1 septembre 2021
1 septembre 2021
Temps de lecture : 9 minutes
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Les startups industrielles manquent toujours de financement

Les startups industrielles sont un véritable vivier d'emplois dans les territoires mais doivent encore être soutenues pour réussir à se développer, souligne un récent rapport remis au gouvernement.
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L’industrie française n’est pas morte et elle attire même les créateurs de startups comme ceux d’Ÿnsect, d’InnovaFeed, d’Aledia ou encore de DNA Script. L’Hexagone en comptabilise 1500 actuellement (12% des jeunes pousses), évoluant dans des secteurs stratégiques tels que les biotechnologies, la santé, la robotique ou l’énergie. On les retrouve même dans le Next40, le fameux classement des startups à haut potentiel de la French Tech.

Mais les obstacles sont encore nombreux pour ces entreprises, notamment concernant le financement comme en atteste le rapport "Leviers de développement des startups industrielles" remis ce 1er septembre à la Ministre déléguée chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher et au Secrétaire d’État au numérique, Cédric O, par Eric Paridimal, inspecteur des finances, Régis Verdier, inspecteur des finances, Jacques Serais, ingénieur général des mines et Edouard de Rocca, ingénieur en chef des mines, sous la supervision de Jean-Philippe de Saint Martin, inspecteur général des finances et avec la participation de Yann Le meilleur, assistant de mission.

Un foyer d’emplois pour redynamiser les territoirs

L’arrivée des startups industrielles sur le territoire n’est pas nouvelle. Ÿnsect et Aledia ont été créées en 2011, DNA Script a été immatriculée en 2014. Mais c'est leur présence au Next40 qui a poussé le gouvernement a commandé le fameux rapport remis aujourd’hui à deux de ses membres. Avec pour objectif de "mieux comprendre l’écosystème" afin d'apporter des "solutions de développement" appropriées aux acteurs du secteur, explique-t-on du côté du cabinet de Cédric O.

Il faut avouer que ces startups ont un atout dans leur poche : créer des emplois dans les territoires, loin des métropoles. "62% d’entre elles ont leur siège social hors d’Ile-de-France"  , souligne t-on dans l’entourage du Secrétaire d’État au numérique. Elles y installent aussi leurs usines : Ÿnsect et InnovaFeed ont posé leurs valises dans le Nord, par exemple. D’ici à "2025, 70 à 100 nouvelles usines de startups industrielles" pourraient ainsi voir le jour. Et avec elle, une multitude d’emplois.

"Aldelia s’est fixé pour objectif de créer 500 emplois en 2021, Ÿnsect a même lancé un programme de reconversion pour les employés de Whirlpool" , se réjouit le cabinet de Cédric O qui voit dans ces startups un véritable vivier d’emplois dans des territoires parfois désertés.  Selon une étude du cabinet Roland Berger, pour les 15 principales startup évaluées, il existe un potentiel de création de 3.000 emplois d'ici 2025 et 10.000 d'ici 2030. À titre de comparaison, 11.000 emplois nets ont été créés pa l'industrie en France en 2019. Dans ce cadre, la formation est un enjeu de taille car ces startups développent de nouveaux savoir-faire qui ne s’apprennent pas dans les écoles — en tout cas, pas encore. 

Un soutien de l’État 

La croissance de ces startups est le résultat d’un soutien de l’État, du développement de leur idée à leur industrialisation, soulignent les cabinets d’Agnès Pannier Runacher et de Cédric O. "De nombreuses startups ont candidaté et ont été accompagnées dans le cadre de l’appel à projets Résilience lancé par Agnès Pannier-Runacher il y a un an. On compte une dizaine de startups" , précise un proche de la Ministre déléguée à l’Industrie. Ce soutien n’a pas forcément été financier. "Ÿnsect a été accompagnée dans le cadre de ses démarches administratives et dans ses recrutements. D’autres sociétés ont bénéficié d'aides concernant les freins réglementaires, leur entrée en Bourse, leur développement à l’international ou encore sur des sujets liés à la propriété industrielle" .

Ces startups ont également pu profiter d’autres programmes comme le plan Deeptech de 2,5 milliards d’euros, initié en 2019 et visant à soutenir l’émergence de startups à haut potentiel technologique comme le quantique, la cybersécurité, la santé numérique, etc. Celui-ci comporte trois volets dont l’ambition est de faciliter la conciliation de la recherche avec le développement d’une entreprise. "En 2020, 200 nouvelles startups DeepTech ont été créées et l’objectif est de voir émerger 500 nouvelles startups DeepTech par an d’ici 2025. Notons également que 40% des startups indusrtielles sont des DeepTech. C'est aussi grâce à ce plan" , estime le cabinet de Cédric O. Dernier programme capable de faire émerger ces pépites industrielles, les programmes d’investissement d’avenir (PIA) bien connues des startups. Malgré ces soutiens, le rapport souligne l'existence de plusieurs freins et propose des pistes pour y remédier et décupler le potentiel de ces startups industrielles. 

Booster les financements et simplifier les démarches

"Les trajectoires des startups à vocation industrielle peuvent diverger : intégrer la production et entrer en phase d’industrialisation, sous-traiter tout ou partie de la fabrication du produit en France ou à l’étranger, ou bien vendre le produit de leur R&D à d’autres entreprises. Si ce choix appartient aux entrepreneurs et relève de nombreux paramètres, une bonne perception des enjeux industriels et des leviers disponibles facilite la prise de risque pour aller au bout du projet industriel" , reconnaissent les auteurs du rapport. 

Le premier écueil est celui du financement. Malgré la quantité de capitaux disponibles en France, les investisseurs restent plutôt frileux à financer les projets industriels early stage alors qu'Ÿnsect et InnovaFeed ont réussi à boucler deux beaux tours de table en 2020. "Les startups industrielles peinent à trouver des capitaux patients pour financer des démonstrateurs (entre 5 millions d’euros et 30 millions d'euros) ou des premières usines (entre 20 et 150 millions d’euros)" , souligne le rapport. 

Ce qui peut s’expliquer par la longue durée des investissements et la difficulté à faire confiance à des entrepreneurs qui ne connaissent pas le secteur industriel. Résultat : "la faible appétence des financeurs en fonds propres n’est compensée ni par les financements bancaires privés, limités, ni par les garanties et les prêts publics, essentiellement du fait de leur montant"  . Sur point, le fonds public SPI (sociétés de projets industriels) de Bpifrance "ne saurait être suffisant, ni intervenir seul" , souligne le document qui préconise à la fois la reconduction de ce fonds public en abaissant son ticket d'entrée à 5 millions d'euros, et la création d'un autre fonds abondé par des grandes entreprises françaises et l'Etat. Il pointe les faibles résultats obtenus à ce jour par les initiatives annoncées par les grands groupes en faveur des startup. Les "corporate venture capital" (CVC) comme le fonds Total Carbon Neutrality Ventures doté à terme de 400 millions d'euros, le fonds d'Air Liquide (100 millions d'euros), Safran Corporate ventures (80 millions d'euros ), Seb Alliance ou EDF Pulse, sont "moins présents à l'échelle de l'UE que les CVC allemands ou britanniques" et "adoptent majoritairement une position de suiveur" indique le rapport. Il suggère aussi la mise en place de prêts "industrialisation" par Bpifrance, et demande plus d'accompagnement administratif.

Le dernier frein concerne l’accompagnement vers l’industrialisation. "En amont, la mission a relevé peu d’exemples d’offres de préparation à l’industrialisation mais l’existence d’acteurs de l’accompagnement des startups bien identifiés (incubateurs, accélérateurs, clusters, laboratoires de recherche, Bpifrance…) constitue un atout pour en développer" . À condition d'activer les leviers suivants. 

Les 13 propositions du rapport

Proposition n° 1 : S’agissant du fonds SPI : le reconduire pour un montant de 700 millions d'euros avec une option à 1 milliard d'euros si les performances le justifient (enveloppe 'industrie' du PIA 4) ; baisser le montant du ticket minimum à 5 millions d'euros ; renforcer l’action de communication et de prospection, en réalisant une cartographie des startups à vocation industrielle pour anticiper et créer de façon proactive du dealflow.

Proposition n° 2 : Afin de pallier la faiblesse du corporate venture en France et le manque de fonds propres disponibles pour les démonstrateurs industriels, lancer un fonds de reconquête industrielle corporate et multi‑sectoriel auquel souscriraient des grandes entreprises et ETI industrielles, le PIA 4 et Bpifrance sur ses fonds propres.

Proposition n° 3 : Mobiliser, dans le cadre de l’activité de fonds de fonds de Bpifrance, une 'poche industrie' de 100 millions d'euros (enveloppe 'industrie' du PIA 4) afin de soutenir des fonds d’investissement ayant démontré un intérêt et une expertise pour le financement de démonstrateurs industriels et de sites de production à l’échelle.

Proposition n° 4 : Créer un 'prêt industrialisation' d’un montant moyen de 2 millions d'euros et maximum de 3 millions d'euros par projet, cumulable avec les autres instruments de prêt de Bpifrance, afin d’apporter du financement en dette pour les phases de démonstrateur industriel et de première usine ; la capacité globale de prêt serait de 200 millions d'euros entre 2022 et 2024, soit une centaine de projets financés. 

Proposition n° 5 : Lancer un appel à projets "premier démonstrateur industriel" et un appel à projets "première usine" , selon une logique multisectorielle, afin d’accélérer l’émergence de réussites de projets portés par les startups industrielles.

Proposition n° 6 : S’assurer que les startups industrielles pourront bénéficier d’une pleine mobilisation des mesures mises en œuvre à la suite de la mission Kasbarian en prévoyant une saisine des services déconcentrés et préfectoraux par la mission French Tech et un suivi "en mode projet" au niveau local afin de coordonner les acteurs (services de l’État, collectivités territoriales, établissements publics d’aménagement ou établissements publics fonciers).

Proposition n° 7 : Compléter le critère du caractère "significatif" des projets accompagnés par le guichet de résolution des blocages de France Expérimentation pour y inclure les projets portés par les startups industrielles et élargir les autorités de saisine à la mission French Tech et aux agences de développement économique régionales.

Proposition n° 8 : Solliciter les comités de filière afin d’identifier des domaines dans lesquels l’innovation se heurte à une réglementation inadaptée. Mettre en place dans ces domaines des "bacs à sable réglementaires" permettant aux entreprises de tester leurs produits sans passer par une procédure de dérogation au cas par cas. Confier l’animation de cette démarche à France Expérimentation.

Proposition n° 9 : Lancer une action de sensibilisation à destination du grand public afin de promouvoir les bonnes pratiques de l’industrie en milieu urbain, ses avantages et les mesures permettant sa bonne intégration.

Proposition n° 10 : Renforcer le dispositif des "sites industriels clé en main" en labellisant l’ensemble des plateformes industrielles afin de mettre à disposition des startups du foncier industriel offrant des procédures mutualisées.

Proposition n° 11 : Détecter et sensibiliser chaque année, dès la phase de R&D, 300 à 400 projets de startups susceptibles de passer en production en France, en s’appuyant sur le réseau des incubateurs, les pôles de compétitivité et les filières industrielles.

Proposition n° 12 : Aider à produire chaque année, en partenariat avec les régions et Bpifrance, 100 dossiers d’industrialisation en France de startups industrielles.

Proposition n° 13 : Labéliser et accompagner chaque année 40 startups portant un projet de production en France, le French Fab 40.

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Le co-fondateur et DG de DNA Script Thomas Ybert dans le laboratoire de la startup qui développe une imprimante de séquençage ADN. ERIC PIERMONT / AFP