Face au réchauffement climatique et une croissance des besoins énergétiques, les gouvernements cherchent des alternatives aux énergies fossiles. Car l’ambition est encrée noir sur blanc : atteindre la neutralité carbone d’ici à 2030. Et il reste du travail ! De quoi remettre sur le devant de la scène, une source d’énergie qui peine à faire ses preuves : l’hydrogène. Sur le papier, ces atouts sont nombreux (abondance, accessibilité, potentiel de décarbonations...) mais dans la réalité, celle-ci a longtemps accusé un manque de compétitivité (des prix trop élevés) et de grosses contraintes logistiques. Pas de quoi effrayer les entrepreneurs qui sont de plus en plus nombreux à miser sur cette source d’énergie pour développer le monde de demain.
Preuve en est avec la cartographie réalisée par Wavestone, en partenariat avec Forinov, et dévoilée l’an dernier, à l’occasion du Congrès Horizons Hydrogène. Ses co-auteurs, Romain Dominique et Alice Paul, consultants senior, ont répondu aux questions de Maddyness.
Dans ce premier panorama, on compte une cinquantaine de sociétés divisées en 4 catégories : production d’hydrogène / stockage et production d’énergie via hydrogène / système de mobilité et solutions digitales. Mis à part sur cette dernière verticale, où on trouve seulement deux startups, la répartition est plutôt homogène. Malgré la jeunesse de cet écosystème, on note une véritable diversité dans les solutions développées par les acteurs du secteur. “Nous observons de nombreux acteurs sur les maillons de la chaîne de production”, constate Romain Dominique.
Une présence tout le long de la chaîne de valeurs
On observe également la présence de sociétés qui travaillent sur l’optimisation des technologies. Comme la startup “45/8 qui développe une solution d’extraction de l’hydrogène dans les sous sols pour en fournir à un prix très intéressant.” Un enjeu d’autant plus majeur dans un contexte de crise énergétique qui a fait flamber le prix de l’électricité et du gaz.
Les startups de l’hydrogène sont également nombreuses dans le domaine de la mobilité -terrestre, maritime et aérienne à moindre échelle-. Le groupe norvégien Havyard a annoncé en 2021 un navire cargo à hydrogène. De son côté, Blue Spirit Aero a révélé tout début octobre son ambition de produire des centaines de petits avions à hydrogène à Toulouse. Le pilote de course, Olivier Lombard, a lui décidé de développer une voiture à hydrogène, Hopium.
L’enjeu derrière le développement de toutes ces solutions reste leur compétitivité, rappelle Alice Paul. Le coût de l'hydrogène à toujours été un frein à son développement. Et l'augmentation des prix de l’électricité et la raréfaction de l’eau - tous deux essentiels à la méthode par électrolyse- pourraient également faire grimper la note. Pour Romain Dominique, le potentiel de l’hydrogène se trouve dans les marchés où d’autres sources d’énergie comme l’électricité ne peuvent pas répondre à la demande.
Trouver des financements suffisants
Depuis le plan Hydrogène de 2020 - d’un montant de 7 milliards d'euros-, le gouvernement a poursuivi son soutien au secteur via le Plan France 2030 doté d’une enveloppe de 2 milliards d’euros. Mi septembre 2022, c’est l’Union européenne qui décidait d’investir 3 milliards d’euros dans des projets d’envergure liés à l’hydrogène. Mais tout cet argent est-il dirigé vers les startups ? Pas autant qu’espéré, concède Romain Dominique.
“Le financement s’est massivement concentré sur le lancement de projets. Il manque du financement pour la partie exploitation derrière”, regrette le consultant senior. Qui prend en exemple un projet de bus à hydrogène à Montpellier. Résultat de ce constat généralisé : “les startups ont des difficultés à passer à l’échelle car elles sont financées au départ mais pas dans leur développement” .
Sans compter que, si les financements sont nombreux, ils sont difficiles à décrypter pour les non initiés. “De nombreuses startups se trouvent confrontées à un manque de lisibilité sur les financements disponibles à l’échelle nationale comme européenne. Les critères de sélection diffèrent et cela freine l’accompagnement de projet, dès la partie lancement” , renchérit Alice Paul.
Quid des banques ? “Nous avons échangé avec une banque en 2018 qui avait lancé un fonds d’investissement dédié à la transition énergétique. Elle ne voulait pas investir dans la filière hydrogène en raison des risques, jugés trop importants. Aujourd’hui encore, on observe ce phénomène” , constate Romaine Dominique. Ce qui pousse fatalement ces sociétés à se tourner vers les fonds, les gestionnaires d’actifs et les grands groupes qui cherchent aussi à réaliser cette transition. De la même manière que les banques, les investisseurs se trouvent parfois frileux à l’idée d’investir dans des startups dont le modèle industriel nécessite un certain temps de développement.
Adopter une vision européenne du marché
On note cependant un soutien des territoires sur lesquels sont implantées ces sociétés. Vecteurs d’emploi, elles sont un allié pour des territoires qui ont la place d'accueillir leurs usines et leurs unités de production, par exemple. Pour autant, la production d’hydrogène n’a pas vocation à se trouver au plus près des usages finaux.
Le secteur de l’hydrogène se développe autour de deux logiques : territoriale et européenne. Le corridor européen souligne bien cette logique pour Alice Paul. “La production d’hydrogène pourrait se trouver principalement en Espagne via l’éolien pour desservir les hub industriels qui se trouvent davantage dans le Nord de l’Europe. Il y a donc un gros enjeu de maillage”.
Le réseau de transport aura donc un rôle essentiel à jouer dans le développement de la filière l’hydrogène. “Des industriels gaziers travaillent déjà sur ces sujets-là, confie Romain Dominique. Qui prend l’exemple de GRT Gaz, qui réfléchit à la revalorisation des réseaux existants pour accueillir, non plus du méthane mais de l’hydrogène.
Si on veut amener l'hydrogène dans les territoires, il faudra instaurer une logique de transports et d’import-export au sein des pays européens, ajoute t-il. “L’ Allemagne a déjà fait le choix de produire de l’hydrogène au Maroc puis de l’importer”. Pour faire avancer la filière,le consultant prône ainsi la mise en place d’un cadre réglementaire pour mieux qualifier ces relations, les enjeux et les futurs hub de production.
Une transition digitale nécessaire
Les solutions numériques sont encore peu nombreuses dans le secteur. Or, “la transformation digitale de la filière ne pourra pas se faire sans un développement concomitant des solutions numériques” , affirme Alice Paul. Et celle-ci est nécessaire pour assurer les suivis de maintenance et d’exploitations mais aussi exploiter les données pour optimiser les productions. “Il existe un vrai besoin de combler ce manque dans la chaîne de valeur” .
Romain Dominique poursuit ce raisonnement, affirmant que le développement de l’hydrogène nécessitera, à l’avenir, de “faire coïncider les réseaux énergétiques et de réguler les prix” . Et le numérique est un atout clé pour optimiser cette équation !