Son introduction en Bourse approche maintenant à grands pas. Le 10 juin 2021, Believe franchira cette étape stratégique qui se prépare depuis plusieurs mois en coulisses. Avec une fourchette de prix fixée entre 19,50 et 22,50 euros par action, le spécialiste français de l’édition et de la distribution musicale devrait alors être valorisé entre 1,9 et 2,1 milliards d’euros. À l’approche de cette échéance, Maddyness revient sur ce qui a fait le succès de l’entreprise et sur l’intérêt qu’elle trouve à mener une telle opération sur Euronext Paris.
Qui dirige l'entreprise ?
Believe a été fondée en 2005 par Denis Ladegaillerie, qui a été chief strategy and financial officer de la division numérique de Vivendi Universal aux États-Unis de 2001 à 2004. Cette expérience à un poste à responsabilité dans l’une des majors de l’industrie musicale lui a offert une vision privilégiée du secteur… et amené à identifier ses faiblesses. Dès lors, sa volonté est de mettre sur pied une entreprise spécialisée dans l’accompagnement des artistes indépendants. Comme nous l’expliquait Joy Sioufi, partner chez GP Bullhound et conseiller de Believe depuis 2014, "sa vision, qui consiste à bâtir un système pyramidal permettant de brancher les musiciens aux plateformes mondiales [Spotify, N.D.L.R.] ou locales [Deezer, N.D.L.R.] lui a permis d’obtenir de belles exclusivités" , à l’image d’Yseult ou de Vianney. Une expertise qui lui confère une légitimité à la tête de Believe, notamment à une période au cours de laquelle l’entreprise connaît une forte croissance – malgré un tarissement en 2020, d’après elle du fait de l’impact de la crise sur le marché publicitaire.
Voici comment se décompose la capitalisation de l’entreprise début juin 2021 : Technology Crossover Ventures (TCV) – un fonds d’investissement connu pour avoir précédemment parié sur Netflix, Spotify ou Facebook – (49,64 %), Ventech (20,34 %), Denis Ladegaillerie (15,04 %), XAnge (8,06 %), GP Bullhound (2,57 %) et les autres actionnaires (4,35 %). En ce qui concerne son chiffre d’affaires, il avoisinait les 700 millions d’euros en 2019 selon Les Échos. "Elle n’a, à ce stade, pas encore atteint le statut de licorne" , communément octroyé à partir du milliard de dollars de valorisation, a confirmé à Maddyness Joy Sioufi.
Quelle technologie a-t-elle développée ?
Dès sa création, Believe a placé le numérique au cœur de ses préoccupations. Comme l’a régulièrement martelé Denis Ladegaillerie lors de conférences de presse : "On passe d'un monde où ce qui comptait, c’était le talent management de quelques équipes pour gérer un nombre limité d'artistes à un modèle de plateforme technologique. Ce qui compte, ce ne sont plus les partenariats avec les chaînes de télé, mais : 'Comment comprend-t-on les algorithmes de Spotify et de Tiktok’ . " C’est pour cela que, pour optimiser la distribution des artistes de son catalogue, l’entreprise tricolore a mis au point une technologie propriétaire. "Toute notre base est, par exemple, scannée avec des algorithmes qui nous génèrent le 'mood' [l’ambiance, N.D.L.R.] des morceaux : c’est gai, c’est triste, c’est une chanson à fredonner sous la douche ou pour aller voir ma grand-mère" , a ainsi confié au Monde Isabelle Andres, directrice générale adjointe chargée des opérations de Believe, selon qui "cela permet d’être beaucoup plus fin dans la modélisation et les playlists" .
Le groupe juge que le streaming représentera 78 % du marché de la musique d'ici à 2027, contre 62 % en 2020, pour des revenus évalués à 22,4 milliards de dollars – soit 18,4 milliards d'euros.
Comment l’entreprise s’est-elle construite ?
Believe s’est, dans un premier temps, focalisée sur la seule distribution de musique. Selon Joy Sioufi, de nombreux experts du secteur ont rejoint l’aventure au fil des ans pour mieux cibler les artistes indépendants et développer une galaxie de services à leur endroit. L’axe principal de la stratégie de l’entreprise repose, depuis six ans au moins, sur l’acquisition d’autres acteurs du secteur. Il s’agit tantôt de labels, tantôt de briques technologiques. Par exemple, Believe a mis le grappin en 2015 sur l’entreprise américaine TuneCore – dont le positionnement était très proche du sien. Deux ans plus tard, il a acquis le label spécialisé dans le jazz et le classique Naïve. A suivi Nuclear Blast. Au total, 18 jeunes pousses sont tombées dans l’escarcelle de Believe.
Ces diverses opérations de croissance externe, listées dans le document d’homologation de son introduction en Bourse par l’AMF (Autorité des marchés financiers), ont constitué le cœur de la stratégie de développement de l’entreprise fondée par Denis Ladegaillerie, qui compte "1 270 employés dans plus de 50 pays et 850 000 artistes en catalogue" à date. Son concept, basé sur une promesse faite aux artistes de répartir les recettes de façon plus équitable que dans les majors, lui a permis de revendiquer, en 2019, pas moins de 8 % du marché mondial du streaming. Le Français a depuis élargi son offre afin de proposer des services aux musiciens, tels qu’un accompagnement sur le plan marketing. Il s’est, à travers ce prisme, rapproché du fonctionnement des grands groupes en éditant lui-même ses propres artistes – son marché domestique, la France, est d’ailleurs le plus prometteur.
À quoi l'IPO va-t-elle servir ?
Believe veut émettre l’équivalent de 300 millions d’euros d’actions. Une somme deux fois moins importante que ce qui était envisagé début 2021. Mais, dans un entretien aux Échos, Denis Ladegaillerie assure que ce changement de dimension n’est pas lié à une frilosité des investisseurs. "Cela permet d'éviter la dilution des actionnaires existants et de créer davantage de valeur pour les nouveaux entrants" , a avancé le dirigeant, précisant que l’entreprise devrait à l’avenir revenir sur le marché ou explorer d'autres options. Dans les faits, Believe a d’ores et déjà annoncé l'entrée à son capital du Fonds stratégique de participations (FSP),ui rassemble plusieurs grands bancassureurs français, à hauteur de 60 millions d'euros soit – soit 3 % du total du capital. Les fonds actionnaires historiques restent, eux aussi, au capital. TCV et Ventech, notamment, auront respectivement un peu plus de 40 % et 17 % du capital, et le PDG autour de 12 %. Nom de code prévu pour cette future ligne de cotation à Euronext : "Believe Promesses".
Cette nouvelle rentrée d’argent viendra soutenir la politique menée ces dernières années : des rachats sont d’ores et déjà prévus, selon la lettre d’intention de l’entreprise à l’adresse de ses futurs investisseurs. "L'objectif principal est de poursuivre l’expansion internationale du groupe, via une stratégie de croissance externe ciblée, l’amélioration et l’extension des capacités existantes par des investissements dans sa plateforme technologique" , précise ainsi le groupe. Selon Les Échos, sont visées des entreprises importantes, valorisées entre 30 et 50 millions d’euros, comme plus modestes, de 5 à 10 millions d’euros. Believe cherche des "labels indépendants qui sont complètement digitaux" ou "plus traditionnels, mais qui veulent accélérer leur croissance sur le marché du digital" , a précisé Denis Ladegaillerie au quotidien économique.
Un projet visant à doubler les effectifs de développeurs a aussi été engagé, afin de fournir davantage de services quant aux aspects numériques. Ainsi, ils devraient être au moins "250 professionnels du domaine au sein du groupe d’ici à 2023".