PowerZ passe la seconde. Après un premier tour de table à hauteur de 3 millions d’euros à la rentrée 2020, l’EdTech annonce avoir levé 7 millions d’euros – 6 millions en equity et 1 million en dette – auprès des fonds Bpifrance Digital Venture, Raise Ventures et de ses précédents actionnaires Educapital, Pierre Kosciusko-Morizet et Michaël Benabou. Alors que l’entreprise d’Emmanuel Freund, co-fondateur et ancien dirigeant de Shadow, levait cette pré-série A, elle a cherché à "apporter des preuves" que son concept fonctionne… même sans pouvoir donner des indicateurs économiques précis aux différents investisseurs.
Exposer de premiers retours d'expérience
Le "plan d’accélération" qu’elle a présenté à ces derniers en mai 2021, et que Maddyness a pu consulter et que vous pouvez retrouver à la fin de cet article, fait la part belle au bilan de ses six premiers mois d’existence et à la prise en main du jeu par ses 10 000 premiers utilisateurs. Ils sont désormais 16 000, en ce début du mois de juillet 2021. Ce nouveau pitch deck revient, comme le précédent, sur l’équipe qui se cache derrière la startup, ainsi que sur la façon dont elle a réussi à s’entourer d’experts du jeu vidéo et de l’éducation. "On nous disait que c’était impossible de sortir un jeu vidéo en six mois. Nous l’avons fait, en prenant beaucoup de précautions" , souligne Emmanuel Freund, précisant avoir mandaté trois studios externes afin de concevoir des versions tierces dans le cas où PowerZ ne parviendrait pas à sortir un produit satisfaisant en interne.
Le fondateur de la startup, qui souhaite "faire évoluer le titre avec la communauté" d’utilisateurs, estime avoir permis "aux parents de voir un aspect éducatif et aux enfants un aspect récréatif" dans le jeu. Sachant que la jeune pousse ne dispose pas encore d’indicateurs économiques, elle a choisi de mettre en avance des paramètres tels que le temps de jeu – "43 % des enfants ont joué plus d’une heure et demie" – ou la satisfaction utilisateurs – "18,4 % paient après avoir joué" afin de convaincre des investisseurs mettre un ticket dans l'aventure. Au vu du résultat, les arguments semblent avoir été convaincants.
Bien sûr, PowerZ consacre une part importante de son plan d’accélération aux objectifs à court et moyen termes. Emmanuel Freund concède "une erreur de jugement" concernant les appareils ciblés : alors que les versions PC et Mac ont d’abord été développées en prorité, les enfants seraient finalement "plus susceptibles d’utiliser le jeu sur smartphone, tablette ou console" . Ce second tour de table vise donc à financer le développement de versions adaptées pour se positionner rapidement sur ces divers segments. L’élaboration de nouveaux chapitres est également évoquée, afin d’étendre l’univers du jeu. L’internationalisation est le dernier grand axe défendu par la startup dans son pitch deck : "Nous savions que nous n’avions pas de concurrent direct en Europe. Après une étude approfondie, nous pouvons affirmer que cela n’existe nulle part ailleurs" , avance Emmanuel Freund, qui entend donc jouer la carte de la primeur pour appâter les investisseurs.
Des investisseurs qui ont sans doute été sensibles à la démonstration du fondateur, qui a exposé qu’une simple campagne de micro-marketing de sept jours sur Facebook a permis de "doubler le nombre d’utilisateurs", passant de 8 000 à 16 000.
Lever de manière à équilibrer son board
Interrogé par Maddyness, Emmanuel Freund raconte qu’en amont de cette seconde levée, les actionnaires déjà en place étaient "enclins à remettre au pot" . Les fonds, fidèles à leurs habitudes, "attendaient d’avoir un CPA [coût par acquisition, ndlr] pour déterminer combien la startup gagnera dans quelques mois". PowerZ affirme avoir trouvé des fonds "conscients qu’elle ne fait pas de chiffre d'affaires" , mais "inspirés par un produit proche de leur ADN".
Son dirigeant tenait à faire entrer des fonds au capital pour "s’astreindre à une certaine rigueur, quand les business angels sont davantage dans l’empathie". Dans cette lignée, Emmanuel Freund a décliné l’évolution du modèle économique de la startup qui devrait reposer à moyen terme sur un système d’achat intégré à l’application. Une version anglophone verra aussi le jour d’ici à la fin de l’année 2021 pour les États-Unis, le Royaume-Uni et les pays nordiques. Si la startup juge les projections précises en nombre d’utilisateurs ou de revenus "difficiles à réaliser" , elle pense que les intégrer aux pitch decks est au moins aussi indispensable.
PowerZ, qui souhaite continuer son travail de pédagogie à l’égard des néo-entrepreneurs en dévoilant son pitch deck, dit avoir "tout changé sauf les trois premières slides" entre les documents utilisés lors de la première et la seconde levées. "On concentre un résumé de ce qui n’est pas nouveau au début, puis on entre dans le détail de ce qu’on a fait depuis le dernier tour de table, précise ainsi Emmanuel Freund. La structure est, bien sûr, à adapter selon que vous discutiez avec des investisseurs qui vous connaissent déjà bien ou non." Au terme de l’opération, les membres fondateurs disposent de 40 % du capital de PowerZ, les investisseurs historiques de 30 % et les nouveaux venus de 30 %. Plus dans le détail, Pierre Kosciusko-Morizet et Michaël Benabou disposent de "6 à 7 % du capital chacun" et les fonds (Bpifrance, Raise, Educapital) "à peu près de 6 %" – le reste se répartit entre les divers business angels et l’équipe de la startup. "Nous avons désormais un board assez classique et équilibré, à qui il reviendra de valider le plan de dépenses. Je concède un peu de pouvoir de décision, mais je reste capitaine à bord" , assure aussi Emmanuel Freund.
Le dirigeant garde à l’esprit son expérience à la tête de Shadow. Il assure tout faire pour faire en sorte que PowerZ ne soit pas rachetée une fois qu’elle vaudra davantage. "Avec Shadow, on a perdu du fait que des actionnaires forts imposaient leur point de vue. On avait levé beaucoup et vite. Quand tu donnes de l’argent à un enfant, il le dépense" , avance-t-il ainsi, en référence à la volonté qui était la sienne d’aller aux États-Unis sans soupeser le coût que coûterait l’exploitation de data centers. C’est un choix bien plus raisonné que fait Emmanuel Freund en ne levant ‘que’ quelques millions d’euros avec sa nouvelle société. Il est question de recrutements, là aussi dans une moindre mesure par rapport à la vitesse à laquelle Shadow a grandi. "Nous ne triplerons pas de taille juste parce que nous avons les moyens de le faire. Nous sommes 20 dans l’équipe aujourd’hui, nous monterons à 30 au maximum" , note l’entrepreneur, qui réaffirme sa volonté de travailler de façon "modulaire" en sollicitant des collaborateurs externes.
Pour mener sa prochaine opération financière, PowerZ devra pouvoir présenter des "metrics"... qu’elle n’aura pas avant plusieurs mois.