Société Générale a mis en place une stratégie d’open innovation rôdée pour fluidifier ses process et étoffer les produits financiers qu’elle propose à ses clients. Cédric Curtil, Directeur de la Stratégie et de l'Innovation Retail France, détaille les différents éléments de cette stratégie.
Peut-on encore innover quand on est une banque, créée en 1864, qui compte près de 150 000 salariés dans plus de 75 pays, qu’on gère plus de 30 millions de clients et quelques 23,6 milliards d’euros de produit net bancaire ? Pour Société Générale, la question est plutôt de savoir comment continuer à innover, comme elle l’a toujours fait depuis sa création. “Une entreprise doit savoir s’adapter au monde dans lequel elle agit, souligne Cédric Curtil. Avec l’avènement des nouvelles technologies, les clients ont découvert de nouvelles expériences et leurs exigences ont été revues à la hausse. S’ils ont l’habitude de commander sur un site e-commerce qui les livre dans un temps record et avec un service client irréprochable, ils vont rechercher la même expérience lorsqu’ils traitent avec Société Générale.”
Pour répondre au mieux à ces nouvelles attentes, Société Générale s’applique à innover dans trois domaines complémentaires. Le Groupe cherche d’abord à comprendre les évolutions du marché et à analyser ses consommateurs pour anticiper leurs besoins ; c’est pourquoi il réalise des études, notamment sociologiques, pour rester au contact de ses clients et pouvoir appréhender au mieux les tendances à l’oeuvre dans ses différents secteurs d’activité.
Ensuite, le Groupe veut rester à la pointe de la technologie, par exemple en matière de cryptosécurité. Pour cela, il va collaborer avec toute une galaxie de startups qui maîtrisent les diverses technologies qu’il souhaite déployer. Enfin, il travaille aussi activement avec un certain nombre de partenaires en matière de design utilisateur pour offrir à ses clients une expérience sans couture, simplifiée au maximum.
Innover pour améliorer l’expérience client
Pas question de vanter une démarche d’open innovation complètement hors sol, qui n’aurait d’autre réalité que celle des brochures sur papier glacé. “L’innovation ne peut pas être détachée du terrain, martèle Cédric Curtil. Les directions de l’innovation ne peuvent pas travailler seules. Il faut que leurs actions soient utiles au métier que l’on cherche à améliorer. C’est pour cela qu’à Société Générale, les directions de l’innovation collaborent étroitement avec les divisions marketing ou les entités opérationnelles, en fonction des projets qu’elles portent.” Pas étonnant donc que la plupart des collaborations de la Société Générale avec des startups ne concernent pas des services financiers mais plutôt des technologies, des outils de communication ou de gestion des ressources humaines.
Le groupe a tout de même acquis en mars 2015 sur Fiducéo, via sa filiale Boursorama. L’agrégateur de comptes et de factures est aujourd’hui utilisé aussi bien par les clients de Boursorama, de la Société Générale que de Crédit du Nord. “Cette opération est la preuve que nous savons racheter une startup sans la tuer, se réjouit Cédric Curtil. Les équipes de Fiducéo ont été intégrées au groupe, tout comme le produit a trouvé sa place parmi les fonctionnalités proposées par Société Générale à ses clients.”
Partager les compétences entre grand groupe et startups
La prise de participation et a fortiori le rachat d’une startup restent toutefois des exceptions. En matière de stratégie d’open innovation, Société Générale privilégie l’accompagnement des jeunes pousses qu’elle détecte comme à fort potentiel. “Nous n’avons pas de structure d’accompagnement à proprement parler, tout simplement parce que ce n’est pas notre métier, souligne Cédric Curtil. Mais nous sommes partenaires d’un certain nombre de structures.” Le groupe a tout de même ouvert en mars 2016 Les Dunes, technopôle situé à Val-de-Fontenay, en banlieue parisienne. C’est là que se trouve le Plateau, espace de plus de 1000 mètres carrés dédié aux startups et à l’open innovation.
Hyperactif en matière de détection de pépites, le groupe rencontre quelque 1500 startups par an, dans tous les pays dans lesquels il est implanté. Tous les contacts ne débouchent pas sur une collaboration mais permettent au groupe de nourrir une impressionnante base d’entreprises innovantes dans laquelle il pourra piocher au fur et à mesure des projets qu’il souhaite développer. “Nous apportons aux startups notre compétence de banquier, précise Cédric Curtil. Si elles ont besoin de progresser sur tel ou tel sujet bancaire, nous devenons un partenaire dans le cadre d’un partage de compétences. A ce titre, nous nous positionnons comme l’un des acteurs de cet écosystème innovant. Nous ne sommes pas là pour donner des leçons.”
D’autant que le groupe soutient également en interne les projets innovants portés par ses propres salariés. “Nous misons sur la complémentarité entre innovation interne et externe”, explique Cédric Curtil. Des appels à projets sont ainsi portés en interne par le groupe pour inciter les talents salariés à dévoiler leurs idées et leurs pistes d’amélioration.
Gagner en agilité
Cette stratégie d’open innovation s’ancre dans une ambition plus large. D’abord celle de tenir à distance la concurrence, chaque groupe bancaire ayant sa propre stratégie pour innover et collaborer avec des startups. Ensuite pour s’ancrer à long terme dans le paysage des entreprises innovantes, quelles que soient les évolutions du secteur. “Il y a une forme d’euphorie autour de l’innovation et c’est normal, nous ne sommes qu’au début du cycle, prophétise Cédric Curtil. Mais je ne crois pas à l’éclatement de ce qui serait une bulle, je pense que le marché va plutôt gagner en maturité et aller vers plus de sélectivité. Quand cette étape arrivera, l’objectif de Société Générale est évidemment d’être du côté des bonnes idées et des innovations pérennes.”
Si la stratégie du groupe semble rôdée, il reste cependant des axes d’amélioration à travailler. Alors que Société Générale veut miser sur la célérité - en limitant par exemple le nombre d’étapes et de rendez-vous qu’une startup doit faire au sein du groupe avant que cela ne débouche sur une collaboration - la technique peut constituer une pierre d’achoppement dans les démarches d’open innovation. “Nos efforts de rapidité sont parfois entravés par certains systèmes d’information, reconnaît Cédric Curtil. Mais nous développons de plus en plus d’API externes pour faciliter la mise en place de tests et de nouveaux services. C’est l’un des points majeurs sur lesquels nous travaillons.” Même après 154 ans d'existence, un grand groupe peut encore s'améliorer... en innovant ?
Maddyness, partenaire média de Société Générale.