Fondée en 1934, la Maif a réussi à se frayer un chemin pérenne dans l’univers ultra concurrentiel des assurances en prônant des valeurs d’entraide et de responsabilité collective. Mais la société mutuelle d’assurance ne se contente pas d’assurer, elle investit également dans des entreprises, notamment via son fonds Maif investissement social et solidaire renommé début juillet Maif Impact. Un changement d’identité qui s’accompagne d’une grande ambition : renforcer sa dynamique d’investissement dans des projets qui répondent à des problèmes environnementaux ou sociaux essentiels.
L'impact en ligne de mire
Dans l’univers des startups, un changement de nom préfigure souvent une volonté de s’internationaliser ou résulte d’un rachat. Si Maif Impact n’envisage aucunement de s’expatrier à l’étranger ou d’investir dans des pépites étrangères, son changement d’identité marque clairement sa volonté de changer d’échelle. "Le fonds Maif investissement social et solidaire, créé en 2013, avait pour ambition de donner corps à la conviction de la Maif d’accompagner l’économie sociale et solidaire (ESS) à une époque où elle était peu reconnue. Rapidement le fonds a souhaité aller au-delà de l’ESS en accompagnant des entreprises à impact quel que soit leur statut et en sélectionnant les projets à impact qui sont porteurs d’une innovation sociale très forte. Ce changement de nom reflète cet élargissement des investissements" , décrypte Judith-Laure Mamou-Mani, manager du fonds. Mais aussi son désir de financer encore davantage les sociétés à impact.
De 23 millions d'euros déjà injectés dans les différentes entreprises de son portefeuille, le fonds entend passer à 75 millions d’euros d'ici 2030. Dans le détail, 5,5 millions d'euros seront donc investis par an au cours des 10 prochaines années dans les projets innovants à impact, via des investissements directs, indirects ou des prêts. Afin de soutenir cette évolution, Maif augmente le capital de son fonds - qui passe de 16 à 40 millions d’euros - le reste des opérations étant financées grâce aux futures sorties du portefeuille. Le fonds misera des tickets entre 500 000 et 1 million d’euros.
Mais pour obtenir un tel financement et entrer dans le portefeuille de Maif Impact, il faut montrer patte blanche, parler d'impact ne suffit pas.
Changer la société à grande échelle
"L'impact est une vraie catégorie d’investissement avec des projets qui place la recherche d’impact au cœur de leur stratégie et pour qui la performance économique va de pair avec la performance sociétale ou environnementale" , pose d'emblée la responsable du fonds qui refuse de voir dans ce terme un mot galvaudé. Pour sélectionner leurs futures pépites, les trois membres du fonds - qui comptera bientôt un quatrième collaborateur - s'appuient sur des critères clairs. "Notre première question est de savoir si l’entreprise a été créée pour engendrer un impact environnemental ou social positif quelque soit la cible finale, entreprise ou particulier, l’intention de l’entrepreneur est essentielle" , développe Judith-Laure Mamou-Mani.
À ce premier critère, s'en ajoute un second, répondre à au moins un des quatre grands défis suivants : contribuer à l’égalité des chances, développer de nouvelles formes d’entraide, faire grandir l’économie circulaire, participer au développement de la finance solidaire. Parmi la quinzaine de startups déjà présentes dans son portefeuille, Maif impact compte ainsi Mobidys, Plume, Kelbongoo, Comptoir de campagne ou encore Auum.
L’argent coulant à flot, se financer n’est pas vraiment compliqué pour les startups et celles à impact ne dérogent pas à la règle, selon la responsable du fonds. C’est pour cette raison que Maif Impact a choisi de ne pas se positionner sur l’amorçage mais plutôt sur les startups qui veulent changer d’échelle. "Elles doivent déjà avoir fait la preuve de leur concept et posséder quelques clients, en somme être sorties de leur phase amorçage" , reconnaît Judith-Laure Mamou-Mani. Exception dans l’exception, le fonds peut également financer des projets plus jeunes s’ils possèdent un haut potentiel. Au total, 6 à 7 pépites devraient bénéficier du soutien de Maif Impact chaque année.
Il n'y a pas que Paris
Dans son portefeuille actuel, Maif Impact compte de nombreuses sociétés dont le siège social n’est pas à Paris. Un constat qui contraste avec l’hyper-concentration des capitaux dans la capitale. Est-ce un choix volontaire ? Les entrepreneurs à impact seraient-ils plus présents en province ? Ni l’un, ni l’autre pour Judith-Laure Mamou-Mani. "Le siège social de la Maif est à Niort, finalement, c’est Paris qui est une annexe, sourit la responsable du fonds. Nous nous déplaçons aussi mais de base, nous n’avons pas à nous forcer à sortir de ce prisme parisien puisque MAIF est elle-même ancrée dans les territoires."
Le fonds peut également s'appuyer sur les autres lieux de la société mutuelle d’assurance comme le Maif Startup club qui peut accueillir sur un ou deux postes de travail des startups régionales. "En termes de réseaux, nous avons des liens avec des acteurs également ancrés dans les territoires comme France Active et des conventions French Impact dans toutes les villes donc cela nous permet aussi d’avoir un accès facilité aux entrepreneurs régionaux" , poursuit Judith-Laure Mamou-Mani.
Créer des synergies
Maif Impact s’investit tout autant que les autres fonds auprès des startups de son portefeuille. "Nous sommes exigeants mais pas contraignants, et toujours actifs et bienveillants. Nous entrons à leur board avec la promesse que nous serons là dans les bons comme dans les mauvais jours." Difficile de ne pas penser à la pandémie à l'écoute de ces propos. "Nous avons été présents financièrement mais surtout humainement pour accompagner les entrepreneurs seuls face à la crise. Mais globalement, nos sociétés ont une très bonne gestion de leur trésorerie, elles ne brûlent pas leur cash et elles ont été très résilientes."
Hors Covid-19 donc, Maif Impact utilise son réseau - interne comme externe - pour aider les entreprises à se développer. "Nous réalisons des mises en relation quand on identifie une problématique particulière. Sur le recrutement par exemple, avoir accès à nos collaborateurs des ressources humaines est utile pour appréhender cet enjeu, estime Judith-Laura Mamou-Mani. Nous cherchons aussi à créer des synergies avec le groupe quand c’est possible mais ce n’est pas un objectif. Nous passons également beaucoup de temps à communiquer autour de nos startups car l’essentiel est finalement ce qu’elles font." Et la marque Maif, qui jouit d’une bonne notoriété, est un plus à ce niveau-là.
Maintenant que le portefeuille du fonds s’est étoffé et que certaines sociétés gravitent dans le même univers - comme Mobidys et Plume dans l'éducation - les investisseurs commencent à chercher des synergies entre elles. À terme, elles pourraient nouer des partenariats, collaborer sur des projets ou même simplement s’entraider sur des thématiques communes à tous les entrepreneurs.