui ont tous été formés en interne ou via des écoles. Alegria Academy, Uncode school, Contournement… Aujourd’hui, bon nombre de structures forment des makers et product builders au no code.
" Il faut éviter de multiplier les outils en interne, conseille Frédéric Durand. Il faut avoir une vue globale sur les usages du no code. " Il y a un enjeu de gouvernance entre les équipes IT et les " utilisateurs métiers " des solutions no code qui ne mesurent pas toujours les risques de développer des applications sans tenir compte d’éventuels problèmes de confidentialité, de failles de sécurité, etc.
No code, no limit ?
Aussi séduisant soit-il, le no code connaît tout de même un certain nombre de limites. Au-delà des barrières d’appropriation, le no code génère une dépendance à un tiers. Les plateformes no code sont basées sur le cloud.
L’hébergement des données est du ressort de l’éditeur de solutions no code. " Il faut être attentif à la localisation des infrastructures qui hébergent les données pour éviter toute violation de la RGPD en transférant des données à caractère personnel hors de l’Union européenne, souligne Thibaut Watrigant. Certains éditeurs comme Make proposent un hébergement des données en Europe ou aux Etats-unis par exemple. "
L’autre limite tient à la difficulté de faire fonctionner ou faire migrer une application conçue comme un outil no code en dehors de la plateforme sur laquelle elle a été conçue. De même, il existe toujours le risque de voir ses applications disparaître avec le piratage ou la fermeture de l’outil no code.
Pas de quoi freiner l’expansion du no code. Dans une étude de 2021, le cabinet d’étude américain Gartner estime que d’ici 2025, 70% des nouvelles applications développées par les entreprises utiliseront des technologies avec peu ou pas de code. No code mais pas no future !