Aujourd’hui, le numérique représenterait environ 10% de la puissance énergétique mondiale, un chiffre impressionnant mais peu étonnant en réalité quand on voit sa pénétration dans nos vies. Livraison de courses, achat de billets de train, télétravail, streaming... Le numérique fait partie de notre quotidien. L’arrivée du smartphone a renforcé ce phénomène. "Avec la 2G, on pouvait enfin téléphoner dans la rue, avec le 3G, on a pu envoyer des MMS tandis que la 4G nous a permis d’avoir des usages connectés réellement nomades comme consulter des sites internet, envoyer des mails où que l’on soit..." , détaille Maxime Efoui-Hess, coordinateur de projet au sein du Shift Project., un think thank qui milite pour la sobriété numérique. L'arrivée de la 5G est un bon exemple des tensions et des enjeux autour de la technologie.
Une croissance des usages
La cristallisation des tensions autour de la 5G - critiquée par certains, encensée par d’autres - démontre une réelle opposition des opinions sur le développement et le déploiement de nouvelles technologies. "En 2020 les questions technologiques sont devenues des questions politiques qui se sont cristallisées autour des usages. Les choix technologiques sont devenus des choix politiques" , estime Maxime Efoui-Hess. La 5G en est la preuve. Les premiers déploiements de cette technologie sont encore limités — Paris, Strasbourg, Lyon et Bordeaux — et les nouveaux usages ne sont pas encore réellement apparus. Malgré tout, ils pourraient avoir une réelle incidence sur l'environnement selon le think tank.
En se basant sur les travaux de diverses organisations, The Shift Project a élaboré plusieurs scénarios prédictifs sur l’impact potentiel du numérique au cours des années à venir. Avec une croissance de 6% de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) par an, le numérique contribue déjà à 3,5 % des émissions mondiales. Dans un scénario de croissance absolue, ce taux pourrait doubler d’ici 2025. La 5G fait partie des technologies qui pourraient en être responsables selon l'association.
Contrairement aux idées reçues, le problème des data centers ne vient pas particulièrement des GAFAM. Au contraire même : "Leurs immenses data center possèdent une efficacité énergétique bien supérieure à celle des data center des entreprises, même de taille importante" , détaille Hugues Ferreboeuf, chef de projet. Dans les années qui viennent, The Shift Project mise sur une migration des entreprises vers ces structures, ce qui devrait contribuer à réduire leur impact. Mais, en parallèle, on devrait également assister à une croissance de "l’edge computing", une pratique consistant à traiter les données au plus proche du réseau. La 5G et l’IoT, par exemple, devraient renforcer ce besoin, créant ainsi de nombreux petits data center de proximité, peu efficients.
La place du smartphone n’est pas négligeable non plus. D’ici à 2025, 8,5 milliards de nouveaux smartphones devraient être produits dans le monde. L’arrivée de la 5G n’est pas sans lien avec cette abondance possible puisque les anciennes générations de smartphones ne sont pas toutes compatibles avec cette technologie. "Il faut apprendre à agrandir la durée de vie de nos terminaux et réfléchir à ce qui est vraiment indispensable pour nous. A t-on vraiment besoin de la 4K sur son téléphone ? " , renchérit Maxime Efoui-Hess.
Mettre en place une gouvernance sur l'impact du numérique
À travers son rapport, le think tank cherche à interpeller toutes les parties prenantes au débat. Plutôt que de se lancer à corps perdus dans une course à la technologie, il propose d’établir une stratégie utilisant comme premier outil une balance qui permettrait de mettre en concurrence le coût environnemental, l’impact et le besoin de déploiement de toutes nouvelles technologies.
Le think tank propose trois axes de développement pour limiter l’impact du numérique sur la planète :
- La mise en place d’une gouvernance du numérique englobante, allant de la société civile jusqu’à l’Europe visant à établir, en accord avec les citoyens, une stratégie de développement du numérique ainsi que des outils de suivi pour en évaluer l’impact.
- L’invention de nouveaux modèles économiques non plus basés sur l’accumulation des données mais sur l’amélioration de la durée de vie des terminaux.
- Le développement d’outils de pilotage numérique pour mesurer et évaluer l’impact carbone et énergétique des technologies développées et assurer un suivi de ces évaluations.
"L’arrivée de la 5G doit être un électrochoc pour entamer ce débat , ajoute Hugues Ferreboeuf, car il n’est pas trop tard pour la réguler. Les nouveaux usages qui vont naître de cette technologie ne sont pas encore créés, ni déployés". Pas sûr néanmoins que les opérateurs et les entreprises aient envie de brider leur créativité et de réduire la manne financière que représentent ces innovations.