Menée auprès de plus de 4 000 salarié·e·s, issus du secteur public et privé, en avril 2021, la dernière enquête de l’Ifop et Meteojob révèle des résultats accablants. Une personne sur cinq estime avoir fait l’objet de discrimination à l’embauche dans ses expériences professionnelles. "Contrairement aux idées reçues, ce chiffre n’est pas en baisse par rapport à il y a une vingtaine d’années, au contraire, explique François Kraus, directeur du pôle "politique/actualité" à l’Ifop, lors de la conférence de présentation de l’étude. Malgré l’ampleur des actions menées sur le sujet lors de ces dernières décennies, on n’a pas du tout le sentiment que les choses s’améliorent" .
Une plus grande sensibilisation des salariés
En effet, selon les chiffres de l’enquête, les discriminations a l’embauche ont même doublé en 20 ans, passant de 12% en 2001 à 21% en 2021. Une augmentation qui s’explique aussi, selon l’expert, par une plus grande sensibilisation des salarié·e·s à ces questions de discriminations. "Suite à #MeToo, il y a eu une explosion des plaintes pour violences sexuelles, et les spécialistes se sont posés la question : est-ce qu’il y a plus d’agressions ou est-ce que les femmes ont aujourd’hui un plus grand niveau de conscientisation et ne laissent plus autant passer ce genre d’agressions ? , précise-t-il. On l’a aussi remarqué sur les questions de harcèlement au travail, avec plus d’informations disponibles sur ce qui est acceptable ou pas. Ce chiffre peut donc aussi être perçu comme un indicateur de la baisse du seuil de tolérance des Français à l’égard de ce genre de pratiques discriminatoires… Et les employeurs s’exposent donc à d’avantage de risques de mauvaise image qu’il y a deux décennies " .
L’enquête a été réalisée en fonction de plusieurs variables : le genre, l’âge, le niveau social, celui des revenus, mais aussi les groupes ethniques perçus -les statistiques ethniques étant interdites en France-, l’appartenance à des minorités religieuses, les origines géographiques et les accents (régionaux ou étrangers). Si 23% des femmes, 25% des jeunes de moins de 30 ans et 23% des CSP- estiment avoir été victimes de discrimination durant un processus d’embauche, les variables les plus accablantes ne concernent pas le genre, l’âge ou le niveau social. En effet, 42% des personnes se percevant comme "non-blanches" , 53% des musulmans et 50% des salariés d’origine étrangère disent en avoir été victimes.
Micro-agressions en entretien d’embauche
L’étude s’est aussi penchée sur le temps de l’entretien d’embauche, pendant lequel une personne sur six estiment avoir fait l’objet d’une remarque déplacée. "Toute une palette de micro-agressions affectent les minorités, précise François Kraus. Mais ce sont les femmes qui sont en première ligne et on constate une augmentation des pratiques sexistes" . 19% des salariées déjà ont subi des propos déplacés liés à leur sexe, soit deux fois plus qu’il y a 20 ans (7% en 2000). De plus, l’enquête révèle des pratiques interdites mais communes, ciblées vers les femmes, concernant leur vie privée. Une femme sur deux explique par exemple avoir été questionnée sur le fait qu’elle ait des enfants ou pas, et une sur quatre pour savoir si elle avait cela pour projet. Plus grave encore, 5% des femmes interrogées disent s’être vu offrir un poste en échange de faveurs sexuelles. "L’enquête confirme malheureusement la persistance de sanctions sociales envers les femmes à l’entrée du travail, à la fois en tant que femme mais aussi en tant que potentielle mère" , ajoute l’expert de l’Ifop.
Enfin, l’étude a aussi tenté de quantifier les pratiques liées au body-shaming dans la recherche d’emploi. Encore une fois, ce n’est pas réjouissant, puisque qu’une personne sur cinq estime avoir déjà reçu une demande déplacée liée à son apparence. 15% des personnes obèses auditées rapportent qu’on leur a demandé de perdre du poids, 16% des jeunes de moins de 30 ans se sont vus demander de modifier leur présentation physique et 13% des salariés présentant un accent ont été "invités" à le gommer. "Il existe de fortes injonctions à correspondre à certaines normes dominantes physiques, esthétiques et vestimentaires, conclut François Kraus. Dès qu’on en sort, on est plus exposé aux discriminations à l’emploi " .
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