Essentiels au fonctionnement de la planète, les insectes n’ont pas un franc succès en Occident. Surtout lorsqu’on imagine les mettre dans nos assiettes. Pourtant, dès 2011, Antoine Hubert, Jean-Gabriel Levon, Fabrice Berrot et Alexis Angot n’hésitent pas à parier sur le scarabée Molitor pour fonder un business où ils avaient beaucoup à apprendre.
Dix ans après son lancement, le bilan est plutôt positif : le marché - à l’échelle animale - est en plein essor, une deuxième usine française est en construction, les investisseurs suivent, les verrous réglementaires de l’UE viennent de sauter et d’ouvrir la voie à l’insecte dans l’alimentation humaine. De quoi renforcer l’ambition d’Ÿnsect depuis son lancement, à savoir, devenir un champion mondial de son secteur. Et pour y arriver, l’entreprise mise sur sa connaissance pointue des insectes. Pour affiner son savoir, elle vient de lancer Ÿnfabre, un programme industriel dédié à la génétique des scarabées.
Sélectionner les meilleures souches
Ÿnsect n’en est pas à son coup d’essai dans la recherche sur les insectes. Par sélection, elle a déjà réussi à identifier qu’une "souche de vers de farine Buffalo qui permet une croissance de 25 % supérieure à celle d’une souche originelle" , rappelle la société dans un communiqué de presse. Ce qui améliore ainsi le rendement des fermes et permet de réaliser des économies de ressources.
Avec ce nouveau projet, Ÿnfabre, il s’agit d’aller encore plus loin afin d’apporter "des réponses concrètes aux enjeux de sécurité alimentaire et avoir un véritable impact sur le plan environnemental" , poursuit la société. Concrètement, le programme s’appuiera sur deux dimensions : le phénotypage (caractéristiques anatomiques, moléculaires, etc.) et le génotypage (étude des gènes). L’idée étant d’étudier ces insectes afin de sélectionner les souches qui réussiront à combiner les meilleurs critères de performance (croissance, résistance aux maladies, capacité de reproduction et transformation alimentaire).
"Le projet Ÿnfabre renforce les connaissances sur la génétique des insectes, et en particulier du ver de farine, source alternative et durable de protéines pour l’alimentation. Il contribuera à l’excellence de la filière entomocole française, dont Ÿnsect est un fer de lance" , estiment Ariane Voyatzakis, responsable du secteur agroalimentaire, et Michel Daigney, responsable du secteur chimie-environnement à la direction de l’innovation de Bpifrance.
Un consortium derrière le projet
Ÿnsect ne fait pas cavalier seul dans ce projet, mais s’associe à un consortium d’entreprises reconnues dans leur domaine et d’un laboratoire : le CEA-Genoscope et Thermo Fisher Scientific, pour leur expertise en séquençage et génotypage haut-débit, et Aprex Solutions, pour ses outils numériques d’analyse d’image/vidéo pilotée par intelligence artificielle.
Le programme a, de son côté, été développé avec le syndicat de sélectionneurs et a reçu une double labellisation. Pour le financer, la scaleup de l’AgriTech bénéficie d’un financement de 4,3 millions d’euros dans le cadre de l’appel à projets "Projets Structurants pour la Compétitivité" du programme d’investissements d’avenir (PIA), opéré par Bpifrance pour le compte de l’État.
Les premiers résultats issus de ces recherches devraient arriver d’ici à quatre ans. Ÿnsect annonce effectivement une première unité de sélection et de multiplication à l’horizon 2026, en France. Chacune d’entre elles devait avoir la capacité "d’alimenter cinq fermes en insectes reproducteurs" et leur permettre d’accroître leur productivité de plus de 15 % par an.
Mais les résultats pourraient bien dépasser le seul secteur de l’alimentation. "Nous sommes aux prémices d’une nouvelle science du scarabée et ne doutons pas de découvrir, dans les mois et années à venir, de nouvelles propriétés de notre insecte notamment dans le domaine de la santé" , ajoute le docteur Thomas Lefebvre, vice-président et directeur R&D BioTech Innovations chez Ÿnsect.