Le transport maritime est responsable de 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Et, avec l’augmentation du trafic de marchandises, elles pourraient atteindre 17 % en 2050 selon l’Organisation maritime internationale. " Dans les eaux internationales, on a gentiment le droit de polluer sans que personne ne dise rien ", déplore Guillaume Le Grand, dirigeant de la société Towt. Pour répondre à l’enjeu climatique, cette entreprise bretonne a imaginé un cargo à voile, dès 2014, permettant de faire près de " 92% d’économie de carburant. " Son premier navire de 81 mètres, capable de transporter 1 100 tonnes, devrait enfin être livré courant 2023 et la société vient d’annoncer la construction d’un second bateau, identique. Plusieurs projets comme celui de Towt ont vu le jour ces dernières années. Mais la mise en chantier de la plupart d’entre eux a été retardée.
Des projets allant jusqu’à 60 millions d’euros
Car les freins au développement de la filière sont nombreux. Le premier concerne le modèle économique. Les cargos à voile - truffés de technologies et parfois longs d’une centaine de mètres – peuvent coûter jusqu’à 60 millions d’euros. Pas simple donc d’être rentable, sur un marché trusté par les porte-conteneurs historiques, capables de tirer sans cesse les prix vers le bas. La société bretonne Grain de Sail, est la première à avoir mis un voilier-cargo à l’eau en 2020. Un bateau de 24 mètres, pouvant acheminer 50 tonnes, qui a coûté 2 millions d’euros. Un projet modeste, comparé à ceux de ses concurrents. Mais surtout, l’entreprise a fait le choix de se diversifier dès le départ pour financer ses navires. " Nous sommes fabricant de chocolats et notre voilier permet d’affréter nos propres matières premières ", résume Jacques Barreau, le dirigeant, qui vient d’ailleurs de lancer la construction d’un second bateau, deux fois plus long. Un projet à 10 millions d’euros pouvant transporter 350 tonnes, que la société a pu financer en fonds propres et grâce à des partenaires bancaires.
" Notre principal partenaire a décidé de se retirer "
Ce qui ne suffit pas pour les projets plus ambitieux, sans activité parallèle. Et pour Towt, comme pour Neoline, la recherche d’investisseurs relève du parcours du combattant. Cette seconde entreprise, basée à Nantes, envisage de construire un voilier-cargo de 136 mètres, capable de transporter 5 300 tonnes. Un projet à 60 millions d’euros, qui n’a cessé d’être repoussé, faute de financements. " Notre principal investisseur, l’armateur Sogestran, a décidé de se retirer il y a quelques mois ", indique Jean Zanuttini, président de Neoline, qui a depuis réussi à convaincre un nouvel armateur et espère démarrer la construction de son navire à l’automne prochain, plus de 3 ans après la date initiale. " Très peu de financeurs sont spécialisés dans ce domaine et le maritime a mauvaise presse dans les milieux financiers ", poursuit-il.
Le contexte tend pourtant à s’améliorer. " Alors qu’on avait le plus grand mal à convaincre des chargeurs de payer un petit surcoût pour du transport décarboné, les choses sont en train de s’inverser. Aujourd’hui, nous n’arrivons pas à répondre à la demande ", assure Jean Zanuttini. En cause : une prise de conscience grandissante de la part des entreprises mais également la hausse des prix du fret traditionnel, qui tend à dépasser ceux du transport à la voile.