La crise sanitaire était pourtant propice à la hausse des livraisons de courses à domicile. Mais le contexte inflationniste et la contraction des investissements dans la tech remet aujourd’hui en cause la pérennité du modèle.
Faute de rentabilité et de liquidités, les startups de livraison de courses en quelques minutes ont mené des plans de licenciement. L’allemand Gorillas s’est séparé de 300 postes administratifs à travers le monde, l’américain Gopuff de centaines d’autres employés et la société d’origine turque Getir a licencié près d’un quart de ses effectifs dans le monde (4500) - y compris parmi ses livreurs et préparateurs de commandes.
Une perte de confiance des investisseurs
À cause de l’inflation, les consommateurs pourraient être moins enclin à assumer le coût d’une livraison rapide à domicile. Ce qui remettrait directement en cause la pérennité du modèle. Mais, selon Cyril Bertrand, Managing Partner chez XAnge, un fonds d’investissement ayant participé au financement d’une autre pépite du marché nommée Cajoo depuis rachetée par Flink, les effets de l’inflation se ressentent plutôt du côté des investisseurs. " Je ne pense pas que l’inflation ait un effet sur la demande," rétorque-t-il. "Le business ne s’adresse globalement pas à des revenus très bas et concerne essentiellement des jeunes professionnels ou parents surmenés ".
Selon lui, le contexte pousse en revanche les banques centrales à introduire moins de liquidités, ce qui assèche indirectement les fonds d’investissement dans leur capacité à mener des tours de table. Les investisseurs sont de facto plus frileux à l’idée de soutenir des projets avec une forte propension au risque et de surcroît difficilement rentables.
Une phase de restructuration du marché
L’an passé peut être considéré comme " l’âge d’or " du quick commerce. Getir et Flink ont respectivement levé 800 et 750 millions de dollars tandis que Gorillas est même parvenu à accéder au rang de licornes en bouclant un tour de table d’un milliard de dollars. Mais après un premier semestre marqué par une dégringolade des valeurs tech, un tri s’opère naturellement entre les différentes pépites de la FoodTech.
" Le marché de la livraison rapide de courses, comme celui des repas, est marqué par une concentration très forte d’acteurs," explique Matthieu Vincent, cofondateur du cabinet de conseil DigitalFoodLab. D’après lui, le marché arrive à saturation et seulement un ou deux acteurs seront en mesure de rester rentables par pays.
Après s’être offert le français Frichti en début d’année, Gorillas a dans la foulée pris la décision de ralentir son déploiement à l’international en cessant ses activités en Belgique et en Italie. De son côté, Flink a racheté Cajoo, qui avait signé un an plus tôt un partenariat stratégique avec Carrefour. Reste à savoir si ce rapprochement avec les acteurs historiques de la grande distribution permettra aux pépites de la livraison express de tirer leur épingle du jeu.