L'économie française aura-t-elle besoin d'un deuxième plan de relance? Si pour le gouvernement, la priorité reste de dépenser les 100 milliards déjà prévus, Emmanuel Macron a remis le sujet sur la table, alors que certains acteurs économiques et politiques appellent à en faire plus. Le président de la République a relancé le débat vendredi en évoquant une "grande concertation" dans les prochains mois pour "inventer un deuxième temps de la relance" . Il n'a pas précisé si l'Etat allait débloquer des moyens supplémentaires, mais évoqué "une simplification drastique, un réinvestissement dans les secteurs dont nous avons le plus besoin et une accélération".
Emmanuel Macron entend ainsi consulter les élus locaux et les acteurs économiques durant l'été. "On fera le bilan à l'été de tous les dispositifs" et de la situation économique, a confirmé lundi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur RTL, avant de donner rendez-vous en septembre pour voir "à ce moment-là s'il est utile pour le pays (...) de rajouter ou non de l'argent dans le plan de relance" . La plupart des économistes ont jugé le plan de relance de 100 milliards d'euros adapté à la sortie de crise depuis son adoption fin 2020. En fin d'année, le gouvernement avait dit qu'il rajouterait 20 milliards d'euros pour 2021 pour aider les entreprises et les ménages.
Mais de nombreuses voix se sont aussi élevées dans le monde économique pour critiquer un projet insuffisant ou mal calibré.
L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estimait fin janvier que la France pourrait doubler le plan de relance actuel en profitant des conditions d'endettement favorables actuelles. L'OFCE avait alors fait état de 6 propositions économiques pour assurer le rebond en France. François Bayrou, Haut commissaire au Plan a aussi plaidé pour une "reconquête de l'appareil productif" français grâce à la mobilisation de 200 à 250 milliards d'euros. Il y a quelques jours, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux estimait que le plan de relance devrait être complété de manière "significative" pour les secteurs mis en difficulté par la crise. Après l'annonce du calendrier du déconfinement, le patron de la Fédération du commerce, Jacques Creyssel, demandait lui sur BFM Business un deuxième plan de relance qui concerne "en priorité les secteurs qui ont été les variables d'ajustement, notamment le commerce".
À Bercy, où on a mis des mois à mettre sur pied le plan de relance, cela fait des semaines qu'on temporise sur ces demandes. Si Bruno Le Maire n'a jamais totalement fermé la porte, il a toujours mis en avant l'enjeu de le déployer rapidement, vantant encore lundi que près d'un tiers, soit "30 milliards" , aient déjà été engagés. "Pour le moment, la priorité absolue c'est le décaissement de ces 100 milliards d'euros" , a-t-il encore dit lundi matin. Le gouvernement a aussi déjà réalloué des fonds, mais sans augmentation de l'enveloppe globale, sur des dispositifs pour lesquels la demande des entreprises a largement dépassé les attentes (industrialisation, numérisation des PME). "L'enjeu n'est pas qu'un sujet d'argent, mais d'avoir des projets en face" , défend-on à Bercy, où on voudrait surtout éviter toute dépense durable, qui grèverait encore un peu plus les comptes de l'Etat, alors que la dette publique et le déficit se sont envolés depuis le début de la crise.
L'Etat pourrait ainsi débloquer de nouveaux moyens pour des dépenses d'investissement, au moment aussi où la France pousse pour que l'Union européenne muscle sa réponse à la crise, afin de ne pas être déclassée par les Etats-Unis et la Chine. "L'Europe devra ajouter un nouveau volet d'investissement de long terme au-delà du plan de relance déjà lancé pour être à la hauteur" , affirmait récemment aux Echos Clément Beaune, le secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes. Les gouvernements européens "prévoient un retour de l'économie à son niveau pré-crise beaucoup plus tardif que tout le monde, en 2022, alors que la Chine est déjà au-dessus (...) et que les Etats Unis le seront dès le trimestre prochain" , souligne l'économiste Shahin Vallee.