C’est le Graal de la réindustrialisation européenne post-Covid : faire fleurir des usines 5.0, gorgées de technologies de pointe, capables de s’adapter à la demande. Emmanuel Macron se rend ce lundi dans l'entreprise Sileane à Saint-Etienne, spécialisée en robotique, vision et intelligence artificielle, pour promouvoir les initiatives du récent plan d'investissements France 2030 dans ce domaine, indique le cabinet de la ministre de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher. Ce dernier dédiera 800 millions d'euros au secteur de la robotique, dont 400 millions pour la fabrication de ces robots qui intègrent de l'intelligence artificielle.
En avril 2019, les députés Bruno Bonnell et de Catherine Simon s'inquiétaient dans un rapport -" Robotique et systèmes intelligents "- d’un retard français dans la robotisation des processus industriels, source de perte de compétitivité dans des secteurs-clés. L'enjeu est énorme. Car à elle-seule, la Chine, usine du monde, représente un tiers de la demande mondiale en terme de robots industriels, selon la banque d'affaires Bryan Garnier, spécialisée dans les technologies.
" Robotique adaptative "
La France, qui souhaite relocaliser une partie de son industrie, est en septième position mondiale pour le nombre de robots, derrière la Chine, le Japon, les Etats-Unis, la Corée du Sud, l'Allemagne et l'Italie, selon la Fédération Internationale de la robotique (IFR) basée à Francfort, en Allemagne. Et, avec des machines âgées en moyenne de 17 ans dans les PME industrielles françaises, Bercy se désole de voir qu'une partie des 8 000 projets de modernisation qui ont pu voir le jour grâce au guichet " Industrie du futur " du plan de relance en 2020, n'aient pas bénéficié à des constructeurs français.
Raison pour laquelle le plan France 2030 consacre un budget pour aider à la production de robots et à la structuration de projets locaux autour de sites industriels. L'usine Sileane prise en modèle par Emmanuel Macron pratique la " robotique adaptative ", c'est-à-dire l'intelligence artificielle. Agée d'une vingtaine d'années et employant une centaine de personnes, elle produit notamment des robots qui conditionnent des poches de perfusion pour le domaine médical, ou qui gèrent les déchets dans le domaine nucléaire. Ils sont conçus pour gérer des situations imprévisibles, capables, si les choses ne se passent pas comme prévu, de s'ajuster et d’évoluer.
Un danger pour l’emploi ?
" Nous avons besoin d'usines plus flexibles, capables de se reconfigurer pour faire face à des brutales variations de la demande ", explique Thierry Weil, conseiller au groupe de réflexion " La fabrique de l’industrie " et animateur de la chaire " Futurs de l'industrie et du travail " à Mines Paris, PSL. En clair, des " usines intelligentes " avec des chaînes d'assemblage qui " croisent intelligence artificielle, robotique et objets connectés ", ajoute Stéphane Pezeril, directeur Innovation et recherche d'Ausy, cabinet de conseil du groupe Randstad, dans le livre blanc de l'industrie pour 2030 publié par Randstad. " On a vu pendant la crise du Covid des constructeurs ou des équipementiers automobiles fabriquer des respirateurs. Il savent assembler des pièces de métal et de plastique, de l'électronique et des ventilateurs, mais ils faut pouvoir re-configurer rapidement des machines polyvalentes comme les robots et réarranger les lignes de production ", ajoute-t-il.
Reste la lourde et délicate question de l'emploi. Est-ce que cette automatisation industrielle risque de " détruire " demain tous les emplois industriels humains ? Un rapport du Sénat " Demain les robots " s'en inquiétait en décembre 2019. La réponse n'est pas facile. Dans un premier temps, l'aide à la modernisation industrielle va au moins permettre une augmentation de 30% des formations en alternance, dont une partie dans la robotique. L’entreprise de 20 salariés Technics Développement Robotique, située à Lallaing dans les Hauts-de-France et spécialisée dans la robotisation des PME, a notamment bénéficié d'une aide exceptionnelle pour recruter quatre personnes dont trois apprentis en alternance issus de formations professionnelles en robotique ou en ingénierie d'automatisation et d'informatique grâce au dispositif " un jeune, une solution ".