J’ai passé plusieurs mois à Tel Aviv aux côtés de Oneragtime, afin de screener l’écosystème, trouver de belles startups dans lesquelles investir et surtout essayer de comprendre le sens de cette phrase. Les israéliens l’utilisent comme outil marketing, mais cette phrase est bien plus que le titre d’un livre. C’est une réalité. Israël n’est pas qu’une startup nation, mais une nation de startups.
Quelques données surprenantes concernant l’écosystème israélien
- Mis à part les États-Unis et la Chine, c’est le premier pays du monde, en termes d’entreprises cotées au Nasdaq.
- C’est le premier pays du monde, en termes d’investissements dans des capitaux-risques par personne et en pourcentage de PIB.
- C’est le premier pays du monde concernant la concentration en startups : il y a une startup pour 400 habitants et tous les 19kms².
- C’est le premier écosystème de startups au monde, après l’écosystème américain, si l’on en croit les chiffres du classement mondial pour l’année 2015 des écosystèmes de startups fait par Compass.
- C’est le premier pays du monde, en ce qui concerne la concentration des employés du domaine de la recherche et du développement : 140 pour 10000 (les États-Unis sont en deuxième position, avec 85 pour 10000).
- C’est le pays n°1 en termes de concentration des employés du secteur de la high tech : Israël compte 250000 employés travaillant dans la high tech (ce qui représente près d’un employé sur 10).
- C’est le premier pays du monde, de par son volume de publications scientifiques.
- C'est le premier pays sur une liste de 148, en termes de capacité d’innovation, deuxième pays, en termes d’esprit d’entreprise et numéro 3 mondial en termes d’innovation, selon l’indice 2016 de compétitivité mondiale utilisé par l’IMD.
- C'est la première économie sur 60 économies développées dans le monde, en termes de capacités technologiques et scientifiques, selon l’Index de Dynamisme Mondial, actualisé tous les ans.
- C’est le deuxième pays du Forum Économique Mondial.
- C’est le deuxième pays du monde, en termes de niveau d’instruction, selon le Wall Street Journal.
- C’est le quatrième pays du monde, de par sa capacité à attirer les investisseurs étrangers, selon Deloitte.
- C’est le cinquième pays du monde, en termes de brevets par habitants.
- C’est le dixième pays du monde, sur l’index Bloomberg.
La question se pose donc : comment est ce possible ? Quelle est la recette d’innovation d’Israël ?
Avec l’équipe de Oneragtime, on a décidé de répondre à cette question avec une infographie (en anglais) qui résume parfaitement les liens entre les différents acteurs de l’écosystème et comment chacun contribue à la réussite de cet esprit d’innovation :
Les piliers des innovations
1) Le pilier militaire
En Israël, le service militaire est obligatoire, entre 18 et 21 ans. Il prépare le futur de tous les citoyens. Il y a quelques unités de renseignement exceptionnelles qui forment des experts en technologie ou en informatique, des hackers… comme on en voit nulle part ailleurs. Par exemple, 8200 est l’unité d’information et de renseignement suprême de l’armée israélienne ou encore 81 qui se concentre sur la fourniture des technologies les plus avancées aux soldats israéliens. La culture et la méthodologie d’enseignement y sont exceptionnelles :
"Il n’y a personne autour de vous qui vous indique la marche à suivre. La culture –et c’est comme ça que ça fonctionne ici - veut que vos supérieurs vous demandent de vous débrouiller. Ceci vous donne l’immense liberté de pouvoir penser différemment. C’est vous et personne d’autre. Et quand vous êtes un entrepreneur, c’est la qualité la plus importante"
Avishai Abrahami, fondateur de Wix
Quand on se dit que la grande majorité des innovations technologiques que nous connaissons maintenant, comme le GPS ou Internet provient des services technologiques de l’armée américaine, on peut imaginer à quel point l’armée israélienne contribue à cet esprit d’innovation que l’on constate dans le pays. Plus de 1000 startups ont été montées par des alumin de l’unité 8200 : de Waze à Check Point, en passant par Mirabilis, l’entreprise-mère de ICQ et 90% du matériel utilisé par le service des renseignements en Israël provient de 8200, selon Forbes.
2) Le soutien du gouvernement
En Israël, le gouvernement consacre une grande partie de son budget à l’Armée, ainsi qu’à la recherche et développement technologique (20% et 4% de son PIB, respectivement). Le graphique ci-dessous fait par l’institut Samuel Neaman (en anglais) montre clairement la manière dont le gouvernement et les entreprises publiques contribuent à l’émergence de tous les types de pôles d’innovation.
Crédit : Institut Samuel Neaman – L’écosystème d’Innovation Israélien
3) Pôles d’innovation & départements de Recherche et de Développement multinationaux
Crédit : Lior Weizman - Deloitte Israël
Il y a environ 350 centres de recherche et de développement multinationaux en Israël, la plupart de ces centres ont été créés après l’acquisition d’entreprises israéliennes spécialisées dans les nouvelles technologies. Les centres de recherche et de développement forment une part importante de l’écosystème d’innovation israélien. Ils créent de la valeur technologique non négligeable : ils représentent en effet environ 50% des investissements en recherche et développement. De plus, ces centres de recherche et de développement ont un effet positif sur l’économie, en termes de salaires et de productivité. Les employés des centres de recherche et de développement passent aussi par différents acteurs du secteur des hautes technologies au cours de leur carrière, leur permettant ainsi de " distribuer " les compétences technologiques et managériales acquises. Dans le monde professionnel, ce phénomène est connu sous le nom de " débordement ", selon l’édition 2017 du rapport de l’Autorité Israélienne de l’innovation.
4) Un écosystème de VCs très performant
Israël compte environ 150 Vcs en activité. Certains sont connus pour leur expertise dans un secteur donné comme la cyber-sécurité, les biotechnologies ou la fabrication industrielle, d’autres pour leur brillant track record (Magma, Pitango, Gemini, Canaan, JVP...). En bref, l’écosystème de financement est impressionnant et il n’y a pas besoin d’expliquer à quel point ce dernier contribue à l’écosystème. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- En 2017, les entreprises israéliennes spécialisées dans le high tech ont permis de lever 5,24 milliards de dollars avec un record de 620 deals.
- En 2017, les startups israéliennes " exited " pour 23 milliards de dollars, répartis sur 112 contrats signés, dont : 92 contrats de fusion-acquisition, 13 Premiers Appels Publics à l’Épargne, et 7 rachats, dont 18 montants ont dépassé la barre des 100 millions de dollars
Voici un excellent mapping de l’écosystème de financement en Israël avec la plupart des acteurs :
Crédit : I angels
5) Structure compétitive
Israël est un tout petit pays, peuplé de 8,5 millions d’habitants, parmi lesquels environ 480 000 vivent à Tel Aviv. Quand vous pensez que la moitié de ces gens sont des consommateurs et qu’encore moins de monde aura accès à du capital libre, un fait se dégage clairement : vous ne pouvez pas imaginer lancer avec succès votre produit ou votre service dans cette région. Vous devez vous résoudre à étendre votre marché à l’échelle mondiale. Il vaut mieux ne pas avoir de marché du tout que d’en avoir un petit, cela oblige à rêver plus grand : " To live, you’ll have to go big. "
Ceci étant dit, les données concernant Israël sont impressionnantes, comparées à sa structure. Par exemple, la population a doublé en 30 ans (passant de 4,1 millions d’habitants à 8,2 millions d’habitants), son PIB a augmenté de 400%, ses réserves en devises étrangères ont augmenté de 3%, ce qui a permis de réduire la dette de 76%. Les dépenses de sécurité par rapport au PIB ont aussi baissé de 75%, le déficit de - 82%, la pression fiscale de 30%, et l’aide américaine (en tant que pourcentage du PIB) de 90%. Israël doit cette croissance impressionnante au moins en partie aux succès rencontrés dans le secteur de la high tech qui ont entraîné l’apparition d’un flux continu d’investissements étrangers, selon l’édition 2016 du rapport du Groupe Luzzatto concernant l’Innovation Technologique en Israël.
6) Les synergies
Israël possède de sérieux atouts pour être un leader mondial dans le domaine de l’innovation, mais ce qui est encore mieux, c’est que tous ces atouts sont liés. C’est pourquoi, dans ce cas précis, on peut dire que 1+1 = 3 :
- Un cadre culturel fort qui est influencé à la fois par l’Armée et la structure compétitive, ce qui a un impact énorme sur la mentalité des israéliens.
- Un transfert efficace de l’expertise et de la technologie qui implique l’Armée, l’enseignement, les incubateurs, le gouvernement et les multinationales qui partagent et mettent leurs ressources en commun pour offrir à la population ce qui a été fait sur le terrain et dans les laboratoires.
- Un accès facile aux fonds provenant du gouvernement et des VC, doublés de hubs performants permettant aux entreprises d’acheter des startups et de construire des centres de recherche et de développement. Ce phénomène contribue grandement au cercle vertueux de l’innovation en Israël.