Windcoop est le produit de rencontres. À commencer par celle de Nils Joyeux et Julien Noé. Le premier est président fondateur de Zéphyr et Borée, la compagnie maritime nantaise spécialisée dans l’armement de navires bas carbone. Le second est expert en mobilisation éco-citoyenne et à l’origine de plusieurs coopératives de renom à l’instar d’Enercoop, Mobicoop, ou encore Télécoop.
La coopérative comme levier de changement de société
Tous deux sont mus par une volonté de déconstruire le transport maritime dans son fonctionnement actuel et proposer des solutions empreintes d’éthique sociale, environnementale et financière. Alors quand Matthieu Brunet, co-dirigeant d’Arcadie, acteur français majeur sur le marché des épices, des plantes aromatiques et médicinales issues de l’agriculture biologique malgache, se rapproche de Nils pour décarboner le transport maritime de ses marchandises, ils s’associent et la coopérative prend vie.
Désormais, particuliers, entreprises, collectivités, ou clients – à l’instar d’Éthiquable et Lobodis qui viennent de rejoindre l’aventure -, tout le monde peut entrer au capital et aller à contre-courant des choix dominants en développant un modèle de transport bas-carbone, soucieux de la société et de l’environnement.
Une première collecte est en cours sur la plateforme Lita.
La voile pour inverser la courbe
Le shipping représente 3 % des émissions mondiales. Une part relativement faible si on la rapporte au nombre d’unités transportées mais qui n’a de cesse de croître avec l’intensification des échanges. Aussi, l’Organisation Maritime Internationale a fixé le cap d’une réduction des émissions du secteur de 50 % d’ici 2050 : " Le vent est une ressource inépuisable, propre et gratuite et développer une flotte de porte-containers à voile propulsés en majeure partie par l’énergie vélique serait un levier important pour atteindre ses objectifs ", explique Nils Joyeux.
Avec ses 85 mètres de long et ses 2.300 mètres carrés de voile, la néo-caravelle devrait permettre de transporter 100 containers de 20 pieds soit plus de 1400 tonnes de marchandises à chaque trajet tout en économisant - en fonction des vents - 60 % à 90 % d’énergie par rapport à un porte-containers classique. Si le critère éco-responsable semble suffisant pour que des importateurs, producteurs, chargeurs se jettent à l’eau, une autre particularité suscite leur intérêt.
Moins véloce mais plus direct
Le design actuel permet au cargo une vitesse moyenne de 8 nœuds, soit 14.8 km/h. C’est moitié moins que les cargos à moteur qui, eux, voguent à 16 nœuds. Mais à l’inverse des porte-containers classique, le modèle de la coopérative n’entend pas faire d’escale. " La première Ligne Windcoop filera tout droit vers Madagascar dès 2025 et en 27 jours seulement contre une cinquantaine en temps normal ", s’exclame Nils.
Et pour cause, à date, avant d’arriver à Toamasina, le port principal de l’île, un container au départ de Marseille est d’abord transbordé à Tanger avant d’être chargé sur un second bateau puis de nouveau débarqué en Arabie Saoudite, avant de rejoindre l’île Maurice avec le risque accru d’être égaré en route. Un argument qui fait mouche auprès des clients qui ont désormais la garantie de voir leur marchandise arriver à bon port, en temps et en heure.
Désenclaver Madagascar et voguer vers d’autres territoires
D’ailleurs, le port de Taomasina n’est pas le seul concerné : " Nous prévoyons des escales dans plusieurs ports malgaches. Nous en avons encore fait le tour la semaine passée et ce choix stratégique nous a permis de signer des lettres d’intention avec de nombreux clients. Les routes sont rares et dans un sale état alors en passant par Majunga, Nosy Be, Diego Suarez et Vohemar on permet à nos clients de s’affranchir d’un pré-acheminement complexe ". De l’île rouge, le cargo voilier Windcoop rapportera des fruits, des épices, des crevettes mais aussi du textile et si la coopérative s’est tournée vers ce territoire ce n’est pas uniquement pour le bonheur d’Arcadie.
C’est aussi - et surtout- parce que les 5 rotations annuelles vont considérablement désenclaver le pays qui demeure l’un des plus pauvres du globe, le dynamiser et intégrer la population locale tout en limitant le transport terrestre.
Avec Madagascar, Windcoop bénéficie déjà d’une traction commerciale intéressante, celle-ci ne devrait qu’augmenter à mesure que la coopérative dessinera de nombreuses autres routes maritimes.