Le 29 novembre prochain, le ministère de l’Économie et des Finances recevra le 1er Sommet de l’Inclusion économique. Organisé par la Fondation Mozaïk et l’agence Epoka, cet événement proposera aux dirigeants, managers et représentants des pouvoirs publics, une journée d’échanges autour des stratégies d’inclusion économique. Ce sommet sera aussi l’occasion de rencontres avec les candidats diplômés issus de territoires moins privilégiés. Saïd Hammouche, président-fondateur de la Fondation Mozaïk - qui milite pour l’inclusion économique - revient sur les ambitions de ce projet et ses convictions en matière de diversité et d’inclusion.
Quels sont les objectifs derrière la création de ce 1er Sommet de l’inclusion économique ?
Saïd Hammouche : Depuis 13 ans, notre cabinet de recrutement MozaïkRH promeut la diversité par les compétences des populations issues de la diversité, qu’elle soit sociale, territoriale ou culturelle. On sait que, pour aider les organisations à s’enrichir de ces talents, il est important de les mobiliser. Il faut créer une dynamique forte, qui ne soit pas en silo, mais avec un collectif d’entreprises engagées. Ce sommet sera l’occasion de la mise en place d’un mouvement, qui va s’engager à travers la signature d’un pacte. Il faut dépasser l’envie, les intentions pour passer aux engagements, à la mise en place d’actions concrètes, durables et objectivantes. Ce 1er Sommet sera surtout le prétexte pour un second rendez-vous, dans un an, qui dressera un bilan des marges de progression des entreprises en la matière. Startups, TPE et grands groupes sont invités à s’inscrire dans cette dynamique de changement durable, aux côtés des associations, de la puissance publique, de banques et d’investisseurs.
L’évènement, qui aura lieu au ministère de l’Économie, sera ouvert par Bruno Le Maire et clôturé par Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises. Est-il si important d’impliquer directement la sphère politique dans ces problématiques ?
Les entreprises et la société civile peuvent augmenter et compléter l’action publique. On veut démontrer, qu’aujourd’hui, en soutenant des innovations qui génèrent de l’impact en matière d’inclusion et de diversité, l’action publique peut se réinventer, se renouveler en faveur de l’inclusion. L’idée est aussi de montrer que les démarches de réduction des discriminations permettent également de faire des économies dans les dépenses publiques. Des jeunes des quartiers prioritaires de la ville qu’on remet en emploi rapidement supposent des économies pour les collectivités, et moins d’argent public utilisé. Ça permet aussi à des jeunes de travailler, et donc de payer des cotisations, c’est toute une dynamique économique derrière. Le chômage baisse en France, mais il reste deux fois plus élevé dans les quartiers prioritaires à cause de mécaniques de discrimination et le poids des stéréotypes. On a plus que jamais besoin d’un sommet sur l’inclusion, pour montrer qu’une grande partie de la population a moins de chance, qu’il faut regarder la réalité en face et agir. Des solutions existent. Je pense par exemple à la plateforme diversifiezvostalents.com pour montrer que ces profils sont présents.
Il y a un an, vous avez pris part au mouvement TechYourPlace. L’objectif était de fédérer, d’ici fin 2021, près de 100 startups et permettre au moins 10% de recrutement diversifiés. Les objectifs sont-ils atteints ?
Malheureusement, le Covid-19 a relégué la question de la diversité au second plan, ce n’était plus une priorité pour les startups qui devaient affronter cette crise. On a quand même réussi à mobiliser une trentaine de startups, avec qui on prévoit le 14 décembre un événement de recrutement pour leur permettre de rencontrer des candidats. Nous sommes en train d’accélérer pour espérer pouvoir atteindre notre objectif des 100 adhérents d’ici la fin de l’année. Sur notre site dédié, toutes les startups peuvent d’ores et déjà trouver un grand nombre de contenus pour s’informer, comprendre et avoir des clés d’explication sur leurs biais et comment y remédier.
Si la question du recrutement est essentielle, celle de la mobilité interne l’est tout autant en matière de diversité et inclusion. Comment aborder ce problème ?
Les discriminations opèrent dès l’entrée de l’entreprise, mais il y a aussi une vraie attention à porter sur les évolutions en interne ensuite. Depuis un certain temps, on voit que les femmes n’ont pas les mêmes évolutions que les hommes. Sur ce point, la loi Copé-Zimmermann est une avancée majeure pour faire progresser les entreprises. Mais cette problématique est aussi vraie sur la question ethnique : on a le sentiment que la France des Comex ne reflète pas la société dans laquelle nous vivons. Il faut développer des outils et faire des efforts pour diversifier les profils sur les hautes fonctions des entreprises. Et la même problématique se pose pour les entrepreneurs et entrepreneuses issus de territoires défavorisés, qui ont moins d’accès à la love money, aux outils et aux codes. Cela créé des décalages très forts, certaines personnes ont de super idées d’entreprises, avec une preuve de concept faite, un carnet de commandes blindé et un portefeuille de clients mais échouent. Il faut regarder ce sujet en face pour pouvoir l’adresser.
Alors pour avancer sur les sujets d’inclusion et de diversité, ne faut-il imposer de nouvelles contraintes légales aux entreprises, à l’image des quotas de la loi Copé-Zimmermann?
C’est un vieux débat en France, et nous sommes convaincus qu’il ne faut pas aborder ce sujet de cette façon. Pour créer une dynamique très forte, il faut que les entreprises aient conscience de cette problématique et la prennent à bras le corps pour définir une stratégie illustrée par un plan d’action et des objectifs. C’est d’ailleurs ce qu’on impulser à travers le mouvement d’entreprises qu’on veut faire naître à l’occasion du Sommet du 29 novembre. Des actions sont déjà menées : Sanofi se fixe des objectifs clairs par exemple, comme celui de compter 10% de personnes issues des quartiers prioritaires de la ville parmi leurs salariés.
Les statistiques ethniques sont interdites en France. Pourtant nombre de chercheurs et associations les considèrent comme un outil majeur pour faire un état des lieux chiffré et passer vraiment à l’action. Qu’en pensez-vous ?
On a longtemps eu le sentiment que, parce qu’on ne pouvait pas faire de statistiques ethniques en France, il n’était pas possible de compter la diversité. Aujourd’hui, la CNIL et le Défenseur des droits ont travaillé et publié une méthode qui permet de quantifier les personnes issues de la diversité dans les entreprises sur la base de l’auto-déclaration anonymisée. Des outils existent quand on veut mesurer et agir.
À l'aube de l'élection présidentielle, la prédominance dans le débat public des sujets autour de l’immigration et de la sécurité invisibilisent des thèmes comme l'inclusion au travail. CE dernier devrait-il être au coeur des débats ?
Dans les différents sondages, on observe que les trois principales préoccupations des Français sont le pouvoir d’achat, les problématiques environnementales et la question de l’emploi. Celui de la sécurité et de l’immigration arrivent bien après, alors qu’ils sont sans cesse mis sur le devant de la scène politique et médiatique. Il y a un vrai décalage. On compte 25% de taux de chômage dans les banlieues… On devrait plutôt aborder des solutions à ce problème. Cela engendre aujourd’hui des problématiques sociales lourdes, qui génèrent ensuite de l’insécurité.
Une étude intéressante de l’INA montre que le nombre de sujets liés aux faits divers a doublé dans les JT depuis les années 2000, alors que cela ne concerne que 3% de la population française… 97% des français ne connaissent pas de problème d’insécurité ! On ferait mieux de parler de solutions concrètes aux gros problèmes, d’emploi notamment, qui sont la source d’autres difficultés. La Française des Jeux a investi 20 millions pour soutenir l’égalité des chances… Prenons exemple sur des acteurs qui agissent vraiment parmi les entreprises et la société civile.