5 janvier 2022
5 janvier 2022
Temps de lecture : 7 minutes
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L'offensive de Pigment pour remplacer Excel dans les entreprises

Recrutement de hauts profils, gestion de la concurrence américaine, réalisation d'une série A sans avoir de produit : Eleonore Crespo, co-fondatrice avec Romain Niccoli (ex-Criteo) de Pigment, revient sur l'année 2021 et sa récente levée de fonds de 73 millions de dollars.
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Article initialement publié le 16 novembre 2021

Le succès de Criteo ne lui suffisait pas. En 2019, Romain Niccoli, l'un des fondateurs du spécialiste français de la publicité en ligne, s'est associé à Eleonore Crespo, passée par Google et Index Ventures, pour lancer la startup Pigment. Un nom qui ne laisse rien présager de la solution proposée. Le logiciel Saas développé, et commercialisé depuis peu, permet en effet de gérer ses données, les moduler et les transformer en visuels pour aider les entrepreneurs à planifier le développement de leur entreprise. Un an après une série A de 25,9 millions de dollars, la startup réalise un nouveau tour de table de 73 millions de dollars, toujours auprès d'investisseurs étrangers :  Greenoaks Capital mais aussi Blossom Capital et FirstMark Capital présents lors de la série A. À cette occasion, Eleonore Crespo a répondu aux questions de Maddyness.

Vous avez réalisé une levée de fonds de 25,9 millions de dollars il y a tout juste un an. Quels chantiers avez-vous pu mener grâce à cette somme ?

Lorsque nous avons réalisé notre série A, nous n’avions pas encore de produit. Nous voulons remplacer Excel, une solution très utilisée. Nous avions besoin de créer une plateforme complètement différente de ce qui existe et une solution capable de gagner des contrats face à des géants très établis comme IBM ou SAP. Nous sommes donc sur un segment très compliqué. On ne pouvait pas se lancer avec un minimum viable product (MVP) hyper simple : il fallait sortir un produit déjà prêt et efficace. Pour passer du pré-produit au produit, nous avons triplé notre équipe d’ingénieurs. Nous avons lancé la version publiquement au deuxième semestre. Nous avons également commencé à construire une équipe commerciale en recrutant notamment deux profils passés par Facebook qui ont constitué une équipe de commerciaux et de customer success.

Au cours de ces 12 derniers mois, nous avons également signé de beaux contrats [passant ainsi de 6 clients et une banque du CAC40 à une vingtaine de clients dont Luko, Blablacar, Mano Mano, Malt, Algolia, Gong, ndlr], ce qui a prouvé notre capacité à aller contrer nos concurrents chez certains de nos clients. 

Vous dites avoir recruté "de beaux profils" sans avoir même de produit alors qu’on ne cesse de parler des difficultés de recrutements dans la tech. Quelle est votre recette pour les attirer ? 

On a construit une équipe très solide et très qualifiée dès le début à la fois au niveau des ingénieurs mais aussi des commerciaux. Romain Niccoli [co-fondateur de Criteo, ndlr] a recruté d’excellents ingénieurs dans son réseau, ce qui a attiré d’autres profils qui ont eu envie de travailler avec eux. Deux autres facteurs ont également joué un rôle important : le challenge côté produit et business. Concernant notre solution, les équipes doivent relever des challenges énormes concernant le back end avec les bases de données et le front pour assurer une expérience utilisateur parfaite. 

Les personnes qui nous rejoignent savent que notre solution répond à un vrai besoin des entreprises. Dès qu’elles atteignent une taille critique, Excel n’est plus efficace et n’est surtout pas sécurisé. Notre première campagne d’outbound nous a permis de récupérer un nombre de leads incroyable. Aujourd’hui nous recevons plus de demandes que nous sommes capables d'en gérer. 

Vous expliquez que votre solution permet de préparer son entrée en Bourse, une levée de fonds, etc, pour les startups du Next40 et les sociétés du CAC40. Comment concrètement Pigment est utilisée ?

Pour préparer son entrée en Bourse ou lever des fonds, il faut que tous les éléments financiers de l’entreprise (P&L, analyse des cohortes)  soient très structurés. Pour ce genre de processus, il faut que la data room soit parfaite. Les investisseurs peuvent même utiliser Pigment pour explorer les perspectives de développement en modulant tel ou tel investissement. 

Si on prend maintenant la gestion de la croissance - objectif commun à n’importe quelle startup -, il est essentiel de comprendre où elles vont l’année suivante. Pigment est connecté aux données de revenus et RH et indiquera donc combien de recrutements sont nécessaires à tel poste pour assurer une croissance de X%. Elle prend aussi en considération le temps de recrutement nécessaire et le fait qu’un commercial aura besoin d’un temps d'apprentissage pour vendre ces premiers produits. Ce sont souvent des notions que les entrepreneurs sous-estiment. Notre produit permet donc de calculer le coût réel d’une nouvelle embauche ou d’un nouvel investissement. Vous aurez donc une image complète de vos besoins et des coûts. 

Notre plateforme est très modulable et a vraiment pour vocation de donner une information structurée à ses utilisateurs pour que l’entreprise puisse prendre des décisions rapidement s’adapter à une forte croissance ou à une croissance plus faible qu’escomptée. 

Vous avez conquis de nouveaux clients. Est-ce que la pandémie a joué un rôle dans l’intérêt porté à Pigment par les entreprises ? 

Nous observons une vraie demande des entreprises qui est due à deux grands facteurs. Le premier concerne les entreprises. Elles ont compris qu’elles avaient besoin d’outils agiles pour pouvoir se retourner rapidement en cas d’extrême croissance comme ce fut le cas pour Zoom ou, au contraire, d’une baisse drastique d’activité.

Le deuxième et plus grand changement est impulsé par la mobilité des salariés. Excel ne permet pas de collaborer à plusieurs sur un tableur malgré et les commentaires proposés. Les salariés ont besoin de collaborer de manière intelligente et structurée notamment sur les données. Il faut qu’un membre sur le terrain puisse ajouter une donnée qui sera ensuite vérifiée et intégrée définitivement par l’équipe finance. 

Vous avez réussi à convaincre des investisseurs de vous suivre sans avoir de produit. Sans vos parcours respectifs - Criteo, Google, Index Ventures - auriez-vous pu réussir ce pari ? 

Nous avons décidé de ne pas lancer un petit produit qu’on développerait ensuite mais immédiatement une grosse plateforme, capable de supporter de gros cas d’usage, que nous irions vendre dans un second temps. On a eu la chance de trouver les capitaux pour le faire et notre parcours nous a clairement aidés. Romain Niccoli est un excellent ingénieur, il a eu une première expérience entrepreneuriale à succès dans la tech avec Criteo. De mon côté, j’ai travaillé chez Google qui s’intéresse de près aux enjeux de planification puis chez Index ventures où j’ai appris quels étaient les bons ingrédients pour qu’une startup réussisse. C’est probablement ces expériences combinées qui ont convaincu les investisseurs que nous avions les capacités pour réaliser ce challenge. 

Parmi les prochains objectifs de Pigment, il y a le déploiement aux Etats-Unis où de nombreux produits de planification sont déjà disponibles. Quelle est votre stratégie pour faire face à vos concurrents déjà bien financés ? 

L’idée est d'accélérer notre développement, en France, en Europe et tout particulièrement aux Etats-Unis. Nous voulons nous déployer rapidement pour entrer rapidement en concurrence directe avec tous les outils déjà sur le marché. La plupart d’entre eux ont des produits trop rigides ou compliqués à utiliser. Nous pensons qu’il y a une véritable opportunité à saisir et qu’il faut y aller très vite. Les entreprises présentes là-bas sont déjà très matures. Nous avons déjà signé avec Gong d’ailleurs. Nous sommes déjà en discussion avec d’autres grandes sociétés et dès que nous en aurons signé quelques unes, nous sommes certains que cela va débloquer d’autres signatures.

Pour y arriver, nous allons beaucoup recruter, à Paris, notamment des ingénieurs et des commerciaux, mais aussi aux Etats-Unis, en local pour les fonctions support. 

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©Julien-Hay