On n'est jamais mieux servi que par soi-même. Il y a quelques années, l'arrivée en fanfare des Legaltechs faisait grincer des dents les avocats et avocates. Aujourd'hui, ils et elles sont partie prenante dans le développement des startups du secteur, comme en témoigne la dernière levée de fonds initiée par la plateforme Call A Lawyer. Deux ans après un premier tour de table de 500 000 euros conclu auprès de business angels, l'entreprise a décidé de se tourner vers ses premiers clients : les avocates et avocats. "Il était temps d’ouvrir notre capital à nos 1500 avocats membres. Nous avons des décisions stratégiques à prendre, sur l’éthique, par exemple et ce sont des sujets liés à la manière de rendre service à distance via notre outil. Cela paraissait logique de les associer" , souligne Mathieu Davy, fondateur de la Legaltech. Pari gagnant puisque Call A Lawyer a déjà récolté pas moins de 250 000 euros via une plateforme dédiée, conçue en marque blanche par l'entreprise spécialisée en crowdfunding Tudigo, ouverte fin avril. La collecte doit se terminer dans quelques jours.
Mais l'opération est loin de n'être qu'une question d'argent. Les dons ayant dépassé 5% du capital - Call A Lawyer est valorisée 3 millions d'euros à ce stade - la société qui regroupe ces nouveaux actionnaires aura un·e représentant·e au board de la startup, qui ne comptait jusque-là que quatre actionnaires à son board - les trois fondateurs et un business angel. "Le président de la société d'investissement sera logiquement un avocat, anticipe Mathieu Davy. Étant moi-même avocat, cela garantira qu'au moins deux avocats soient présents au board à l'avenir, y compris en cas de dilution si un fonds entre au capital. Ce n'est pas illogique vis-à-vis de la mission de l'entreprise et cela garantit aux avocats comme aux futurs investisseurs la légitimité du produit."
Créer un précédent et des automatismes
Ce sont d'ailleurs ces derniers qui ont poussé l'entrepreneur à s'ouvrir à la profession, alors qu'il prépare déjà une nouvelle opération financière, qui doit cette fois être réalisée auprès de fonds. "Ils trouvent normal que la profession soit intégrée au financement. Cela permet de crédibiliser notre modèle... et de convaincre plus facilement les fonds par la suite. " La dernière pierre à l'édifice de la startup qui a bénéficié de la crise : de 10 000 euros en 2019, son chiffre d'affaires a bondi à 100 000 euros l'an dernier et devrait atteindre les 500 000 euros cette année. "Nous devons consolider notre croissance, doper nos chiffres et passer un cap industriel" avant de chercher un à trois millions d'euros auprès d'investisseurs professionnels, atteste avec lucidité Mathieu Davy.
L'expérience s'est révélée positive au-delà des attentes de l'entrepreneur, par ailleurs président de l'association Avotech, qui regroupe plusieurs startups de la Legaltech. "On réfléchit à dupliquer le concept avec Avotech et les incubateurs des barreaux, grâce à une plateforme dédiée aux Legaltechs. Cela permettrait de créer une envie d'investissement chez les avocats et une forme d'automatisme. "
Au risque de lasser la profession ? Pas nécessairement. "Il y aura une sélection à l'entrée et il y aura la sélection du marché" , élude Mathieu Davy, qui compte aussi sur les dynamiques régionales pour faire émerger des pépites sur l'ensemble du territoire.