Driss Ibenmansour n’est pas un nouveau venu dans l’univers de la mobilité, bien au contraire. Après des débuts dans le conseil, il rejoint Uber fin 2014 où il est chargé d’étendre le modèle dans d’autres pays. Trois ans plus tard, il rejoint Ofo, une société chinoise, précurseur du free floating pour le vélo. Il découvre alors un secteur qui "lui était inconnu et les méandres d’une entreprise confrontée à une croissance trop rapide" . Il saute ensuite sur une autre opportunité et atterrit chez l’américain Scoot racheté par Bird. Un parcours qui ferait rougir plus d’un entrepreneur et lui a surtout donné une bonne vision du marché.
“En quittant Bird, je suis parti avec deux convictions : l’énorme potentiel du vélo électrique en ville -accru par la pandémie- et la persistance de grandes barrières à l’accès” , dévoile le co-fondateur de Motto. De nombreux freins structurels persistent encore : son coût -entre 2000 et 6000 euros-, la maintenance et surtout le vol. Un véritable fléau pour les usagers, 400 000 vélos seraient dérobés chaque année.
Une offre tout-en-un
Devant toutes ces barrières, les trois associés -Driss Ibenmansour, Pierre-François de Rougé et Antoine Bouttier- imaginent une offre intégrée de mobilité qui comprend à la fois la location du vélo électrique -conservé par l’utilisateur- couplée à une offre de conciergerie qui englobe une assurance contre la casse et le vol, ainsi que la maintenance du vélo et la promesse d’une réparation en 24 à 48 heures maximum. Sur ce dernier point, Motto a choisi un modèle hybride : la société dispose de son propre atelier de réparation dans le centre de Paris et fait appel à la startup Cyclofix pour gérer les pics d’activité.
Les modèles intègrent des standards en matière de sécurité : feu de freinage, alarme antivol, traceur GPS, freins à disques... L’application mobile permet de retrouver les données de navigation, de géolocaliser le vélo, de vérifier l'état de la batterie ou encore de verrouiller et déverrouiller le vélo à distance. L’idée derrière Motto est claire : “Il faut retirer des éléments de stress pour les utilisateurs pour en faire un plaisir.” Le tout est proposé au tarif de 75 euros par mois, le prix d’un pass Navigo. Deux accessoires sont proposés en supplément : un panier et un siège enfant, le cadenas étant déjà compris dans le prix.
Motto s’engage, en parallèle, à travailler sur la réutilisation de ses vélos, par ses propres utilisateurs après reconditionnement, ou leur revente via des plateformes après trois ans d'utilisation.
Un crash test de 10 mois
Pour tester son idée, l’entreprise a lancé une phase de test à Paris en déployant une centaine de vélos électriques en mai dernier. Le bilan est positif : plus de 200 abonnements ont été enregistrés, et une liste d’attente est même ouverte.
La société en tire plusieurs enseignements. “On observe un vrai transfert de la propriété à l’usage aujourd’hui avec les formules d’abonnement comme Netflix. Cet appétit s’est confirmé pour la mobilité dans ce pilote. Les testeurs ont souligné la tranquillité d’esprit apportée par la solution : avoir un service de conciergerie et son vélo à portée de main” . La flexibilité se trouve aussi dans la possibilité de se désabonner, lorsqu’on doit déménager, par exemple.
Le deuxième enseignement retenu est l’importance de la qualité du vélo et de l’autonomie de la batterie. “Nous avons un peu péché sur l’autonomie de nos vélos test, nous avons retravaillé ce point” , assure Driss Ibenmansour.Celle-ci s'élève désormais à 80 kilomètres, suffisant pour des trajets du quotidien ou une balade le week-end. “Les utilisateurs veulent aussi avoir un beau vélo, ils veulent en être fiers et désirent avoir un véritable compagnon de route avec des informations disponibles sur leur téléphone” . Ce que s’est attelée à faire la startup qui a entièrement désigné ces modèles.
L'épineuse supply chain
Motto vise l'implantation d'un millier de vélos au cours de l'année. La livraison des modèles se fera au fil du temps, la supplychain restant un véritable point de tension exacerbé par la pandémie et la crise géopolitique en Ukraine. La croissance des prix de l’énergie et du transport et la fermeture de certaines usines n’ont fait que renforcer les difficultés d'un secteur déjà connu pour sa complexité.
“Le prix de production a vraiment augmenté. Sur les matières premières, nous estimons qu’il est entre 30 et 40% plus cher que le prix pré-pandémie, confie Driss Ibenmansour. Sur le transport, nous sommes six fois plus cher” . À ces deux points s’ajoute la pénurie de pièces. “Nous avons un manufacturing partners qui a un réseau très étendu de fournisseurs en Asie mais aussi en Europe et qui nous a ouvert son carnet d’adresses” . De quoi aider les entrepreneurs à sécuriser leurs approvisionnements.
La France puis les États-Unis
Pour mener à bien son installation et son déploiement, Motto mise sur la création d'une identité de marque forte. “Dans le paysage de la mobilité, les marques sont devenues des commodités, notamment dans le libre service, sans qu'elles se démarquent au niveau de la marque. On pense qu’il y a une vraie carte à jouer, comme dans l’automobile, sur le lien émotionnel qui se crée entre l’utilisateur et son bien” , confie le co-fondateur. Ce qui explique sa volonté d’être accompagné financièrement par des fonds qui s’y connaissent en gestion de marque, Cassius Family et Founders Future notamment. L'entreprise sera également accompagnée par des business Angels, français et américains. De quoi faciliter son arrivée sur le sol américain.
Si Motto vise d'abord un déploiement à Paris et dans deux autres villes françaises, elle vise rapidement l’Europe et les Etats-Unis. “Nous aimerions lancer Londres cette année car il y a une vraie demande et le marché est encore moins adressé qu’en France, débute t-il. Aux États-Unis, on observe un marché naissant, encore peu adressé, il faut y aller rapidement. Pour avoir travaillé pour Uber et Scoot, je connais assez bien ces deux marchés donc nous avons les contacts pour nous lancer et monter une équipe” .
Une vingtaine de collaborateurs devraient également rejoindre l'équipe d'une petite quinzaine de personnes.