"Lorsque j’étais enfant, les programmes télévisés n’étaient pas sous-titrés" , donne comme exemple Thibaut Duchemin, co-fondateur d’Ava, qui a été élevé par des parents sourds profonds. "La société n’a pas fait l’effort de s’adapter" à ces personnes, regrette t-il, reconnaissant également le sentiment de frustration qui est né de ces inégalités de traitement. Ce qui l'a conduit à fonder avec Skinner Cheng - lui-même sourd profond - Ava, une solution de transcription automatique améliorée.
Distinguer les interlocuteurs
Le concept se base, comme toutes les solutions du marché, sur la captation des voix alentour et une traduction automatique, en temps réel. Mais grâce à deux services additionnels, la startup se distingue de ses concurrentes.
L’équipe de la startup, installée entre les Etats-Unis et la France, a développé un algorithme capable de différencier les voix qui parlent et d'attribuer une couleur à chaque interlocuteur. Ce qui permet à la personne malentendante de pouvoir suivre qui est en train de parler sans perdre le fil des discussions.
Pour apporter encore plus de finesse à la retranscription - l’intelligence artificielle pouvant commettre des erreurs en intervertissant certains mots, notamment lors de discussions techniques - , Ava propose aussi l’option Scribe. Cette dernière permet de faire appel à un tiers qui écoutera la réunion ou la conversation en même temps que l’utilisateur d’Ava et corrigera en direct d’éventuelles erreurs de retranscription.
Dans le monde de l’entreprise
Si la télévision publique a su faire évoluer un peu son modèle, celui de l’entreprise reste encore très en retard. "Il y a 150 interprètes en langue des signes en France, dont une partie seulement exerce à titre professionnel. Faire appel à leur service coûte rapidement cher aux entreprises et il est souvent difficile de trouver une personnes disponible" , dresse comme constat Thibaut Duchemin. Sans compter que les salariés ne sont pas forcément à l’aise à l’idée de demander un tel dispositif pour suivre une réunion. "Ils ont souvent peur de demander en pensant que c’est trop."
Ces difficultés, couplées à la méconnaissance du sujet par les entreprises, conduisent parfois les recruteurs à écarter -involontairement ou non - les candidats malentendants à certains postes notamment ceux de manager. "Il y a des biais silencieux, certaines personnes pensent qu’une personne sourde ne peut pas devenir chef d’équipe" , reconnaît le co-fondateur d’Ava.
En proposant une solution simple, peu contraignante et efficace, la startup espère convaincre les entreprises d'ouvrir leurs portes à des talents malentendants en leur offrant un environnement propice à leur évolution et leur bien-être. En ce sens, Ava s’adresse aussi bien aux sociétés du CAC40 qu’aux startups, elles-mêmes frappées par un manque de diversité et d’inclusion.
Le co-fondateur d’Ava appelle, d’ailleurs, les entreprises à changer leur culture et à repenser leur process de recrutement pour mieux prendre en compte ces salariés.
Développement à venir
Ava est disponible en 16 langues, sur smartphone comme ordinateur et compatible iOS et Android. Disponible pour les particuliers comme les entreprises, la solution d’Ava est déjà utilisée par plus de 450 000 personnes. Un chiffre élevé mais pas suffisant pour les deux associés, qui rappellent qu’une personne sur vingt est confrontée à de telles difficultés de compréhension dans le monde. Ce qui laisse à la société une grande marge de développement.
Changer d’échelle fait partie des objectifs des fondateurs pour les mois à venir. "Nous prévoyons de multiplier notre équipe par deux dans les six prochains mois [la société compte 45 personnes aujourd’hui, N.D.L.R.]" , confie Thibaut Duchemin. Des talents qui seront nécessaires pour toucher de nouveaux clients, mais aussi travailler sur la partie Scribe et fluidifier l’usage d’Ava en visioconférence pour offrir la même clarté de compréhension à distance qu’en présentiel.