L’ambition était affichée dès sa levée de fonds de 100 millions d’euros, en avril 2021 : après le marché des auto-écoles, Ornikar partait à l’assaut des assureurs. Pourtant, aujourd’hui, la startup a mis en pause tous ses efforts marketing autour de son premier produit, une assurance auto jeunes conducteurs commercialisée à partir de 12€ par mois.
“Le business qui rentrait ne nous satisfaisait pas”
“Le business qui rentrait ne nous satisfaisait pas”, reconnaît Philippe Maso y Guell Rivet, un ancien d’AXA, d’Aviva et de MMA (entre autres), arrivé chez Ornikar en mars 2022 pour prendre la tête de l’activité assurance. Sa mission : repenser l’offre de A à Z pour repartir sur de bonnes bases. “Ornikar s’est d’abord établi en tant que courtier-grossiste, en concevant les produits et en les distribuant, mais sans avoir la main sur les parties souscription et gestion de sinistre. Or, quand on expose sa marque, il faut avoir un très fort contrôle opérationnel et faire en sorte de maîtriser l’expérience client de A à Z,” explique-t-il.
Première étape de ce “reboot” : déterminer l’”Unique Selling Proposition” (ou USP) d’Ornikar dans le monde de l’assurance, celle qui lui permettra de faire la différence à la fois face aux assureurs traditionnels et aux autres néo-assurances. “Ornikar a disrupté le marché du permis aussi bien par le prix que par la méthode d’apprentissage et de réservation, sur un segment très précis : les jeunes. Il faut que notre assurance soit liée à cette USP, en s’adressant à la même cible, avec un prix bas, mais sans pour autant casser la rentabilité du produit.”
Un avantage concurrentiel : les données sur les jeunes conducteurs
En s’adressant aux jeunes conducteurs, Ornikar limite ses coûts d’acquisition, car ils sont mutualisés avec ceux de l’activité traditionnelle, liée au passage du code et du permis de conduire. “Ces clients sont déjà chez nous, pendant des semaines, voire plusieurs années pour ceux qui prennent plus de temps à passer le permis : nous avons déjà énormément de points de contact avec eux”.
Autre levier pour limiter les coûts et concilier prix bas et profitabilité : la maîtrise du risque. Pour cela, Ornikar est assis sur une mine d’or qu’il est bien déterminé à exploiter : les données collectées sur ses élèves. “Nous avons énormément d’informations sur le passage du code, la façon dont les gens apprennent, leur rythme, les moments de la journée où ils sont connectés, leur assiduité, etc. Tout cela est corrélé avec les pratiques de conduite et les risques d’accident,” s’enthousiasme le CEO. Ces données sont également complétées par celles collectées lors de l’apprentissage de la conduite, notamment via les smartphones.
“Pricer” le vrai risque, pour diminuer les prix
Grâce à ces informations qu’il est le seul à détenir, Ornikar peut établir des profils psychologiques et attribuer des scores à ses clients, pour leur proposer un prix qui correspond à leur profil de risque. Comme l’explique Philippe Maso y Guell Rivet, “ces informations éclairent une zone sombre de l’assurance auto : comme les jeunes n’ont jamais conduit, il est difficile d’évaluer leurs profils de risque. En ayant la capacité de “pricer” le vrai risque, nous pouvons apporter de vraies diminutions de prix”.
Avec un tiers du marché du code en France - et l’objectif de doubler rapidement cette part de marché - Ornikar Assurance compte déjà un bassin de clients potentiels conséquent. Mais même les conducteurs qui ne sont pas passés par sa plateforme pour apprendre à conduire pourront souscrire. “Nous allons les faire matcher avec des profils équivalents, on perdra un peu en pertinence, mais cela reste raisonnable et on va s’améliorer avec le temps.”
Les jeunes, une porte d’entrée vers un marché bien plus vaste
Les jeunes seront aussi un cheval de Troie pour toucher d’autres cibles plus âgées, à l’inverse de ce qui se pratique sur le marché actuellement - les jeunes conducteurs ayant tendance à prendre l’assurance de leurs parents. “On va renverser les choses. Aujourd’hui, les jeunes sont de bien meilleurs ambassadeurs pour les générations du dessus que l’inverse.”
Pour concevoir cette toute nouvelle offre d’assurance au pricing personnalisé, les équipes d’Ornikar sont en plein travail de recrutement et d’appels d’offres, notamment pour sélectionner un porteur de risque, puisque la startup n’a pas vocation à être un assureur à part entière. En ligne de mire, un lancement à l’automne 2022 et un objectif : atteindre un portefeuille de 500 000 polices d’assurance d’ici à 5 ans.
Il ne s’agit là que d’une première étape : la startup entend ensuite investir d’autres segments des services financiers, comme le financement de la mobilité. Là aussi, le scoring du risque de crédit va s’avérer déterminant. “Face à nous, les assureurs traditionnels sont pénalisés par un modèle de coûts très élevés, tandis que les néo-assureurs ont des coûts d’acquisitions très importants”, explique Philippe Maso y Guell Rivet.
Celui-ci en est convaincu : avec sa marque légitime auprès des jeunes, ses coûts d’acquisition limités et la force de ses données, Ornikar a beaucoup d’atouts pour se faire une place sur un marché vingt fois plus important que celui de l’apprentissage de la conduite.