C'est un non catégorique. Les travailleurs indépendants des plateformes de type Deliveroo ou Uber s'opposent, dans une tribune envoyée à la presse lundi 22 novembre, au projet du gouvernement consistant à permettre à leurs employeurs de leur proposer une protection sociale complémentaire. Les syndicats INV, CLAP, SCP VTC, Indépendants.co et le réseau Sharer & Workers accusent la France de faire ainsi "le jeu des plateformes" , en leur donnant les moyens de "créer de la dépendance sociale".
Au centre de leurs préoccupations : un amendement inscrit par le gouvernement dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS) visant à permettre aux plateformes employeurs de proposer "des prestations de protection sociale complémentaire" à compter de 2023. Les travailleurs de ces plateformes, qui bénéficient du statut d'indépendant, peuvent actuellement souscrire à une complémentaire, s'ils le souhaitent et à leurs frais.
L'amendement a été rejeté par le Sénat le 12 novembre et doit être discuté par l'Assemblée nationale. Le gouvernement y défend la garantie d'une protection pour ces travailleurs et assure que son financement sera "exclu de l'assiette des cotisations et contributions sociales" de ces derniers. Mais son application pourrait être "dangereuse" , préviennent les représentants syndicaux, qui s'y opposent fermement.
"Un précédent dangereux"
"C'est la construction d'un tiers statut qui ne dit pas son nom" , craint Jérôme Pimot, président de CLAP et co-signataire de la tribune. Ce serait "un précédent dangereux" , qui avantagerait les plateformes, complète Hind Elidrissi, représentante d'Indépendants.co. "La dépendance sociale cela signifie que si vous ne faites pas votre chiffre d'affaires, vous perdez votre protection sociale" , souligne-t-elle. Le travailleur n'aurait ainsi ni les droits d'un salarié, ni ceux d'un indépendant. La porte-parole d'Indépendants.co rappelle que, dans un rapport remis au gouvernement début 2021, l'ancien directeur des ressources humaines d'Orange Bruno Mettling recommandait de laisser la protection sociale se négocier "au niveau national" et non "au niveau du secteur d'activité".
Par ailleurs, les organisations syndicales craignent de payer finalement cette protection : "On avait déjà vu ce que ça donnait avec les assurances !" , fustige Jérôme Pimot. En 2017, en réaction à la médiatisation croissante d'accidents de coursiers, plusieurs plateformes avaient proposé à leurs travailleurs une assurance gratuite pour les couvrir en cas d'accident. Mais ces dernières ont été financées par "une baisse de la rémunération" , assure Jérôme Pimot : "in fine, c'est nous qui les payons".
Si l'amendement prévoit d'inscrire le sujet dans le cadre du dialogue social au sein des plateformes, instauré par une ordonnance du 21 avril 2021, aucun élément ne peut garantir que ce dialogue permettra aux travailleurs de faire entendre leur voix, pointent les représentants.