Article initialement publié le 2 décembre 2021
Paris peine à attirer les entrepreneurs qui créent des SPAC pour leur introduction en Bourse, qui préfèrent se tourner vers Euronext Amsterdam. Il suffit de regarder un rapport du Club des juristes. les chiffres. En 5 ans, Euronext Paris a accueilli 6 SPAC - portée par des entrepreneurs comme Matthieu Pigasse, la famille Pinault, Xavier Niel ou Marc Menasé- contre 12 pour la place néerlandaise sur la seule année 2021. “Amsterdam constitue aujourd’hui la place de référence pour l’immatriculation de SPAC en Europe” , souligne le rapport du Club des juristes.
Pour rappel, les SPAC — acronyme de special purpose acquisition company — sont des entreprises cotées en Bourse et créées dans le but d’acquérir d’autres sociétés afin de les faire entrer sur les marchés financiers sans qu’elles aient à suivre la procédure classique.
Que manque-t-il à Paris pour les attirer ? Selon les auditions menées auprès d’experts du sujet par l'association de professionnels, il y a deux raisons principales qui expliqueraient l’actuelle prédominance de la place d’Amsterdam. La première tient à "la perception de neutralité dont cette place bénéficie et la seconde, au tempérament “moutonnier” des investisseurs, tempérament qui provoque un effet d’entraînement une fois qu’une place devient active pour un type de véhicule donné" , détaille les auteurs du rapport . Ainsi, le manque d’intérêt pour Paris traduirait plutôt une méconnaissance de la place plutôt qu’une profonde divergence de fonctionnement. À partir de ces constats, le Club des Juristes a mis en exergue 5 points à retravailler.
5 leviers d’attractivité à actionner
Le Club des juristes propose cinq pistes pour changer les choses :
- Réaliser un gros effort de communication. L'ambition est de mettre en avant les outils juridiques permettant la création des SPAC et rassurer sur la sécurité des opérations réalisées sur la place de Paris. En ce sens, la création d’un guide, qui reprendrait de façon didactique les solutions techniques qui permettent de structurer une SPAC en droit français, semble appropriée.
- La création d’un prospectus standardisé pour les SPAC ainsi qu’un calendrier accéléré pour l'introduction en Bourse des SPAC. Une demande justifiée par l'absence d'activité de la SPAC au moment de son entrée en Bourse qui ne nécessite donc pas un examen aussi long que celui d’une société classique.
- Réviser les règles de gouvernance qui s’imposent à toutes les sociétés côtées. Plusieurs SPAC écartent déjà certaines règles du code AFEP-MEDEF dans leur prospectus d’introduction. “Le code pourrait comporter une recommandation spéciale qui viendrait exonérer les SPAC de l’application de certaines règles” , suggère le rapport.
Les deux autres pistes évoquées par le Cercle des juristes touchent au cadre juridique français.
- Introduire un droit de vote plural. Ce système permettrait d'octroyer un droit de vote double à certaines actions, détenues par les investisseurs qui restent longtemps au capital et s’investissent dans la stratégie de développement de la société.
- La révision de certaines règles relatives aux augmentations et délégations de capital notamment. Dans les faits, il s'agirait de conditionner l'augmentation de capital à un vote à la majorité simple et non renforcée ou encore l'augmentation des durées de délégations octroyées aux organes de direction.
Réussir à attirer d’autres pépites serait évidemment bénéfique pour la place de Paris. Attention néanmoins à ne pas omettre le risque que représente ce placement. En effet, 44% des SPAC introduites en Bourse aux États-Unis en 2017 étaient encore en recherche active d’une acquisition à l’automne 2020, ce qui pourrait témoigner d’une certaine déconnexion entre l’offre et la demande. À ce premier constat s’en juxtapose un second, l’observation d’une perte moyenne de valeur de 35% au cours des 12 mois suivants l’acquisition de leur cible par les SPAC américaines. Gare donc à ne pas être trop gourmand.