Binance aime la France et compte bien consommer la relation. C’est d’ailleurs en ces termes précis, "nous aimons la France", que le communiqué de presse annonçant la mise en place d’un espace Web3 chez Station F démarre. “Nous nous engageons à construire et à soutenir un écosystème solide autour de la blockchain, du Web.3 et des métavers. En prenant la France comme rampe de lancement pour l'Europe, nous avons pour objectif d'utiliser ce nouvel espace comme notre base créative et innovante", détaille ensuite Changpeng Zhao, ou “CZ” , le milliardaire chinois propriétaire de cette bourse des crypto-monnaies. Pour rappel, le Web 3, aussi appelé Web 3.0, est une version décentralisée d'Internet (et l’avenir de Web, si l’on en croit les experts), basée sur la blockchain, dans laquelle les utilisateurs garderaient le contrôle sur leurs données personnelles.
“Objectif Lune”
L’opération de Binance fait suite à l’annonce par la société, en novembre dernier, d’une opération baptisée pompeusement " Objectif Lune " et visant à investir 100 millions d’euros en France pour développer l’écosystème crypto en partenariat avec le groupe France FinTech. Pour cela, Binance avait déjà évoqué son souhait de soutenir le secteur des cryptomonnaies et des blockchains françaises, via l’innovation et l’éducation. Elle avait d’ailleurs, dans la foulée, ouvert un bureau à Montrouge et embauché 20 collaborateurs, envisageant d’ouvrir de nouveaux bureaux en plein centre de Paris.
Cet espace Web 3 servira de “programme de soutien” pour toutes les startups en phase de démarrage à Station F. Des experts de Binance y seront disponibles pour “partager leur savoir-faire au service des projets les plus prometteurs” . Les start-ups bénéficieront d’un hébergement gratuit pendant la période d'incubation et d’un accès aux différentes ressources mises à disposition par Station F, “notamment des fonds de Venture capital (VC), des entreprises technologiques de premier plan et des administrations publiques” , mais aussi d’un soutien personnalisé de la part des filiales de Binance (BNB Chain, NFT Labs et Binance Labs) “pour concevoir, développer et améliorer leurs idées et projets” . Elles pourront aussi envisager des collaborations avec des partenaires de Binance, ainsi que des “programmes de mentorat et sessions de suivi” . Des rencontres sont enfin prévues avec des acteurs majeurs de l'écosystème pour “pousser les startups et les projets créatifs en offrant les meilleures connexions avec nos agences et nos partenaires" , explique David Prinçay, PDG de Binance France.
Pourquoi la France ?
D’où vient cet intérêt pour l’Hexagone ? Dans une interview à BFM Business, Changpeng Zhao vantait une “législation très claire” et un “environnement favorable pour l’écosystème blockchain” , permettant de développer le Web3, "l’avenir de l’économie” et faisant de Paris le “hub” champion de cette innovation. En réalité, l’entreprise vise aussi et surtout à conquérir des pays dans lesquels les marchés ne sont pas encore trop régulés, comme c’est le cas aux États-Unis, en Angleterre, ou encore en Chine, précisément.
Binance est toutefois encore dans l’attente de son agrément PSAN (prestataires de services sur actifs numériques) de l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui lui permettra d’entrer dans l'univers des plateformes régulées, suite à sa demande, en décembre 2020. CZ ne cache pas son ambition de développer le cadre réglementaire français pour les crypto-monnaies, afin d’ouvrir ce marché à plus d'utilisateurs et notamment au grand public.
Une passion française… qui n’est pas au goût de tous
Il est probable que cette passion française soit encore féconde dans les mois et années à venir. Binance souhaite doubler ou tripler l’investissement qu’elle a effectué ces 3 dernières années dans 120 startups. La plateforme chinoise veut aussi ouvrir l’espace de Station F à d’autres domaines comme la finance décentralisée (DeFi) et les NFT. Il faudra toutefois affronter les foudres de certains journalistes spécialisés qui l’accusent de vouloir toucher le Crédit d’Impôts Recherche (CIR), réduction accordée aux entreprises investissant en R&D et déductible des impôts sur le revenu. Et celles d’élus, comme le député LREM Pierre Person, qui regrettent que cette révolution numérique ne soit pas l’apanage de talents français.