15 février 2022
15 février 2022
Temps de lecture : 9 minutes
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La PropTech, un marché prisé par les entrepreneurs… et les investisseurs

Source d'inspiration pour les entrepreneurs et cible des investisseurs, la PropTech est un marché en pleine ébullition. Analyse d'un secteur en phase de structuration.
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En 2021, le marché de la PropTech - qui rassemble les entreprises mettant la technologie au service de l’immobilier - a totalisé 44 tours de tables pour plus de 628 millions d’euros levés, dans l’écosystème entrepreneurial français. Cela le positionne en troisième place des secteurs les plus convoités par les investisseurs l’année dernière, derrière les startups du divertissement et celles de la FinTech. L’année 2020 avait été plus timide en matière d’opérations, puisque ce marché n’a comptabilité que 28 levées de fonds. Mais, en 2019, on recensait déjà 46 tours de table dans les startups de la PropTech, signe d’un intérêt croissant pour ce marché. Et la tendance semble se confirmer en 2022, puisque 5 levées ont déjà été annoncées - Placeshaker, Kompozite, Sextant Properties, Roof et Zefir - et, cela, sans compter les AssurTech et FinTech dont les produits sont destinés à ce même domaine - à l’image de Prello, Fridaa ou encore Unkle. 

Cet engouement est particulièrement vrai en France. " Avec 1,2 millions de transactions immobilières sur un an, un record, la France se place en premier marché immobilier d’Europe, et présente un potentiel très important, analyse Clément Delpirou, PDG d’IAD, premier réseau numérique de mandataires immobiliers européens. Il n’est donc pas anormal que des entrepreneurs astucieux aient envie d’adresser ce marché. "

Gestion locative et aide à l’investissement

Ce champion de la PropTech a annoncé une levée de fonds de pas moins de 300 millions d’euros en 2021, faisant d’elle la seule licorne française de ce secteur. D’autres levées, plus humbles mais régulières, permettent à de nombreuses startups d’avoir de belles ambitions pour les années à venir. C’est le cas d’Unkle, néo-assureur de l’immobilier, qui vient de lever 10 millions d’euros pour recruter 50 personnes, lancer de nouveaux produits et envisager de potentielles acquisitions. Même combat pour Pretto, courtier immobilier en ligne, qui, grâce à sa récente levée de 30 millions d’euros, compte doubler chaque année son activité auprès des consommateurs et accélérer le déploiement de sa plateforme B2B. 

Mais quelles sont les tendances à suivre de près ces prochaines années sur le marché de la PropTech ? " Dans un contexte très favorable, les jeunes générations veulent bénéficier des promesses de l’investissement dans la pierre, mais elles veulent aussi des solutions qui facilitent les process d’achat et de location ", affirme Pierre Chapon, co-fondateur et CEO de Pretto. Ainsi, les startups dans la gestion locative et d’aide à l’acquisition ou l’investissement immobilier ont le vent en poupe. " Les Français n’ont pas la culture de la Bourse comme dans les pays anglo-saxons, ils préfèrent l’immobilier, qui représente une valeur plus rassurante, poursuit l’entrepreneur. De nombreuses sociétés, comme Masteos ou Brik comme exemple, facilitent ces transactions. Il y a beaucoup de services à imaginer autour de ce segment de marché, qui cherche à rendre plus accessible et simple ces investissements. "

Et le besoin de simplification se ressent aussi bien auprès des particuliers que des professionnels de l’immobilier. " Les acteurs de ce marché expriment un énorme besoin de numérisation, abonde Matthieu Luneau, co-fondateur et CEO d’Unkle. Dans le cas de la location, cela passe aussi bien par l’étape du dépôt de dossier, que par celle de la vérification des profils et documents envoyés, ou le suivi des échéances et d’autres tâches chronophages, encore réalisées à la main dans la plupart des cas. "

Clément Delpirou va encore plus loin dans la perspective qu’il dresse de la tendance autour de l’investissement immobilier : " L’intuition d’IAD a toujours été de penser que l’agence physique et la vitrine n’aura bientôt plus d’intérêt pour une majorité de clients. Pour notre entreprise, qui a numérisé le process, l’économie de ces frais nous permet de nous libérer de charges fixes pour mieux rémunérer nos conseillers, qui sont tous entrepreneurs, et de proposer des commissions 25 à 30 % moins élevées que celles pratiquées sur ce marché. "

La tendance du crowdfunding

Autre grande tendance dans la PropTech : le crowdfunding immobilier. Si ce mode de financement participatif séduit de plus en plus d’investisseurs et de particuliers en général, avec pas moins d'1,8 milliard d'euros récolté, selon le rapport du cabinet Mazars pour Financement Participatif France, cela est particulièrement vrai dans le secteur de l’immobilier. En effet, selon le baromètre annuel de FundImmo, le crowdfunding immobilier bat tous les records en 2021, avec presque 1 milliard d’euros collectés, soit une augmentation de 90 % par rapport à 2020.

Anaxago, conseiller en financement participatif, a bien compris et exploité ce filon. Si la société proposait originellement d’accéder à des financements dans l’innovation en général, elle a intensifié son activité dans l’immobilier en particulier dès 2015, " et cela représente aujourd’hui 70 à 75 % de notre activité aujourd’hui ", précise Joachim Dupont, co-fondateur de l’entreprise. Pour intensifier son activité sur ce segment, Anaxago a créé Anaxago Capital en 2018, " une année clé où la croissance du crowdfunding immobilier a explosé, avec des opérations de plus en plus importantes, se souvient l’entrepreneur. On a donc voulu créé un fonds pour adresser ces opportunités, qui grimpent entre 8 et 15 % de rendement sur des durées courtes. " La société a 300 millions d’euros sous gestion cette année. Forte de son succès, l’entreprise vient même d’annoncer le rachat d’un autre fonds, CapHorn Invest.

Le marché de l’immobilier se finance traditionnellement avec des banques, mais on est en train de voir arriver en France cette tendance déjà bien installée dans les pays anglo-saxons, analyse Joachim Dupont. Ce mode de financement suit les évolutions actuelles du marché : on passe d’un marché de l’immobilier de logements neufs à celui de la rénovation et de la réhabilitation d’actifs. Les opérateurs voient dans le crowdfunding une nouvelle option pour se financer, et les investisseurs une nouvelle opportunité de placement. "

Une cohabitation avec les acteurs traditionnels

Alors, avec tous ces bouleversements dans le marché de l’immobilier, les acteurs traditionnels ont-ils du souci à se faire pour leur activité ? Non, affirme Anne Babkine, directrice de l’offre et de l’expérience client chez Foncia. " Nous investissons 60 millions d’euros dans la numérisation de nos services depuis 4 ans et nous travaillons avec une équipe de près de 100 développeurs pour continuer d’innover ", explique-t-elle.

Pour rester à la page, l’entreprise a fait le choix de mixer entre partenariats avec des startups et développement de solutions propres. " Nous travaillons nous-mêmes à développer les outils qui constituent notre cœur de métier, comme la simplification des process en interne, la relation client et la facilitation de leur parcours, souligne la directrice de Foncia. En revanche, pour ce qui relève des services à distance, comme les solutions de signatures ou encore les visites virtuelles 360°, la société préfère déléguer à d’autres acteurs, avec qui elle noue des partenariats, " puisqu’il existe des outils performants ailleurs, que cela nous mettrait du temps à développer, alors que ce n’est pas directement en lien avec notre valeur ajoutée ".

Et, si certaines startups aiment à enterrer les agences et services traditionnels avant l’heure, Anne Bakbine répond : " La PropTech met un coup de pieds dans la fourmilière, et c’est tant mieux pour le marché. Mais il faut faire attention à ne pas se tromper de lecture, insiste-t-elle. Dans des métiers humains comme celui de la gestion locative ou de syndic par exemple, les clients confient leur bien ou copropriété pour un service qui sera attentif, régulier et de proximité. Ce sont des professions de conseil et de lien, qu’il ne faut pas réduire à des tâches administratives comme les présentent certaines startups. "

Une voie de collaboration pourrait donc être la solution pour voir cohabiter les différents acteurs de ce marché… Encore faut-il le vouloir. En effet, la startup Unkle affirme par exemple avoir été approchée par des grands groupes lors de sa récente série A, mais n’a pas été séduite par cette perspective. " On a créé une solution pour innover, donc nous accoler à un acteur qui a une image poussiéreuse était un peu contre-intuitif pour nous, confie son cofondateur. Nous préférons nous allier à des entreprises qui partagent les mêmes valeurs. "

C’est un tout autre son de cloche du côté de Pretto. " Les acteurs traditionnels et les startups cohabitent déjà très bien, notre outil en est la preuve, estime Pierre Chapon. L’agent immobilier est important, il connait la situation locale et apporte le lien au client. Un acteur comme Pretto va juste l’épauler en lui permettant de qualifier ses acheteurs sur le sujet du financement de manière efficace, par exemple. Une grande part des startups de la PropTech viennent directement équiper les acteurs traditionnels ". 

Vers une concentration du marché 

Mais les jeunes pousses pullulent sur le marché et, à l’image d’autres secteurs déjà plus installés, toutes ne survivront pas à la structuration de ce dernier. " Si on veut innover sur toute la chaîne de valeur - assurance, crédit, annonces, process, etc. -, il y a un véritable enjeu de concentration intelligente à faire sur ce marché ", confirme Matthieu Luneau. Pour les acteurs les plus identifiés de la PropTech, comme c’est le cas d’IAD, des perspectives d’acquisitions externes sont d’ailleurs déjà dans les tuyaux. " On considère très sérieusement cette éventualité, en France et ailleurs, avance Clément Delpirou. C’est un facteur d’accélération très naturel, sur lequel on n’a pas été actif en Europe jusqu’à maintenant, mais il y a des pépites formidables en France, sur lesquelles nous pourrions nous positionner. "

Si les rachats offrent une perspective de structuration du marché, une autre voie pourrait bien se dessiner. " Nous sommes dans une période où les levées de fonds fusent et se multiplient, avec de beaux montants annoncés, conclut Pierre Chapon. Mais la concentration du marché pourra aussi venir d’une plus grande difficulté à lever des fonds pour les startups à l’avenir et par un marché des capitaux moins accessible, qui opérera une sorte de sélection naturelle entre les différents acteurs. "

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